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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway]

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Arkimedes Glaukopis
Arkimedes GlaukopisAlexandria
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyMer 12 Juil - 10:35
C'était finalement un heureux hasard que l'inauguration du théâtre l'ai retenu un jour de plus à Fujinokawa: le lendemain même, Arkimedes entendait une rumeur fascinante en buvant un dernier thé avant son départ. Le jeune couple qui déjeunait non loin de lui avait aperçu des ruines sur un bloc modeste lors d'une promenade à dos de pégase. A force de laisser traîner ses oreilles, il avait compris qu'elles se situaient à quelques heures de voyage à l'est de la pointe sud du bloc de Fujinokawa. L'historien avait alors eu un heureux réflexe: il avait compulsé ses cartes, puisque le site ne lui disait rien.

Et en effet, il ne semblait pas référencé. Un bloc correspondait bien à cette localisation, mais la présence de ruines n'avait pas été relevée! De là, Arkimedes aurait pu rentrer à Alexandria et effectuer des recherches complémentaires mais l'envie de s'épargner un aller-retour potentiellement inutile avait fini par prendre l'avantage. Après tout, c'était presque sur sa route, il ne lui faudrait pas beaucoup de temps pour reconnaître les lieux et déterminer une bonne fois pour toute si le site avait déjà été exploré ou non. Une poignée de jours plus tard, le temps de renflouer ses provisions et d'acheter le matériel qui lui manquait, il volait vers le sud.

La bourgade côtière dans laquelle il atterri donnait une impression de bout du monde. Les maisons étaient blotties les unes contre les autres face au vide infini sur lequel ne flottaient que quelques blocs épars au loin. C'était en contemplant ce genre de spectacle qu'Arkimedes parvenait, ne serait-ce qu'un peu, à se figurer ce qu'avaient pu ressentir les contemporains de la Dislocation. Il n'avait pas la possibilité de se figurer ce qu'aurait pu être la vie sur un monde entier, pas plus que ses lointains ancêtres avaient pu imaginer évoluer dans un monde épars. Créer une telle connexion émotionnelle avec le lointain passé le conforta dans son choix: l'historien avait la certitude de faire le bon choix.

Toutefois, en se renseignant auprès de l'aubergiste, qui à la morte saison n'avait pas bien mieux à faire que de bavarder, Arkimedes déchanta bien rapidement. Si la ruine n'était sur aucune carte, elle était bien connue des locaux et en de bien mauvais termes: l'endroit était réputé servir de camp de base à une bande de pirates. Personne n'avait encore eu la témérité de vérifier la véracité de la rumeur, mais tous les interlocuteurs de l'historien s'accordaient sur le fait que rien d'honnête ne pouvait se tramer là-bas. Tous évitaient l'endroit, qui avait de surcroît la réputation d'être hanté. S'en suivi une journée d'intense hésitation pour Arkimedes: il aurait sûrement été plus raisonnable de rentrer, mais il ne parvenait pas à oublier son projet. Le courage n'avait jamais été au nombre de ses qualités, mais l'entêtement figurait sans conteste parmi ses défauts.

Il était absolument certain que tout ceci n'était que des rumeurs. Les gens de la côte auraient sûrement déjà eu des ennuis avec ces bandits s'ils vivaient si prêt de leur bourg et l'historien n'avait jamais cru aux fantômes, mais une petite voix irrationnelle chantait depuis le fin fond de son esprit. Et si c'était vrai? Incapable de reculer ou d'avancer, Arkimedes avait vidé son escarcelle sur son lit, empilant précautionneusement les pièce de bronze et d'argent. En retirant le montant estimé des frais de son voyage de retour, comptant péniblement sur ses doigts, il en arriva à la conclusion qu'il pouvait se permettre une dépense supplémentaire. Toutefois, il ne savait pas où acheter ce service dont il avait tant besoin. L'historien n'avait encore jamais eu à engager un homme de main.

Il erra dans les rues une partie de la soirée, ne s'imaginant pas aborder quelqu'un pour se renseigner: Arkimedes ne voulait pas avoir l'air de chercher les ennuis. Ainsi, il faisait déjà nuit quand il se résigna à pousser la porte d'une taverne proche du port. Dans les romans, c'était ainsi qu'on s'y prenait quand il s'agissait de trouver des volontaires pour courir l'aventure et il voulu croire qu'il y avait un fond de vérité là-dedans. Il déchiffra péniblement les caractères ryoshimais de l'enseigne avant d'entrer: la Grue Vagabonde. C'était tout à fait ce qui lui fallait. L'intérieur était bruyant et enfumé, rempli au point qu'Arkimedes se demanda comment le parquet tenait bon, tout en étant assez cosmopolite pour que personne ne relève la présence du grand kymarais en costume.

Il se fraya un chemin jusqu'au bar, tenu par une dame jolie mais visiblement fatiguée, quelque peu débraillée et échevelée. Elle le regarda avec des yeux ronds quand il commanda la spécialité de la maison, mais lui servit finalement un fond de verre rempli d'un alcool trouble qui piquait le nez. L'historien était toujours en train d'hésiter à lui demander les renseignements dont il avait besoin quand il aperçu un visage connu à l'autre bout du comptoir. Il n'aurait pas pensé croiser ici quelqu'un qui avait été à la prestigieuse inauguration quelques jours plus tôt, mais il en fut néanmoins soulagé. Si Alexander connaissait, ne serait-ce qu'un tout petit peu plus que lui la région, il pourrait sûrement le renseigner.

Arkimedes trempa ses lèvres dans son verre, réprima une grimace due à l'amertume du liquide et se fraya péniblement un chemin jusqu'à sa connaissance, ses cheveux blonds comme un oriflamme dans la foule chaotique. Arrivé à sa hauteur, l'historien s'efforça de se composer un air mondain cohérent avec ce qu'il avait montré de lui même au théâtre, tout en ayant l'air de savoir ce qu'il faisait là.

"Monsieur Galloway, c'est un plaisir de vous croiser ici."
Alexander Galloway
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyMer 12 Juil - 22:25
Le bout du monde. Un endroit qui se trouvait à la fois partout et nulle part en Terreciel. Le monde s'achevait sur une falaise, se perdait dans le vide du ciel, se noyait dans les nuages puis revenait le temps d'un vol sous la forme d'autres falaises abruptes, de demeures nichées sur leurs sommets, blotties les unes contre les autres comme si elles craignaient que le vent ne les emporte. Le bout du monde était tantôt faste, resplendissant de richesses, tantôt sauvage, désolé, brutal à l'image de la Dislocation elle même. Du moins c'était ainsi que les récits la décrivait.

Ce bloc battu par les vents était un bout du monde. Une terre arrachée aux autres, dérivant au milieu d'autres blocs plus petits que l'on distinguait au crépuscule entre deux nuages. Les gens d'ici étaient-ils venus coloniser cet endroit ? Qu'étaient-ils venus y chercher ? à moins qu'ils ne fussent les descendants des survivants du drame ? Alexander se prenait à imaginer ce que la vie avait dû être pour ces gens arrachés à la foyer, désormais sur un morceau de cailloux flottant au dessus du vide. Avaient-ils attendu des secours ? Avaient-ils désespéré ? Ou bien avaient-ils trouvé en eux des ressources insoupçonnées pour affronter ce monde fracturé qui était désormais le leur ?

Ces pensées voletaient toujours dans son esprit alors qu'il était assis au comptoir d'une taverne bondée de voyageurs de toute sorte. Adieu la sophistication du théâtre, ici l'on ne trouvait qu'un alcool passable et une foule bigarrée s'exprimant dans toutes les langues qui pouvaient bien exister depuis la Dislocation. L'odeur de tabac flottait dans l'air, mélangée à un parfum de sueur et de feu de bois. Ce n'était pas le meilleur mélange, loin s'en fallait, mais au milieu du chahut des cuisines et de la salle commune, il avait quelque chose d'étrangement familier et réconfortant. Après tout, c'était dans ce genre de taverne qu'il avait été ivre pour la première fois, un soir d'été avec ses amis de l'université. Le temps lui avait ensuite enseigné que les tavernes étaient de précieuses alliées. Elles étaient un nid d'information, une ruche bourdonnante d'activité. Il suffisait de s'y glisser, de tendre l'oreille et les opportunités se retrouvaient à portée de main.

Le jeune homme reprit une gorgée du rhum ambré qu'on lui avait servi plus tôt dans la soirée. Dans ce genre d'établissement mieux valait prendre un alcool fort, au moins l'on était sûr qu'aucun germe n'y survivait. Reposant le verre, il se remit à consigner dans un carnet de voyage ce qu'il entendait. La voix du peuple avait toujours des choses passionnantes à raconter. Parfois, les mots qu'elle laissait échapper étaient même inspirant. Cela le poussait à réfléchir à la suite des évènements. Pourrait-il obtenir un entretien avec l'empereur ? Comment gagner son soutien malgré une position délicate ? La princesse de Jahreel aurait-elle un rôle à jouer dans tout cela ? Devait-il trouver d'autres partenaires ?

Une voix récemment familière le tira de sa rêverie. N'ayant pas encore identifié la tonalité, le jeune homme se tourna pour reconnaître non sans étonnement l'érudit qui lui avait été présenté la veille par les soeurs York. Le sourcil visible du borgne se haussa, dessinant un arc blond légèrement surpris avant qu'il ne se reprenne et réponde par un large sourire à son interlocuteur.

"Monsieur Glaukopis ! Je ne m'attendais pas à vous croiser ici, voilà une bonne surprise," s'exclama-t-il.

Il se leva promptement tout en refermant son carnet pour ensuite tendre la main à Arkimedes. Les salutations d'usage faites, il invita le jeune homme à s'asseoir près de lui avant de héler la tenancière.

"Dites moi, que puis-je vous offrir à boire ?"
s'enquit-il avec bonne humeur. "Leur gnôle ne vaut pas grand chose mais leur rhum se laisse boire."

La famille York bénéficiait d'une place toute particulière dans le coeur d'Alexander. En dépit de sa haine du système, il ne pouvait nier qu'il entretenait une certaine tendresse à l'égard des soeurs York si bien que jusqu'à preuve du contraire, leurs amis étaient les siens. De plus, il était toujours plaisant de rencontrer un visage connu au milieu de nulle part.
Arkimedes Glaukopis
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyVen 14 Juil - 11:39
A son grand soulagement, Alexander se souvenait de lui, après tout ils s'étaient rencontré très récemment, et lui réserva un accueil plutôt chaleureux, bien qu'il soit visiblement surpris de le voir. Arkimedes lui serra la main avec plaisir et s'installa volontiers sur le tabouret à côté du sien, tassant sa grande silhouette en s'accoudant au comptoir.

"Oh, je vous en prie, appelez moi Arkimedes." répondit-il, en toute franchise. L'historien n'avait jamais trop aimé qu'on l'appelle par le nom de son père, surtout en contexte informel.

Le jeune homme proposa ensuite de lui offrir un verre, commentant brièvement la qualité des différentes boissons de la maison. Il baissa les yeux sur son fond de verre et le liquide infect qu'il contenait: à n'en pas douter, c'était cette fameuse gnôle qu'on lui avait servie. Arkimedes n'était déjà pas un grand amateur d'alcool, mais cette eau-de-vie allait probablement finir de l’écœurer et il doutait qu'un tel endroit serve du jus de fruit ou du thé.

"Merci, j'ai déjà un verre." répondit-il en leva sa boisson, comme pour trinquer. "Je n'ai pas fait le meilleur choix, mais je vais m'efforcer de finir."

Joignant le geste à la parole, il en avala une gorgée et lutta pour ne rien montrer de son dégoût. Pendant les quelques secondes de flottement qui suivirent, alors qu'il s'efforçait de trouver un sujet de conversation, les yeux de l'historien tombèrent sur le carnet fermé devant Alexander. Tiraillé par la curiosité, Arkimedes hésita à le questionner sur le sujet: il n'y avait rien de plus personnel pour quelqu'un que ses notes. Que son compagnon de boisson compose de la poésie, fasse sa comptabilité ou tienne un journal, c'était quelque chose qui lui appartenait.

D'un autre côté, il était mal-à-l'aise de passer directement des mondanités aux meilleurs endroits pour engager des hommes de main, mais le silence s'attardait et Arkimedes ressentait de plus en plus vivement le besoin d'entretenir la conversation.

"Avez-vous entendu les rumeurs?" demanda-t-il après avoir finalement trouvé un compromis avec lui-même. "On dit que des pirates se sont installés à seulement quelques heures d'ici. Ça me paraît invraisemblable."
Alexander Galloway
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyVen 14 Juil - 12:15
Alexander éleva son verre en réponde au geste d'Arkimedes et l'imita tandis qu'il tâchait de finir son verre de gnôle. L'ami des filles York ne se perdait pas en mondanités et gestes protocolaires ce qui plu au mercenaire. Après tout on était dans une taverne, pas un salon de thé. Il y avait un monde pour les courbettes et un autre où l'on descendait un verre d'alcool avec un camarade. La chose fascinante dans tout cela c'était que l'on pouvait prendre les même protagonistes et les faire naviguer entre ces deux univers pourtant si différents.

Le jeune homme acquiesça à la question de son compagnon de boisson et reposa son verre sur le comptoir avant de répondre.

"Pirates ou contrebandiers, les gens font rarement la différence," dit-il. "Ce bloc est éloigné de tout et les blocs épars que l'on peut observer plus loin peuvent constituer un bon repaire, d'autant plus que ce n'est pas une caravelle remplie de soldats qui ira s'aventurer là bas."

Des morceaux de roches et de terres à des hauteurs aléatoires, cela rendait définitivement la navigation difficile et ce d'autant plus que les vents aimaient devenir turbulents dans ce type de passage étroits et chaotiques. Alexander avait reçu quelques leçons de navigation à l'université et il en avait apprit suffisamment lors de ses voyages pour reconnaître une passe dangereuse quand il en croisait une.

"Dans tous les cas, que cela soit véridique ou non, cela ne semble avoir que peu d'impact sur le fonctionnement de cet endroit," conclut-il pour rassurer son partenaire. "Si pirates il y a, ce doit pas être le groupe le plus virulent."

Virulent peut-être pas mais peut-être intelligent. S'en prendre aux blocs proches de son repère était souvent d'une imbécilité crasse. En tout cas, si Alexander avait été pirate, il aurait probablement assuré la sécurité des blocs voisins. Un peu de loyauté n'avait après tout jamais fait de mal à personne et surtout pas à ses petites affaires. Enfin, c'étaient des spéculations pour un autre monde, Alexander n'était pas pirate.

Cependant, la question d'Arkimedes avait éveillé la curiosité du mercenaire. Demandait-il cela par crainte des forbans ou bien y avait-il un autre motif derrière ces interrogations anodines ? Après tout, l'érudit ne semblait pas familier de ce genre d'établissement, qu'avait-il bien pu venir y chercher ? Peut-être collectionnait-il des biens rares et cherchait-il à s'en procurer ? Une vente sous cape, en toute discrétion, dans un tripot perdu, cela aurait pu coller si le jeune homme n'était pas venu si ouvertement le voir. Non, il ne semblait pas être du genre à tremper dans ce type de trafic. Le savoir rendait la présence d'Arkimedes sur place encore plus intrigante.

"Les rumeurs concernant la piraterie, seraient-elles le motif de votre présence ici ?"
s'enquit-il avec un sourire.

Le brouhaha, les rires, le son des verres et des chopes qui trinquent et tintent, le mélange d'ombre et de lumières dansantes au gré du crépitement des flammes et des mouvements des convives, au coeur de cette ambiance, il y avait deux hommes, jeunes tous les deux, l'un émacié et grand, le second dissimulant un oeil sous un cache noir, la fourrure de son manteau de voyage drapant ses épaules. Il y avait un monde où ils étaient un érudit un peu déjanté ayant découvert une carte antique et cherchant le capitaine un peu fou d'un équipage tout aussi cinglé, prêt à prendre le large pour une chasse au trésor endiablée. Les nuits au bout du monde ne ressemblaient en rien aux nuits que l'on connaissait dans les villes. Sous l'ombre des étoiles, tout devenait possible, même un trésor.
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyMar 18 Juil - 17:51
Arkimedes sentit qu'il avait trouvé le bon interlocuteur quand Alexander donna un avis succin mais manifestement éclairé sur la question de ce campement de hors-la-lois qui lui donnait tant de soucis. Après tout, il y avait bien des manières de perdre un œil et du fait de son métier, l'historien savait bien que tout ce qui brille n'est pas or: il ne s'était pas risqué à répertorier immédiatement le jeune homme sous la catégorie des aventuriers sur la simple base d'un bandeau noir. Toutefois, le discours d'Alexander éclairait le peu qu'Arkimedes savait de lui sous un jour nouveau. Y figurait au premier rang cette intelligence pratique face à l'adversité dont son interlocuteur avait fait preuve quelques jours plus tôt.

Il ne suffisait pas d'être un grand voyageur pour savoir faire face à une prise d'otage, reconnaître les lieux susceptibles de subir une descente des forces de l'ordre et anticiper le comportement d'une bande de pirates. L'historien allait de bloc en bloc depuis l'aube de son âge d'homme et pourtant il ne savait rien de tout cela. Alexander avait une compétence nettement supérieure dans ce genre de matière et s'il se doutait que l'amitié d’Églantine était un gage de respectabilité, Arkimedes ne pouvait que se demander d'où venaient les connaissances de son interlocuteur. A la liste des qualités du jeune homme, l'historien eut bientôt l'occasion d'ajouter la perspicacité: l'instant d'après, Alexander faisait le lien entre sa présence et les hors-la-loi.

"Chacun sait que je suis taillé dans l'étoffe des chasseurs de pirates." répondit-il en souriant, désignant ses épaules étroites dans un geste ironique. "Non, plus sérieusement, ce ne sont pas les gens qui y vivent mais le bloc en lui-même qui m'intéresse. J'ai entendu, décidément que de rumeurs, qu'il y pourrait y avoir des ruines qui ne sont pas répertoriées par mon employeur."

Il marqua un bref silence, cherchant à articuler la suite de son propos. Arkimedes n'était décidément pas à l'aise avec l'idée d'engager une escorte: son père et ses adelphes avaient des hommes de main, pas lui. En théorie, il faisait un métier où toute violence était parfaitement superflue, passé les mots un peu forts qui pouvaient être échangés entre deux tenants de théories rivales.

"En prenant des renseignements auprès des locaux, j'ai appris qu'ils connaissent bien l'endroit, mais pour les mauvaises raisons. Mises en valeur, ces ruines pourraient devenir un atout pour la ville. Enfin, même avant d'être occupé par les pirates, elles avaient la réputation d'être hantées." passée cette brève contextualisation, l'historien marqua un nouveau silence pour avaler une gorgée de sa boisson. "J'avais dans l'idée d'engager une escorte pour aller voir malgré tout, mais je n'ai aucune idée de vers qui me diriger pour obtenir ce genre de service."

Le mot était lâché! Arkimedes espérait, même s'il ne l'aurait pas proposé d'entrée de jeu, qu'Alexander se propose. Il n'avait aucun moyen de savoir si de telles activités étaient dans ses habitudes, mais le jeune homme avait l'immense qualité d'être l'ami d'une amie et ils se connaissaient, au moins de loin. Cela lui semblait infiniment plus enviable que de voyager avec d'une brute anonyme. En bonne compagnie, ce contre-temps regrettable pourrait même devenir une aventure amusante.
Alexander Galloway
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyMer 19 Juil - 13:43
Il y avait longtemps de cela, trop longtemps hélas, Alexander avait désiré devenir explorateur. Il en avait fait son rêve, un songe auréolé de soleil, porté par les vents, emplit par les effluves des terres nouvelles et inexplorées qui se présenteraient à lui. Il avait étudié dans la seule optique de réaliser ce rêvé, s'intéressant au ciel et aux étoiles, à la navigation, à comment gérer un voyage, préparer un équipage. Il s'était donné corps et âme dans ce projet avant qu'il ne vole en éclat.

Alors qu'Arkimedes expliquait les raisons de sa présence dans une taverne crasseuse du bout du monde, dans les profondeurs d'un inconscient, un enfant ouvrait de grands yeux bleus tandis qu'à la surface, une étincelle d'intérêt s'allumait dans le regard de l'adulte.

- C'est à croire que vous prenez goût au danger, se moqua-t-il gentiment. Méfiez-vous, cela devient vite une addiction.

Le jeune homme termina son verre d'une traite. Il n'y avait pas à réfléchir des années, ni à tergiverser. Il était libre et quand bien même ils ne trouvaient ni pirates, ni fantômes, l'historien aurait probablement une foule de choses à lui expliquer quant aux moeurs de cette époque devenue presque mythique. De plus, Arkimedes avait raison, mettre en valeur ce patrimoine s'il en valait la peine pourrait aider ce petit bloc à se développer économiquement parlant.

Le son mat du bois résonna entre les deux hommes tandis qu'Alexander reposait le verre qu'il venait de finir.

"Je marche avec vous,"
répondit-il. "Quelles informations avez-vous sur l'endroit ? Quand partons-nous ? Avez-vous une monture ?"

On irait pas en caravelle ou même dans un esquif là bas, d'autant plus s'il fallait être discret. Mieux vaudrait voyager léger d'une part pour ne pas attirer les convoitises et d'autres part pour fuir facilement s'il le fallait. C'est l'oeil brillant qu'Alexander lança la conversation sur les préparatifs du voyage et interrogea son désormais acolyte concernant la localisation et les détails pour accéder aux ruines.

Dehors, les étoiles poursuivaient leur course, menées par le discret croissant de lune. La brise du soir faisait grincer les gréements dans le port et les mats se penchaient doucement comme pour se relayer une histoire de navire en navire. Le bout du monde se reposait, attendant l'aube et ses merveilles.
Arkimedes Glaukopis
Arkimedes GlaukopisAlexandria
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyMer 26 Juil - 14:56
"Oh, vous n'avez pas idée!" répondit en souriant Arkimedes à la plaisanterie d'Alexander.

Il avait toujours été un grand voyageur, mais au vu de ses dernières aventures, toutes plus risquées les unes que les autres, l'historien commençait effectivement à se poser la question. Il s'était tenu loin des intrigues politiques depuis qu'il avait quitté le foyer de ses parents, sauf quand son frère ne lui laissait pas d'autre choix que de s'en préoccuper, mais force était de constater que toute une nouvelle palette d'histoires invraisemblables d'offrait à lui depuis quelques semaines. Sans être enthousiasmé par cette perspective, Arkimedes sentait bien que le regard qu'il posait sur ses voyages avait changé et que de nouvelles possibilités lui apparaissait.

En revanche, l'enthousiasme d'Alexander ne faisait aucun doute. Depuis que l'historien avait mentionné les ruines, il sentait que son attention s'était faite plus aiguë. Quand il annonça finalement qu'il viendrait avec lui, Arkimedes ne put retenir discret soupir de soulagement. Pas de recherches longues et fastidieuse, pas de compagnie désagréable et pas de gorille ignorant pour le suivre sur ce mystérieux bloc. Il n'eut pas longtemps l'occasion de profiter longtemps de cette satisfaction: le jeune homme avait besoin de toutes sortes de détails pour organiser l'expédition.

"Je ne saurais pas suffisamment vous remercier!" répondit l'historien avec toute la sincérité du monde, avant de répondre, dans le désordre, aux questions qui lui avaient été posées: "J'ai un griffon qui m'attend à mon auberge. Thaïs n'est ni très rapide, ni très agile, mais elle devrait faire l'affaire."

Sa monture était plutôt du genre rustique et puissante: il n'en fallait pas moins pour trimbaler l'invraisemblable fourbi qu'Arkimedes emmenait avec lui en voyage. Il sorti ensuite de la poche intérieur de son manteau, la carte des environs sur laquelle il avait marqué l'emplacement approximatif du bloc. Il essuya autant que possible le comptoir gras et collant avec sa manche avant de la déplier sur le bois pour montrer l'emplacement, cerclé de rouge, à Alexander.

"Ce devrait être ce bloc, l'aubergiste me l'a confirmé. Si ce n'est pas celui-là c'est un de ses voisins directs. Deux ou trois heures de voyage, donc, selon le vent. Je ne suis pas sûr de l'état de conservation des ruines, ma source primaire était assez vague sur ce point, mais nous devrions pouvoir les apercevoir de loin. Je n'ai aucun autre détail, il va falloir tout envisager sur place."

Arkimedes se redressa après avoir terminé son exposé et considéra un instant son verre, avant de choisir de faire semblant de l'avoir oublié, puis reprit:

"Le lever du soleil me paraît être une heure raisonnable, entre le trajet, les éventuels imprévus, et le temps dont j'aurais besoin dans les ruines, une journée complète me semble bien. Savez vous déjà où vous logerez ce soir? L'auberge où je suis descendu a encore des chambres libres, ce serait plus pratique ainsi."
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyVen 18 Aoû - 13:34
Des ruines mystérieuses, un point sur une carte perdu au milieu du ciel et de fragments de roche, une potentielle bande de pirates ou des fantômes, la soirée avait prit un tour à la fois inattendu et passionnant. Alexander écouta attentivement les réponses d'Arkimedes. Un voyage d'une journée lui semblait plus que raisonnable. Il ne faudrait pas partir trop tard pour le retour car voler de nuit n'était pas le plus sûr et les jours d'hiver se faisaient traitreusement courts mais la visite était sérieusement envisageable. De plus, Arkimedes disposait d'ores et déjà d'une monture ce qui représentait un gain de temps considérable. Alexander était habitué à devoir fournir monture ou moyen de transport à ces clients qui souvent se reposaient sur lui pour l'organisation complète du voyage. Pour une fois son "client" était un habitué des voyages et était un minimum équipé.

Lorsque Arkimedes se leva, Alexander l'imita tout en déposant deux pièces sur le comptoir pour payer leurs boissons.

"Je n'avais pas encore recherché de chambre pour la nuit, votre auberge me semble une excellente option," répondit-il.


L'auberge avait bien encore des chambres libres et les lits étaient d'une qualité tout à fait honnête. Après avoir discuté des derniers préparatifs et convenu d'une heure de rendez-vous le matin suivant, Alexander prit congé. Suite aux évènements du théâtre, cette expédition avait des airs de promenade reposante, de quoi lui changer un instant les idées et lui faire oublier ses projets.


Comme convenu, l'aube les trouvera frais et prêts à prendre leur envol. L'air était frisquet et légèrement piquant mais le ciel était clair dans l'ensemble. Emmitouflé dans son épais manteau de voyage, Alexander ne souffrait pas spécialement du froid. Dès les premières lueurs de l'aube, il s'était activé pour préparer le voyage. Les griffons avaient été amenés à l'entrée de l'auberge, le jeune homme avait négocié du pain, du fromage et un peu venaison auprès des cuisines pour qu'ils aient de quoi se sustenter sur place.

Quand Arkimedes le rejoignit, le mercenaire vérifiait les fontes de sa selle, s'assurant qu'il avait bien tout le matériel pour leur expédition, corde, allumettes et allume feu, nécessaire de secours, un vieux pistolet qui ne servirait probablement pas puisqu'il ne pouvait tirer que dans la pénombre. Accroché à la selle trônait un fouet soigneusement enroulé sur lui même. Son griffon s'ébroua tandis qu'il réajustait les sangles, ses imposantes pattes de lion labourant le sol avec impatience. La bête arborait une robe fauve aux reflets mordorés. Son corps élancé et souple trahissait une longue sélection en amont pour obtenir une monture à la fois agile et rapide. Le genre de sélection que l'on ne trouvait que dans les colonies alryonnaise et dont les lignées valaient leur pesant d'or. Le griffon agita les ailes à la vue du nouvelle arrivant et claqua du bec.

"Bien le bonjour !"
Salua Alexander avec bonne humeur. "J'espère que la nuit a été reposante. Tout est en ordre pour que nous partions."

Il acheva de sangler sa bête et en fit le tour pour aider Arkimedes à charger ses propres affaires.

"Je vous présente Sylphide," dit-il avec une caresse sur l'encolure du griffon. "Le meilleur des compagnons de voyage. êtes vous prêt ? "
Arkimedes Glaukopis
Arkimedes GlaukopisAlexandria
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptySam 26 Aoû - 11:01
La nuit fut un peu houleuse pour Arkimedes, hantée de cauchemars d'opéras sanglants et de fantômes dans les ruines. L'incident du théâtre l'avait affecté plus qu'il n'aurait voulu l'admettre, même en son fort intérieur. A présent qu'il était seul, sans pouvoir se raccrocher à l'enthousiasme paisible d'Alexander, l'historien avait du mal à être serein face à sa nouvelle aventure. Dans les brefs moments de conscience qu'il traversait quand un cauchemar le réveillait, il ne pouvait s'empêcher de se demander si le savoir lui était assez cher pour encore se mettre en danger.

Heureusement, les dernières heures de la nuit lui apportèrent un peu de sommeil sans rêves, mais hélas pas assez: Arkimedes se réveilla la tête embrumée et la bouche pâteuse, pour constater avec horreur en regardant par la fenêtre que les griffons étaient déjà prêts dans la cour aux côtés d'Alexander. Il n'était pas habitué à voyager accompagné, habituellement son heure de départ ne concernait que lui. Mortifié à l'idée de faire attendre son escorte, il s'habilla précipitamment, terminant par le long manteau de cavalier alyronais qu'il utilisait pour se protéger des vents violents générés par la vitesse. Il jeta ses fontes sur son épaules et sortit en nouant un petit foulard rouge autour de son cou, puisqu'il avait toujours eu les bronches fragiles.

Alexander ne semblait pas contrarié outre mesure par son retard, si l'historien l'était effectivement. Il le salua amicalement, et prit des nouvelles de sa nuit.

"La nuit était délicieuse." mentit Arkimedes après un instant d'hésitation, avant de poursuivre, cette fois en toute sincérité: "Merci d'avoir tout organisé, j'espère que vous avez trouvé le temps de vous reposer."

Il présenta machinalement sa main à Sylphide, la superbe monture d'Alexander, mais n'osa pas tenter de caresser l'animal qui s'était agité nerveusement à son approche. Il n'aurait plus manqué qu'il finisse à demi-assommé par un puissant coup d'aile quelques minutes avant le départ.

"C'est un superbe animal." commenta-t-il, avant de se tourner vers sa monture. "Voici Thaïs, je suis obligé de vous donner tort, toutefois. C'est elle, la meilleure compagne de voyage dont on peut rêver!"

Un sourire naïf s'était dessiné sur son visage alors qu'il parlait, ébouriffant les plumes épaisses sur l'encolure de son griffon. Depuis leurs premiers jours ensemble, ça avait été une grande histoire d'amour entre eux. L'animal qu'Arkimedes avait choisi sur la base de critères pratiques s'était révélé une amie précieuse pour l'historien. Grande en taille et large de croupe, Thaïs avait le plumage terne et les pattes trop épaisses, mais ses yeux doux brillaient d'intelligence. Cela suffisait à en faire la plus belle créature au monde pour Arkimedes. Avec l'aide d'Alexander, il sangla ses fontes à l'arrière de la selle. L'historien n'avait pas emballé grand chose: un dictionnaire d'ancien ryoshimais, de quoi écrire et la carte sur laquelle il avait marqué l'emplacement du bloc.

Le reste pouvait bien rester à l'auberge, il faudrait bien ça pour que Thaïs parvienne à suivre l'allure de Sylphide, qui semblait leste comme un coup de fouet.

"Je suis prêt!" s'exclama-t-il en terminant de resangler sa monture. Il mit aussitôt le pied à l'étrier et se hissa en selle avec aisance, l'habitude suppléant à sa mauvaise condition physique. Il ajusta ses rênes et se cala confortablement dans sa selle avant d'ajouter: "Décollez donc le premier, Thaïs va avoir besoin d'un moment pour s'arracher du sol."

Son poids, plus important que celui de la moyenne des griffons, la gênait souvent au décollage et elle rechignait à attraper le vent en se laissant tomber dans le vide. Toutefois, bon gré mal gré, les deux hommes furent bientôt en l'air. Après avoir rapidement consulté sa petite boussole de poche, Arkimedes prit les devants vers le sud en direction du mystérieux bloc.
Alexander Galloway
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyDim 17 Sep - 8:59
Voler. Avant la Dislocation, les gens connaissaient-ils la sensation grisante que cela procurait ? Les pieds sur terre, avaient-ils tourné les yeux vers le ciel, rêvant à de vastes ailes pour les porter ? S'étaient-ils projetés tandis que le vent fouettait leur visage en bas, imaginant les bourrasques de là haut ? Il restait si peu de choses des gens du sol à présent... Leurs rêves, leurs envies, leurs histoires s'étaient fragmentés, disloqués littéralement en même temps que leur terre. Il ne restait d'eux que de vagues souvenirs, des traces du passé, des coutumes encore ancrées pour on ne savait quelle raison, des mots encore présents dans les langues d'aujourd'hui comme des paroles fantômes d'un lointain passé.

De ces gens, il ne restait que poussière. Le monde avait continué sa course folle et les enfants du ciel étaient nés. Eux dansaient sur des fragments de terre au milieu du vide, ils connaissaient les tempêtes, les bourrasques, le froid de l'altitude et... ils volaient. De puissantes ailes les portaient, voiles de plumes qu'ils épousaient le temps d'un vol pour dépasser les limites de leur monde si étroit. Leurs montures galopaient, leurs pattes labourant le sol tandis que leurs ailes les arrachaient à la terre et le vide s'offrait à eux. Ami perfide aux promesses d'exploration et de nuage. Les gens du sol avaient donné naissance aux enfants des vents, le monde s'était métamorphosé et eux aussi.

Un premier vol, c'était comme un premier amour. Maladroit, bien trop rapide et pourtant si intense que l'esprit ne pouvait tout en retenir. C'était la découverte d'un monde inconnu que l'on reverrait maintes fois mais dont on n'oublierait jamais la première sensation. Pour Alexander, c'était avec un pégase, juste un petit tour bien encadré lors d'une fête sur Isvall. Un minuscule tour, le temps de décoller, décrire un cercle au dessus des tentes et des festivités puis d'atterrir. à peine une minute et pourtant, ce fut amplement suffisant pour que l'enfant sache jusque dans ses tripes qu'il était fait pour cela.

Voler. Danser dans les bourrasques, apprivoiser les vents, ployer au gré des nuages. Voler. Connaître le froid mordant de l'altitude comme un baiser glacé sur des lèvres gelées. Voler. Se laisser porter, grimper, chuter, virer. Voir les nuages se changer en océan et contempler l'ombre du griffon et de son cavalier naviguer sur la houle immaculée. C'était aimer chaque seconde dans ce vide à la fois violent et immense sans jamais se lasser. C'était jouer, laisser son esprit vagabonder librement là où le corps et les rêves se fondaient pour ne plus faire qu'un. Dans le ciel, sur le dos d'un griffon, le vagabond devenait prince et le bâtard était roi.

Si les bourrasques et les mugissements du vent ne permettaient pas de tenir de longues conversations, Alexander était heureux d'accompagner Arkimedes dans cette aventure. Au delà des liens créés par l'adversité lors de leur première rencontre, le jeune homme commençait à apprécier sincèrement l'érudit. La tendresse et la complicité entre Thaïs et lui n'y étaient pas étrangères. Après tout, l'on pouvait juger de la qualité d'un homme à la manière dont il traitait ses bêtes.


Après quelques heures de vol sans heurt, la silhouette de fragments terrestres commença à se dessiner au milieu des nuages. Des blocs escarpés se dressaient, séparés par des éclats plus petits qui gravitaient autour d'eux tels un anneau de poussière sur lequel une végétation têtue avait réussi à pousser. De quoi vivait-elle ? D'une eau de pluie s'infiltrant dans la roche que les racines allaient chercher avec opiniâtreté ?

Sous la direction de son maître, Sylphide louvoya entre les blocs les plus petits, se faufilant avec aisance entre ces vestiges d'une planète déchue. Alexander le fit ralentir un instant pour permettre à Thaïs de les rattraper. Des racines tombaient dans le vide ça et là. La roche présentait de nombreuses aspérités utiles pour un griffon. Un endroit si isolé aurait pu être un endroit parfait pour que les robustes créatures y bâtissent leurs aires.

"Je crois bien que nous y sommes,"
dit Alexander à son compagnon. "Que devons-nous chercher exactement ?"
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyMer 4 Oct - 10:00
Le vol lourd de Thaïs n'était pas de la disgrâce, mais bien de la puissance: le fait qu'un tel animal parvienne à s'arracher du sol était un prodige sans cesse renouvelé. Arkimedes n'en finissait pas de s'émerveiller face à la force de sa monture, il avait l'impression de chevaucher une des statues de bronze qui ornaient l'agora de sa cité natale. Dès que le vol de l'animal se stabilisa, il se redressa un peu pour enfiler ses lunettes de protection, puisqu'il avait les yeux fragiles, rajuster son foulard, puisqu'il avait les bronches fragiles et s'assurer qu'il était convenablement sécurisé sur sa selle, puisque n'importe qui devenait fragile à une pareille altitude.

Le sifflement du vent et le vrombissement sourd des ailes des griffons empêchaient toute conversation. Le vacarme était tel qu'Arkimedes, heureusement pour lui, ne s'entendait pas penser: c'était comme plonger d'une hauteur, il ne fallait pas y penser, juste le faire. Il avait passé suffisamment de temps, cette nuit-là, à se demander s'il avait bien fait de décider de courir après cette chimère. A présent, il avait sauté, il ne pouvait plus changer d'avis et remonter sur le plongeoir. Il ne servait donc à rien qu'il se répète "Jusqu'ici tout va bien" en attendant l'impact. L'historien laissa donc le bruit du vol couvrir puis étouffer ses pensées, et atteignit un état méditatif qui se confondait avec une certaine somnolence.

Arkimedes se sentait donc nettement plus frais quand les deux hommes parvinrent en vue d'un bloc, qui, à n'en pas douter était celui qu'ils cherchaient. Trop lourde pour slalomer entre les rochers flottants, Thaïs prenait appui dessus pour se projeter ou y galopait le temps d'une ou deux foulées avant de reprendre son vol, alors que sous eux, Sylphide filait entre les obstacles avec l'adresse d'une hirondelle, emportant Alexander avec lui. L'historien se cramponna au pommeau de sa selle alors que sa monture s'accrochait à la verticale sur un bloc légèrement plus haut que l'île principale, pour négocier son atterrissage. Le souffle court, il s'efforça de bouger le moins possible, couché sur l'encolure de Thaïs, afin de ne pas la gêner. Elle eut l'air de réfléchir pour ajuster son saut, soupira puis bondit vers la terre ferme dans un geste puissant et précis qui flouta complètement la vision d'Arkimedes, pour se poser près d'Alexander et sa monture.

Elle ne faisait pas souvent ce genre de cascades, et dans un élan anthropomorphiste, l'historien ne put s'empêcher de se demander si elle ne tentait pas d'impressionner Sylphide. Les mains un peu tremblantes, il retira ses lunettes de protection et se frotta les yeux pour tenter d'effacer les traces rouges qu'elles avaient laissé à coup sûr autour de ses yeux.

"Ça doit être assez massif." expliqua-t-il à Alexander après avoir un peu reprit ses esprits. "Elles étaient visibles de loin, je pense que le relief doit nous les dissimuler."

Il illustra son propos en balayant d'un geste vague une colline trapue qui occupait le centre du bloc.

"Ensuite, tout peut nous intéresser! Soyez attentif aux détails, même une zone où la végétation est différente peut suffire à trahir des vestiges enterrés" l'historien s'interrompit, et frappa du poing dans sa paume ouverte vers le ciel. "Voilà ce que j'ai oublié! Une pelle! Nous n'aurions pas pu faire de fouilles approfondies, mais quelques sondages auraient été envisageables!"

Tout en parlant, il avait mis pied à terre et continuait d'explorer le paysage du regard pour chercher une trace des ruines, les deux mains en visière sur le front. Arkimedes cru apercevoir un pilier, mais à cette distance, il était facile de confondre une colonne et un arbre mort. Il prenait note de cet élément comme d'un indice potentiel, quand il s'aperçu qu'une pièce de tissu, une bannière ou un pan de toile de tente mal fixée, volait au vent non loin.

"Parvenez vous à voir ce qu'est ce que c'est?" demanda-t-il en s'approchant d'Alexander pour se rapprocher de sa perspective et lui pointer plus facilement. "Je crains que nous ne soyons pas les premiers arrivés."
Alexander Galloway
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyJeu 2 Nov - 16:13
Sylphide accueillit Thaïs avec un claquement de bec amical et agita ses ailes mordorées tandis qu'Alexander mettait pied à terre. Hormis le vent et les grincements des roches qui jouaient entre elles, tout était calme. La végétation bruissait, s'agrippant aux roches et se densifiant en larges bosquets par endroit.

Le jeune homme acquiesça aux explications d'Arkimedes concernant l'objet de leurs recherches. Le bloc n'était pas si grand mais les reliefs pouvaient leur cacher bien des surprises. Alors que l'érudit déplorait l'absence d'une pelle, Alexander envisagea un instant si les griffons ne pouvaient pas creuser avant de se rappeler qu'il n'avait pas apprit l'ordre "creuse" à Sylphide puis de convenir en son for intérieur qu'un griffon chargé de travaux d'excavation était peut-être délétère pour l'objet des recherches.

La question d'Arkimedes le tira de ses pensées et il en revint au moment présent. Il était difficile de correctement distinguer l'objet qu'on lui désignait à cette distance, aussi Alexander alla fouiller dans les fontes de Sylphide pour en tirer une petite lunette dont il se servit pour scruter les alentours. Il régla l'objectif pour faire la netteté sur l'objet de leurs inquiétudes.

- C'est une toile qui a été étendue là, probablement un pare vent
, dit-il en tendant la lunette à son acolyte pour qu'il puisse le constater de lui même.

Que l'endroit soit le repère de contrebandier ou l'ait été n'était pas particulièrement surprenant. L'accès demandait de sacrées compétences de vol et le brin de folie que l'on trouvait le plus souvent chez les flibustiers. Les cinq Cités produisaient des équipages studieux, le ciel en formait des audacieux.

- Je n'ai pas vu de sentinelles ou d'activité quelconque autour
, dit-il. Contentons nous d'éviter cette zone.

Attrapant Sylphide par la bride, il le guida sur l'autre versant du bloc, le plus éloigné de cette trace de vie post-Dislocation. Ils s'enfoncèrent ainsi dans un terrain escarpé mais foisonnant de végétation. Il devait y avoir une source d'eau quelque part, peut-être une nappe souterraine miraculeusement préservée. Alexander avançait avec prudence, tant pour s'assurer que la voie était praticable que pour repérer la moindre activité suspecte. Les griffons s'agitaient entre leurs deux propriétaires. En vol, les deux bêtes s'étaient mesurées, à présent elles faisaient connaissances.

Après une bonne heure de marche, un détail attira l'attention d'Alexander. Une trouée sur sa droite au coeur de la végétation, un frémissement un peu différent de celui des feuilles. Avec prudence, il écarta les fougères qui lui barraient la vue, révélant une pierre moussue, recouverte de racines mais bien trop lisse et rectangulaire pour être l'oeuvre de la nature. Son regard remonta le long de la pente, révélant les marches qui créaient une percée dans la végétation. Une dizaine de mettre au dessus d'eux, un portique de bois se dressait. Du lierre s'était enroulé le long des piliers, devenant si épais avec le temps qu'il soutenait à lui seul l'édifice. Encore accrochés, des feuillets de métal pendaient du haut de l'arche, valsant doucement au gré de la brise. C'était leur éclat qui avait attiré l'oeil du mercenaire, si fugace qu'ils auraient pu passer devant sans le remarquer mais à présent, ils étaient là devant cette envolée de marches, le coeur battant tandis que le portique semblait les toiser de toute sa hauteur. Du haut de cet escalier, les siècles les contemplaient.

- Je crois que nous avons vos ruines,
souffla Alexander.
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyMer 22 Nov - 16:04
Un petit outil bien pratique, songea Arkimedes en portant la lunette à son œil pour doubler la conclusion de son compagnon de route. Il tâtonna un peu pour replacer l'objet de son attention au centre de la lunette, mais pu bien vite constater que ce n'était effectivement rien de très excitant. Le bout de toile cirée flottait dans le vent, il pouvait presque entendre le bruit mou qu'elle faisait en frappant le sol. Est-ce qu'il était... déçu? Il s'apercevait que quelque part au fond de lui-même, l'historien avait un peu espéré poser les yeux sur le terrifiant étendard d'une bande de pirates.

Enfin, ce n'était pas pour ça qu'il était venu et il rendit sans regrets la lunette à Alexander. Lui et Sylphide prirent un peu d'avance, alors qu'il nouait les rênes de Thaïs sur son encolure pour avancer les mains libres. Le griffon suivait son maître comme un chien et avec son tempérament placide, Arkimedes n'avait aucune crainte qu'elle joue les filles de l'air pour courir après les lapins. De toute manière, il ne semblait pas y avoir beaucoup de petites bêtes sur le bloc: la végétation était luxuriante malgré la saison, et il entendait bien quelques oiseaux, mais pas de trace d'animaux terrestres à part eux quatre.

La marche, dans la direction opposée aux signes de présence humaine, fut silencieuse. Alexander semblait perdu dans ses pensées pour autant qu'Arkimedes pouvait le dire, et il était lui-même trop occupé à guetter les signes des ruines pour alimenter une conversation. Ce silence n'était toutefois pas inconfortable, propice à l'observation attentive et brisé de temps en temps par les claquements de bec et les trilles des griffons qui communiquaient en leur langage. Toutefois, tout ce vert commençait à donner le tournis à l'historien: au bout d'une heure à s'efforcer d'avoir les yeux partout, il n'arrivait plus à distinguer autre chose qu'une vaste bouillie de chlorophylle. En réalité, il était sur le point de proposer une pause suivie d'une reconnaissance aérienne quand Alexander, qui marchait un peu en avant de lui, s'arrêta soudainement.

Arkimedes découvrit en même temps que lui la pierre anguleuse découverte par le jeune homme en écartant les fougères. Le portique de bois se fondait entre les arbres, il fallait avoir l’œil aiguisé pour l'en distinguer sous le lierre qui le couvrait presque entièrement.

"Bravo." répondit simplement l'historien au constat qu'avait émit Alexander.

Il voyait bien le vertige qui avait saisi le jeune homme et il ne voulait pas gâcher ce moment pour lui: sa capacité à s'émerveiller s'était considérablement émoussée avec l'habitude. Il laissa quelques secondes à Alexander pour revenir de son émotion, puis commença prudemment à escalader l'escalier de pierre. La structure de ce genre d'édifice tendait à devenir instable, il était tout à fait possible qu'une marche se dérobe sous ses pieds, mais il avait l'impression que l'ensemble s'était surprenamment bien préservé. Arkimedes parvint en quelques pas jusqu'au portique et en fit rapidement le tour.

Il devait bien admettre qu'il était agréablement surpris: il était préparé à trouver un pan de mur et quelques pierres solidaires égaillée au sol, non un ensemble remarquablement préservé qu'il n'avait même pas encore pu inspecter dans son intégralité. Le bois du portique était presque entièrement mangé par le lierre, toutefois, en écartant un peu les feuilles, Arkimedes constata qu'il semblait encore en bon état. Un tel matériau ne se conservait pas pendant un siècle et demi, du moins pas hors de l'eau. Il semblait improbable que l'édifice ai pu être submergé à un moment de son histoire, il ne devait donc pas dater d'avant la Dislocation. Ou bien c'était le cas mais il avait été occupé pendant encore plusieurs décennies et abandonné tout au plus il y a vingt ans. Cinquante si le bois avait été traité. Cela n'empêchait pas l'endroit d'être très ancien, mais son abandon devait être récent.

Le carillon de feuilles métalliques qui pendait à la solive du portique attira son œil. Malgré l'érosion du métal, Arkimedes eu l'impression que quelque chose pouvait y être écrit. Il ne lisait pas le ryoshimais ancien dans le texte, il lui faudrait traduire méthodiquement et il était réticent à détacher l'objet: son travail se limitait aux écrits gravés, peints et notés, il laissait le matériel à ceux dont c'était la spécialité. Le carillon était sûrement plus en sécurité ici, où il attendait depuis des lustres que dans les fontes de selle de quelqu'un qui ne saurait pas le conserver. A défaut, il claqua de la langue pour appeler Thaïs à lui et récupérer le nécessaire d'écriture qu'elle portait dans ses sacs.

Maintenir la feuille de métal d'une main délicate, mémoriser, reporter sur papier. Quelle tâche fastidieuse! Il aurait voulu un appareil qui lui permette de capturer sans effort ce genre d'images... L'idée intéresserait probablement Églantine. Entre deux pattes de mouche sur son carnet, Arkimedes releva les yeux vers Alexander:

"Je vais en avoir pour un moment, n'hésitez pas à avancer sans moi je me doute que vous en mourrez d'envie."
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyMar 12 Déc - 22:50
Alexander ne s'était pas remis de l'émerveillement de cette découverte que déjà l'archéologue se mettait au travail, inspectant l'arche de pierre et de bois avec minutie, soulevant le lierre pour étudier la structure dans ses détails. Thaïs le suivait telle une assistante studieuse, lui permettant de piocher dans les fontes qu'elle portait le nécessaire pour recopier les kanji que l'on pouvait discerner sur le métal. Un sourire étira les lèvres du mercenaire, ces deux là faisaient bien la paire.

Arkimedes releva un instant le nez de ses notes pour l'inviter à avancer un peu et poursuivre les découvertes. Le jeune homme ne se fit pas prier et grimpa les marches, passant sous l'arche monumentale, Sylphide sur les talons. Son compère aux plumes mordorées était pour la peine aussi curieux que lui. Il le dépassa d'ailleurs rapidement pour fureter à droite et à gauche, sa queue plumeuse battant la poussière derrière lui.

Au delà du portique, les marches continuaient de s'élever à flanc de rocher. Alexander les gravit, attentif à ce qui l'entourait. Les oiseaux gazouillaient dans les feuillages. En haut des marches, sur sa droite, un socle demeurait encastré dans la roche. Avait-il hébergé une statue ou une lanterne pour accueillir les visiteurs ? Il poserait la question à Arkimedes.

Sylphide explorait au devant de lui, se retournant de temps à autre pour vérifier ce que son partenaire faisait. La végétation avait recouvert les ruines ici aussi pourtant, il restait une sorte de cour dégagée dont les pavés étaient à présent recouverts de mousse. La masse de végétation laissait deviner la forme d'ancien bâtiments. Des murs effondrés ici et là, parfois la forme seule des fondations que l'on pouvait délimiter. Pour avoir été flâner à Ryoshima, Alexander se doutait qu'il était en présence d'un ancien temple. De quand datait-il ? ça il ne pouvait le dire, certaines zones semblaient très anciennes, d'autres plus récentes mais toutes étaient abandonnées.

Sylphide s'approcha d'une cabane qui semblait être plus récente dans le sens où elle paraissait avoir été confectionnée à partir de morceaux de ruines amassés ça et là mais s'en écarta brusquement avec une plainte inquiète. Sa queue battit de droite et de gauche.

- Qui y a-t-il mon tout beau ? l'interrogea Alexander en approchant à son tour.

Il jeta un coup d'oeil à l'intérieur de la cabane mais ne vit rien de prime abord hormis du désordre, des meubles rongés par l'humidité et la végétation. Pour le moment, il n'osait rien toucher de peur de contrarier le travail d'Arkimedes, aussi retourna-t-il auprès de son griffon pour le rassurer.

- Il n'y a rien là dedans mon grand, lui dit-il en caressant le duvet de son encolure.

Sylphide agita les ailes avec un air inquiet mais se détourna, préférant continuer son exploration ailleurs. Alexander retourna du côté des marches. Cet endroit était étrangement paisible, comme coupé du temps. En contrebas, Arkimedes s'affairait encore auprès du portique.

- Vous devriez venir voir, lui dit-il depuis les hauteurs. On ne vous a pas menti concernant ces ruines.


Arkimedes Glaukopis
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyLun 18 Déc - 20:39
Alexander ne se fit pas prier et disparu comme un enfant qu'on envoie jouer après une longue journée d'étude, Sylphide derrière lui comme la queue dorée d'une comète. Cela arracha un sourire à l'historien malgré sa concentration. Il avait rarement rencontré quelqu'un d'aussi heureux de vivre que son compagnon de route. Arkimedes lui enviait un peu sa légèreté, sans s'autoriser à ressentir de l'amertume à ce sujet. Il peinait sans cesse à bouger, il avait toujours quelque chose qui l'obligeait à lutter. Quelle beauté aurait le monde sans le fardeau d'une santé fragile.

Il s'aperçu qu'il fixait le vide, son crayon en l'air, la bouche entrouverte. Il avait l'air d'un parfait crétin. Il cligna des yeux pour chasser ses pensées parasites et se reconcentra sur les feuilles de métal du carillon. Certains caractères étaient rendus illisibles par la rouille, l'historien notait les possibilités en les séparant par des barres de fraction. Il ne comprenait pas grand chose, le ryoshimais ancien n'était pas son fort, mais le peu qu'il en saisissait ne lui semblait pas très cohérent avec un temple. Cela semblait être de courts poèmes sur faisant l'éloge d'une vie guerrière menée sur le pont des caravelles.

Des valeurs bien peu religieuses en somme, ce qui le ramenait aux rumeurs de pirates qu'il avait entendues. Soudain, Arkimedes se sentait fort seul au milieu des bois, malgré la présence de Thaïs. Il fut ravi de ne pas avoir décroché le carillon pour l'emporter, autant ne pas laisser d'indices de son passage. Cela restait une langue archaïque, mais ce type d'objet pouvait très bien se transmettre de génération de forbans en génération de forbans et c'était un art à part entière de faire passer un lieu occupé pour abandonné.

Il n'abandonnait pas pour autant son travail de copie, mais il était si tendu qu'il sursauta quand Alexander l'appela depuis le haut de l'escalier. L'historien hésita: il ne lui restait que quelques lignes à copier, mais il pouvait très bien y revenir plus tard à condition de laisser un peu de place dans son carnet pour avoir le texte d'un seul tenant. La curiosité et surtout, l'envie de ne pas rester seul ici dans ces lieux incertains, finirent par l'emporter. Il entama l'ascension pour rejoindre Alexander. Légèrement essoufflé, Arkimedes prit un instant pour respirer, les mains sur les hanches, examinant les environs.

Il n'y avait aucun doutes, c'était bien un temple: la structure générale du bâtiment ne faisait pas un pli. Cela ne faisait que rendre le poème du carillon encore plus étrange. Pouvait-il s'agir d'un culte mineur, très local et oublié avec le temps? Ou bien le résultat d'une réoccupation des lieux par des gens qui, à petite touche, l'avait fait à leur image? Quelque chose lui disait qu'une partie de la réponse résidait dans la cabane de bric et de broc qu'Alexander semblait vouloir lui montrer.

"On dirait que notre site a été réutilisé." déclara Arkimedes avec l'impression d'enfoncer une porte ouverte, pour gagner un peu de temps, alors qu'il traçait à grands traits un schéma de la cour sur le carnet qu'il avait toujours à la main.

Il s'approcha ensuite de l'édifice, Thaïs sur les talons, mais elle refusa soudain de s'approcher et freina net à moins de cinq mètres de la cabane. Toute hérissée, elle s'ébroua et fit demi-tour pour retrouver Sylphide. L'historien marqua une hésitation tant sa monture avait semblé incommodée par la proximité de la cahute, et jeta un regard interrogateur à Alexander, de peur que quelque chose lui échappe. Finalement, il retrouva ses moyens et fini de combler la distance entre lui et la modeste demeure. S'il y avait eu un péril mortel et immédiat, le jeune homme l'aurait probablement déjà prévenu.

Sottement, Arkimedes frappa avant d'entrer. Il ne faisait pourtant aucun doute que l'endroit était abandonné depuis un moment déjà. Le plafond était très bas, l'encadrure de la porte encore plus: avec la force de l'habitude, il se tassa tout entier pour faire entrer sa taille ridicule dans la petite cabane. Immédiatement, il eut étrangement froid, comme si de l'eau glacée s'était infiltrée entre son manteau de cuir et sa peau. Les meubles désassortis étaient vieillots, mais pas anciens et comme le portique plus bas, leur présence même leur donnait moins de cinquante ans. La paillasse qui devait se trouver originellement sur le lit avait, elle, complètement disparu.

"Tout ceci me paraît fort récent par rapport au reste des ruines." lança Arkimedes par dessus son épaule, d'une voix assez forte pour être entendue à l'extérieur. "Je me demande si ce n'est pas..."

Il fut coupé net par un bruit sec, sonore, comme une porte qui claque ou un coup de fouet. Sans oser se retourner, l'historien se redressa, immédiatement couvert de sueurs froides comme au pire d'une fièvre. Il avait un très mauvais pressentiment.
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyVen 12 Jan - 17:23
Thaïs exprima la même répulsion à l'idée de s'approcher de la cabane que Sylphide. Arkimedes interrogea son compagnon du regard et ce dernier haussa les épaules, n'ayant pas plus d'explication que cela. Cependant, Alexander nota cet détail. Il n'était pas courant pour un griffon d'être ainsi inquiété. Ils étaient après tout les maîtres du ciel.

Son compagnon de route pénétra à l'intérieur de la bâtisse non sans avoir frappé au préalable. Une tradition kymaraise peut-être ? Alexander n'était pas assez au fait des coutumes de ce bloc pour relever. Tandis qu'Arkimedes commençait son exploration, le jeune homme gardait un oeil sur les griffons tout en explorant les lieux. Il ne restait pas grand chose des bâtiments principaux, des murets en grande partie effondrés. Il effleura du doigt des traits dans la pierre d'un mur. Comme un décompte que l'on aurait gravé au fil des jours. Cette ruine avait bien des choses à leur révéler.

Il poursuivit son exploration tout en demeurant à portée de voix de son compagnon. Les lieux semblaient abandonnés mais ils n'en restaient pas moins dangereux. Un toit n'avait besoin de personne pour s'effondrer après tout. Alors qu'il avançait, une silhouette tapie dans la végétation le mit en alerte. Immédiatement, Alexander dégaina son fouet et un claquement sec résonna dans les airs alors que l'arme frappait.

La vrille de cuir s'enroula autour de la pierre sans causer plus d'éclat que cela. Le jeune homme écarta la végétation et se traita d'imbécile tandis qu'Arkimedes accourait déjà auprès de lui.

"Fausse alerte," le rassura-t-il. "Ce n'était qu'une statue."

La végétation soulevée révélait un socle de pierre sur lequel trônait un renard au museau long et fin, ses queues élégamment déployées autour de son corps. Une charmante auréole sur laquelle le fouet était venu s'accrocher. Alexander reprit ce dernier et l'enroula de nouveau à sa ceinture.

"Que diriez-vous d'une pause ?"
suggéra-t-il. "Vous pourriez me donner vos premières impressions sur l'endroit ?"

Il se détacha de la statue, un peu désolé de l'avoir ainsi malmenée. Heureusement, il ne l'avait pas abîmée. Puis, il alla fouiller dans les fontes de Sylphide pour récupérer les provisions qu'il avait prévues pour la journée. Pain, fromage, viande séchée, de quoi se sustenter tout en devisant. Instinctivement, il choisit un coin un peu abrité pour s'installer et placé de sorte à observer l'entrée du sanctuaire et la cabane.
Arkimedes Glaukopis
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyLun 22 Jan - 11:33
Pendant ce qui lui paru un très long moment, Arkimedes resta immobile dans la cabane, liquéfié de terreur. L'incident du théâtre était trop proche dans son esprit, il s'était instantanément couvert d'une sueur glacée, déconnecté de son corps au point de peiner à bouger. Le silence revint et s'attarda un long moment, si bien que l'historien réussi finalement à faire admettre à son esprit qu'il n'était pas en danger. Raide comme une planche, il entreprit de sortir de la cabane pour retrouver Alexander. Il faisait face à une statue de renard autour de laquelle son fouet était enroulé.

Son compagnon de route le rassura immédiatement sur le fait qu'il s'agissait d'une fausse alerte, et Arkimedes saisit entre les lignes qu'il avait prit la statue pour un être animé constituant une menace. Il ne dit rien, trop occupé à reprendre le contrôle de sa respiration affolée et de ses mains tremblantes, mais fut soulagé d'apprendre qu'il n'était pas le seul à qui l'ambiance pesante des ruines portait sur les nerfs. L'historien porta ensuite son attention sur la statue du renard, un élément typique des vieux temples ryoshimais, qui attestait encore une fois du caractère paradoxalement ancien des lieux.

Arkimedes s'empressa de rapporter l'emplacement de l'idole sur le schéma qu'il avait tracé dans son carnet, de même que celui de la cabane qu'il venait d'explorer. Il resta toutefois suspendu un long moment devant la statue du renard, comme piégé dans son regard. L'animal de pierre le regardait avec un air absorbé, mystérieux et malicieux, comme incarnant l'énigme que représentait la ruine. Il semblait si proche d'être vivant que l'historien se surprit à être vexé d'être ainsi regardé de haut. Le malaise s'égraina dans son esprit avec suffisamment d'intensité pour qu'il ai besoin d'un instant pour comprendre la question d'Alexander, alors même qu'il maitrisait parfaitement l'alyronais.

"Excellente idée." répondit finalement Arkimedes, se détachant de sa contemplation. "Je pense qu'il serait bon de faire le point."

Le jeune homme leur installa tout un pique-nique dans un renfoncement du mur, à l'abri du vent. Il était trop nerveux pour avaler quoi que ce soit, mais l'historien s'assit malgré tout de l'autre côté des victuailles et appela Thaïs pour qu'elle se couche derrière lui. Il avait vite froid, une fois immobile, et une fois qu'il s'était refroidit presque rien ne pouvait le réchauffer. Il avait donc prit l'habitude d'utiliser sa monture pour se garder au chaud dans les situations où faire du feu aurait été imprudent ou difficile. Arkimedes déposa ensuite son carnet ouvert entre lui et Alexander, de façon à ce que ses notes et ses croquis soient visibles d'eux deux.

Pour faire honneur à son compagnon de route, il prit une tranche de pain et un morceau de fromage à grignoter par bouchées minuscules en parlant.

"Je suis persuadé que l'endroit a été réoccupé après son abandon initial ou volontairement détruit, plus récemment qu'il n'y paraît." commença-t-il sans préambule. "La cabane en est une preuve évidente, mais le portique qui surmonte les escaliers en est une autre. Il est beaucoup trop bien conservé pour avoir plus de quelques décennies, ou il a été entretenu avec régularité jusque récemment."

Il s'interrompit pour croquer dans sa tartine avec la détermination d'un homme qui cherche à maintenir ses fonctions vitales, puis concéda un petit morceau de fromage à Thaïs qui lui poussait le coude du bout du bec pour obtenir une friandise. Il tendit ensuite le bras pour tourner la page du carnet vers les transcriptions qu'il avait faites des poèmes du carillon.

"Je ne sais pas si vous lisez le ryoshimais, monsieur Galloway, mais si c'est le cas vous vous apercevrez que ces poèmes ne sont pas de ceux qu'on attend dans un temple forestier. Je ne suis pas grand clerc en la matière, mais ils traitent clairement de la vie sur une caravelle."
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyMer 24 Jan - 17:44
[TW : meurtre]

En danger, malade ou bien transi d'effroi, rien n'aurait su couper l'appétit d'Alexander. S'il ne mangeait pas, c'était soit qu'il dormait, soit qu'il était mort. Cela dit, il n'avait aucune preuve que depuis son cercueil, il n'irait pas s'attaquer aux pissenlits au dessus. Après avoir servi Arkimedes qui s'était installé contre Thaïs, le jeune homme coupa sa part de pain et de fromage. Manier son couteau pour une activité si simple suffisait à lui apporter du réconfort. Il croqua dans sa tartine, suivant avec intérêt l'exposé de l'érudit.

Il fallait avouer que ce dernier avait fait un travail remarquable en peu de temps. Ses croquis représentaient bien les lieux et il avait su recopier les kanji trouvés sur le portique avec fidélité. Alexander se pencha sur ces derniers.

"J'ai suivi quelques cours de Ryoshimais mais je ne peux vous garantir le résultat," avoua-t-il.

Ne se décourageant pas pour autant, il se saisit de l'une des notes pour examiner la calligraphie de plus près. Sa traduction serait probablement très approximative mais il reconnaissait quelques petites choses et tentait de faire le lien ensuite selon sa logique.

Toute la journée,
Sans un mot,
Le bruit du vent

Il se dégageait de ces vers si succins une grande mélancolie. Alexander s'imagina sans peine les mots d'un homme, peut-être un naufragé, seul sur ce bloc isolé avec pour seule compagnie les ruines.

Le bruit incessant des vents,
Ma vieille maison natale,
Si loin.

Les deux poèmes avaient été traduit à voix haute et en butant sur les mots, voire en en inventant car clairement, il n'était pas sûr de lui. Le second confirmait l'impression du premier. Quel avait été le destin du poète ? Comment s'était-il retrouvé ici ? Qu'était-il devenu ? Les vers offraient autant de réponses qu'ils soulevaient de questions. Alexander se pencha sur le troisième poème et pouffa avant de relire afin d'être bien certain de ne pas avoir fait une erreur d'interprétation.

Piaillement moqueur,
Un caillou qui se perd,
Fiente de mouette.


Le ton était si différent que s'en était cocasse.

"Sincèrement, je ne pense pas m'être trompé pour le troisième," expliqua-t-il à Arkimedes. "Peut-être pouvons-nous considérer qu'il y avait deux personnes vivant sur ce bloc ?"

Alexander lui rendit ses notes, songeant à ces deux inconnus dont ils retrouvaient la trace. Combien de temps avaient-ils attendu ? Avaient-ils été retrouvés ? Avaient-ils quitté cet endroit ou bien s'étaient-ils éteints sans un bruit ? La différence de ton dans les deux poèmes faisait imaginer à Alexander un adulte et un enfant, peut-être un père et son fils à moins qu'ils ne le soient devenus par la force des choses. à quoi leur vie avait-elle pu ressembler ?

Ils poursuivirent leur déjeuner, échangeant sur leurs observations. Alexander écoutait bien volontiers les explications d'Arkimedes. Différentes époques s'entremêlaient à cet endroit, c'était absolument fascinant tout comme la capacité de l'érudit à dater tel ou tel élément.

Leur repas terminé, Alexander laissa Arkimedes rassembler ses notes. Ils avaient encore un peu de temps avant le départ. Il profita de cette pause pour s'occuper de Sylphide et lui proposer un nouveau jeu. Pour ce faire, il s'était mis un peu à l'écart des bâtiments, dans une trouée de végétation, pour éviter d'endommager des éléments d'importance. Sylphide l'observait avec attention alors que du bout de la botte, il se mit à remuer le sol. Le griffon savait quand il était l'heure de réfléchir et il adorait cela, surtout parce qu'il y avait toujours une récompense à la fin. La tête penchée, il émit une trille curieuse. Alexander répéta son mouvement du pied. Le griffon piétina un peu puis de sa patte avant se mit à gratter le sol. Son maître lui lança la récompense et il l'attrapa au vol avant de se reconcentrer pour proposer le même mouvement. Nouvelle récompense. Sylphide battit des ailes l'air ravi.

Quelques minutes plus tard, le griffon tout joyeux se mettait à creuser avec entrain. Ce nouveau jeu était amusant, en plus son maître avait trouvé un mot pour ça. Très fier de lui, Sylphide fit le tour de la ruine au galop avant de revenir creuser son trou en quête d'une nouvelle récompense.

Soudain, il s'arrêta. Alexander sentit la perplexité de son compagnon et s'approcha pour voir ce qui l'intriguait.

"Ne touche pas mon grand," lui dit-il.

Dans le fond du trou, des ossements saillaient au milieu de la terre retournée. Alexander s'accroupit et du bout des doigts balaya la poussière, révélant une côte un peu petite. Sa main remonta avec une infinie délicatesse pour épousseter un front depuis longtemps dépourvu de chair puis elle descendit, dégageant une orbite vide, puis la seconde. Avec d'infinies précautions, il souleva ce petit crâne et constata que l'arrière avait été fracassé. Il n'était pas médecin, ni archéologue mais il savait ce qu'un coup violent pouvait faire sur une boîte crânienne. Le trou n'était pas profond, le corps avait été jeté là et avait fini recouvert par l'humus et le ruissellement.

"Je crois que nous avons trouvé l'un des résidents," souffla-t-il quand Arkimedes le rejoignit.

Dans sa paume, le petit crâne ne pesait pas plus lourd qu'une plume. Les orbites sombres lui rendaient son regard, l'interrogeant silencieusement, répétant cette question qu'il se posait lui même. Pourquoi ?
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyDim 28 Jan - 17:59
Les traductions proposées par Alexander étaient cohérente avec ce qu'il avait comprit en les lisant. La troisième divergeait drastiquement en revanche: Arkimedes avait saisi celui-ci sur un sens beaucoup plus allégorique. L'aspect humoristique lui était passé mille pieds au dessus de la tête, en partie, il devait bien l'admettre, à cause du stéréotype qui faisait des Ryoshimais des gens sérieux et distingués. Mieux que personne, il aurait dû s'en méfier, la même idée reçue existait à un degré moindre sur les Kymarais, alors qu'il avait lui-même entendu plus que son compte de blagues de pet dans les comédies qu'il allait voir au théâtre à l'époque où il vivait dans sa patrie.

Il acquiesça sans rien dire à l'hypothèse avancée par Alexander sur cette spectaculaire différence de ton entre les poèmes. Les capacités analytique du jeune homme l'impressionnaient, de même que son adaptabilité: c'était autant de signes d'une immense intelligence qu'Arkimedes ne pouvait que respecter. Une fois de plus, il se retrouva à se demander ce que pouvait bien faire Alexander pour gagner sa vie. Il ne pouvait que souhaiter que ses qualités ne soient pas gâchées dans un métier d'imbécile comme il en existait beaucoup.

Dès la fin du repas, son compagnon de route se leva, avec l'intention manifeste de faire faire un peu d'exercice à Sylphide. Arkimedes avait plutôt dans l'idée de conserver ses forces, et Thaïs semblait du même avis puisqu'elle dormait à point fermé, la tête sur les pattes avant. Elle avait toujours préféré les activités calmes: elle pouvait passer des heures à aiguiser son bec sur des fémurs de bœuf comme une perruche domestique avec son os de seiche, mais il était absolument hors de question d'essayer de la faire courir si ce n'était pas nécessaire. En réalité, réalisa rapidement l'historien, qui observait son compagnon de route du coin de l'œil en retouchant ses croquis, il semblait plutôt enseigner un genre de tour à son griffon.

C'était une idée amusante, Arkimedes n'y avait jamais pensé. Il baissa les yeux sur sa propre monture, qui poussa un grondement de bien-être en se frottant le visage avec ses pattes avant, signal impérieux qu'il était temps de lui gratter les oreilles. Laissant de côté ses croquis, l'historien s'y employa des deux mains en regardant Alexander et Sylphide jouer. Après un quart d'heure de folie typique des chats comme des griffons, ce dernier se remit à creuser avec de plus en plus d'entrain. Et soudain, son maître s'interposa pour le faire cesser, puis s'accroupit pour examiner ce que l'animal avait mis au jour. Il y eu un flottement qu'Arkimedes cru reconnaître: c'était celui qui advenait quand quelque chose de dramatique se produisait.

Immédiatement, l'historien se leva, assez brusquement pour que Thaïs pousse un petit glapissement surprit, et sans courir grâce à ses longues jambes, couvrit rapidement le terrain qui le séparait d'Alexander. Il parvint à sa hauteur juste à temps pour le voir soulever un petit objet rond avec autant de délicatesse que s'il s'était agit d'un oisillon. L'esprit d'Arkimedes s'arc-bouta contre l'idée comme un pégase rétif, il avait l'impression d'avoir reçu un coup dans l'estomac, et il avait envie de vomir, plus à cause du choc que d'un dégoût qu'il ne ressentait pas. Il respira profondément. Ce n'était pas la première fois qu'il était face à des ossements humains, mais c'était la première fois qu'il en était responsable.

A plus forte raison qu'un crâne de cette taille ne pouvait appartenir qu'à un enfant.

Arkimedes, toujours profondément secoué, laissa son esprit suivre ses automatismes, et celui ci se dirigea dans la direction qui avait toujours été la leur: comprendre. Il s'accroupit aussitôt pour évaluer la profondeur du trou et tenter de voir des variations dans la végétation. Ce n'était pas une sépulture, Sylphide avait à peine écorché la surface et rien ne permettait d'imaginer qu'il y avait une pierre tombale écroulée, recouverte de terre par le temps quelque part autour. Toujours accroupi au sol, l'historien sentit ses épaules s'affaisser, découragé, et même déprimé. Il avait au moins espéré que ce petit squelette avait eu une belle tombe, un hommage digne de l'enfant qu'il avait été, mais ce n'était visiblement pas le cas.

"L'endroit semble différent, maintenant que nous avons trouvé ce petit, pas vrai?" soupira-t-il, les yeux dans le vague. "Qu'est ce qui a pu lui arriver? Il devait y avoir au moins un adulte avec lui, pourquoi il ne l'a pas enterré dignement?"

Dansait au fond de son esprit une certitude: les adultes qui devaient l'accompagner étaient mort en même temps. Alexander était toujours debout, le crâne à la main. Il y avait quelque chose de tragique dans la silhouette de cet aventurier, jeune et fort, tenant à la main la tête d'un enfant qui n'avait eu aucune chance de lui devenir semblable.
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyLun 29 Jan - 16:19
Un bref acquiescement répondit à la remarque d'Arkimedes. Le regard rivé sur le crâne, Alexander était incapable de s'en détacher. Son pouce effleura l'arcade zygomatique, y cherchant les fossettes et le sourire qui auraient dû lui répondre. Son coeur cognait contre ses côtes, si fort qu'il aurait peut-être pu battre pour deux. Si seulement il avait pu... Du creux de sa poitrine montait une chaleur de rage et de révolte. Elle tendait ses muscles, alimentait son coeur, aiguisait ses sens, ne demandait qu'à se déverser dans un torrent de fureur. Il la retint.

"Au vu de la fracture, il a été frappé avec un objet contondant et pas de façon accidentelle," répondit-il à l'érudit d'un ton étrangement posé.

Il fit pivoter légèrement le crâne, exposant ainsi les os fracturés et le point d'impact.

"Soit il a été pris par surprise, soit il a tenté de s'enfuir et s'est fait rattrapé," reprit-il. "Au vu de la localisation du corps, je pencherai pour la seconde option."

Dans ses mots pesaient les secondes de terreur. L'instant où la paix de ce petit sanctuaire s'était muée en enfer. Chaque syllabes semblaient se parer des cris, du bruit des pas sur le pavé abîmé, du choc et du silence.

"Probablement que l'adulte qui l'accompagnait a subi un sort similaire."

Il termina sa phrase en se détournant enfin du petit crâne pour reporter son attention sur Arkimedes, notant alors sa pâleur. L'érudit était tout autant affecté que lui par sa découverte. Un mince sourire étira les lèvres d'Alexander.

"Reprenons nos recherches, si vous le voulez bien," dit-il doucement. "Ce petit mérite que nous puissions raconter son histoire."

Le mercenaire reprit le chemin de la cabane. Après tout, c'était l'endroit qui semblait être le plus récent, probablement que l'enfant y avait vécu avant le drame. Qui avait fait cela ? Cela avait-il un lien avec les restes de campements aperçus de l'autre côté ? La porte de bois grinça en pivotant sur ses gonds. L'endroit sentait l'humidité et le désordre y régnait. Il restait une table dans un coin de la masure, proche de l'âtre bricolé avec des pierres du temple. Alexander y déposa le crâne, figure tournée vers la pièce qu'il explorait.

"Tu veux bien nous donner un coup de main, petit bonhomme ?" lui demanda-t-il d'un ton doux.

Avec précautions, il se remit à fouiller le désordre des lieux. Il exhuma des décombres d'autres morceaux de métal avec des kanjis griffonnés dessus qu'il posa sur la table pour les montrer à Arkimedes.

Il restait un cadre de lit mais vide de tout matelas ou natte. Des meubles étaient présents, formant un ensemble plutôt disparate et branlant. Alexander passa une main sur l'une des portes en bois dont la poignée avait été sculptée au couteau. Quelqu'un avait passé du temps à tailler le bois et ce avec un certain talent. Ouvrant le rangement, Alexander en sortit deux bols de bol de bois grossièrement taillés. Il restait aussi quelques couverts mais rien qui puisse ressembler à un couteau ou une quelconque arme.

"Quelqu'un s'est servi ici... Des indices de votre côté ?" Demanda-t-il à Arkimedes.

Sur la table, entre les bols et les divers objets qu'ils rassemblaient pour reconstituer les pièces du puzzle, le petit crâne semblait les observer.
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyMer 7 Fév - 12:08
Arkimedes dissimula sa nausée en apercevant la blessure sur l'arrière du petit crâne, qu'Alexander lui montrait à présent. Il semblait étonnamment calme, et à un agacement face à une attitude analytique que, bien que similaire à la sienne, l'historien jugea d'abord sans cœur, succédèrent des interrogations sur le genre de tempête qui pouvait bien souffler derrière le regard calme de son compagnon de route. Il voyait presque la scène se dessiner sous ses yeux au fil des observations d'Alexander.

L'enfant qui courait depuis le temple vers la sécurité de la forêt, la brute qui le rattrapait, et puis… Enfin, bref. Qui pouvait faire une chose pareille de sang froid? Arkimedes leva les yeux vers le nord, machinalement. Peut-être le même genre de personne qui avait l'idée de prendre tout un théâtre en otage. Si il n'y avait pas de lien dans les faits, il y avait probablement une similarité psychologique entre ces deux profils d'individus. Sur l'initiative d'Alexander, les deux hommes regagnèrent le temple pour reprendre l'exploration de la maisonnette.

L'aventurier y entra le premier, Arkimedes l'entendit s'adresser tendrement au petit crâne, mais lui préféra rester à l'extérieur une seconde pour reprendre ses esprits. Thaïs qui l'avait pourtant suivi dans tous ses mouvements comme un chien refusait à nouveau d'approcher la maisonnette et faisait les cent pas à quelques mètres de l'entrée en décrivant un arc de cercle, dans une attitude nerveuse qu'il avait rarement vu chez elle. Il entra silencieusement dans l'habitation, perplexe, et fit jouer à la lumière de nouvelles lames de métal couvertes d'écritures qu'Alexander avait déposées sur la table.

"Je crois que ces inscriptions sont d'une nature différentes de celles que nous avons trouvé en premier." répondit Arkimedes. "On dirait une date, seule l'année est lisible... 111. Et là il est écrit... Taro. C'est un prénom il me semble."

L'historien leva les yeux. Est-ce que cela pouvait être le nom de ce petit crâne, dont les orbites vides le contemplait depuis un coin de la pièce. Cela lui allait bien, jugea-t-il. Jusqu'à preuve du contraire, il le nommerait ainsi: c'était quand même bien mieux que de le qualifier du surnom sinistre de "petit crâne". Arkimedes se déplaça près de la fenêtre, un puit de lumière qui n'avait depuis longtemps plus de vitre, si seulement il en avait eu une un jour, pour mieux voir. Dehors, Thaïs continuait son manège, les oreilles plaquées au crâne et la queue battant vivement l'air.

"Vous avez remarqué que les griffons refusent de s'approcher de la maison? Je n'ai jamais vu Thaïs dans un tel état de nerf."
Alexander Galloway
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyVen 9 Fév - 10:16
Poursuivant son inspection, Alexander écoutait les traductions que faisait Arkimedes. Une date qui leur fournissait un indice concernant l'arrivée des occupants de la cabane sur ce bloc et un prénom. Seulement deux syllabes qui poussèrent le mercenaire à reporter son attention sur le minuscule crâne qui les accompagnait. Les orbites vides lui rendirent son regard.

Arkimedes se porta à la fenêtre pour observer l'extérieur. Alexander acquiesça à sa remarque.

"Oui, Sylphide aussi n'aime pas cet endroit mais je ne saurai expliquer pourquoi," répondit-il en reprenant ses recherches.

Les griffons sentaient-ils le drame qui s'était joué ici ? Y avait-il autre chose qui les perturbait ? Une odeur ? Peut-être un son que l'oreille humaine n'était pas capable de percevoir ? Alexander n'était pas particulièrement superstitieux mais l'attitude de Sylphide le poussait à la vigilance. Il reprit ses investigations, les sens aux aguets. Parmi les débris, il extirpa une tablette d'argile avec des kanjis et des lettres gravées au calame. Il la tendit à Arkimedes.

"Cela ressemble à un abécédaire non ?" demanda-t-il.

Laissant la tablette à l'érudit, il poursuivit ses recherches, songeant au profil des habitants du lieu. Le plus âgé était visiblement cultivé et avait tâché d'inculquer son savoir au plus jeune. Le petit était-il bon élève ? Son compagnon d'infortune était-il un marchand ou une personne d'importance ? Un poète peut-être ?

Son attention se reporta sur un pan de mur en bois. Le reste de la bâtisse était constitué de pierre, cette portion était normalement à flanc de ruine alors pourquoi des planches ici ? Il s'en approcha, observant minutieusement l'ensemble. Les planches n'étaient pas bien mises et un reste de meuble calait l'ensemble. Alexander fronça les sourcils. Il repoussa le mobilier et attrapa le haut des planche, s'arc-boutant dessus pour les faire céder.

Il y eut un craquement, de la poussière, l'ombre d'une planque et un éclat métallique. Alexander leva les mains face à l'ombre du mousquet. Derrière lui, le bruissement des ailes des griffons résonna. Sylphide venait de prendre son envol, suivi par Thaïs. Des bruits de pas envahirent l'extérieur et un sourire étira les lèvres de celui qui se tenait caché là depuis on ne savait combien de temps.

"Reculez et plus un geste,"murmura-t-il.
Arkimedes Glaukopis
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptySam 17 Fév - 10:41
La nervosité de Thaïs commençait à le rendre nerveux aussi, Arkimedes sentait ses entrailles faire des nœuds: quelque chose sur ce bloc ne tournait pas rond. Il détourna les yeux des griffons avec un certain soulagement pour prendre la tablette d'argile que lui tendait Alexander. Il acquiesça, cela ressemblait bien à la copie d'un enfant qui apprend ses lettres. Les caractères étaient hésitants et certains étaient tracés à l'envers, comme cela peut arriver avant que le processus d'écriture ne devienne automatique dans l'esprit du jeune scribe. Non sans émotion, l'historien se souvint brusquement qu'il avait fait le même genre d'erreurs quand il apprenait lui-même à écrire.

Des petits mots courts étaient copiés au dos de l'objet, certains avec une écriture sûre et brusque d'adulte, l'autre avec la même graphie tremblante que l'abécédaire. Taro avait même écrit une brève phrase sans modèle tout à la fin, peut-être de sa propre initiative. Les fautes et les hésitations la rendait difficile à lire, Arkimedes leva la tablette à la lumière pour mieux voir, apercevant Alexander du coin de l'œil, qui dégageait un coin de pièce plus encombré de débris. Il entendit le craquement, vit le nuage de poussière, mais cru que l'éclat métallique n'était qu'une nouvelle trouvaille de son compagnon de route.

L'espace d'une bienheureuse seconde, il imputa l'affreux visage qui se détachait de la poussière à une innocente paréidolie. En réalité, il n'eut même pas le temps de réaliser qu'il paniquait, qu'au ralenti, il vit la tablette échapper de ses doigts déjà moites d'angoisse pour se fracasser au sol. Figé par le choc, il resta debout là sans rien dire et sans bouger, les bras le long du corps. Cela ne pouvait pas recommencer, pas maintenant, pas déjà. L'historien aurait voulu faire quelque chose, au moins obéir à l'ordre du diable sortit de la boîte, mais il ne parvenait pas à bouger autre chose que ses yeux.

Il chercha le regard d'Alexander, espérant réussir à lui voler un peu de son courage et de son optimisme, mais ses yeux se posèrent sur Taro avant de croiser ceux de son compagnon de route. Une vague d'émotions mêlées le submergea, tristesse, désespoir, colère, terreur, mais surnageait, immensément plus violente que les autres, une bouffée d'instinct parental dont il ne se savait même pas capable. Arkimedes ressentait l'urgence de protéger le petit crâne comme s'il s'était agit d'un enfant vivant. Il se redressa autant qu'il le pouvait dans l'espace réduit de la cabane: il sentait ses cheveux effleurer la ruine du toit.

Machinalement, il releva ses mains ouvertes à hauteur de ses épaules. Même s'il avait probablement emprunté cette attitude à un roman d'aventure, cela lui semblait être la bonne chose à faire face à un homme brandissant une arme à feu. En se reculant, il se plaça aussi discrètement que possible entre Taro et la gueule béante du mousquet. Le petit garçon méritait la paix à présent, il ne voulait pas que ses orbites aient à se poser sur une image aussi menaçante. Arkimedes était si animé par cette émotion qu'il sentit sa vision se brouiller: le trop plein de ces dernières semaines menaçait de déborder maintenant.
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptyJeu 7 Mar - 13:37
Le danger était un vieil ami d'Alexander. Le genre d'ami à toujours venir à l'improviste, débarquant au pas de votre porte un jour d'été puis un soir d'hiver. Il ne s'annonçait jamais véritablement mais entrait dans votre vie, s'asseyait dans le premier divan qu'il trouvait attendant qu'on lui serve un verre de brandy avec cette une provoquante désinvolture. Après tout, le danger était le maître en ce monde. Il était le vide infini séparant les blocs. Il était les étincelles d'un défaut technique sur une caravelle, une bête isvallienne à l'affût dans les bois, un bandit de grand chemin ou encore l'ombre d'une arme pointée sur une poitrine.

Mains levées, Alexander recula alors que l'autre pénétrait dans la masure, son arme braquée sur eux. Les sons au dehors lui indiquaient que leur agresseur n'était pas seul, on les attendait à la sortie de la maisonnette. Du coin de l'oeil, il vit la silhouette d'Arkimedes qui levait les mains en signe de reddition. Le mercenaire évaluait la situation. La distance qui le séparait de cet homme pouvait lui permettre de balayer l'arme et de s'en débarrasser. S'il agissait assez vite, il aurait peut-être une chance. Cependant, cette option n'était envisageable que si l'agresseur était seul. Or, il y avait du monde dehors, probablement armé. Même s'il prenait leur interlocuteur en otage, rien ne garantissait qu'ils parviendraient à sortir en vie du bâtiment.

"Tournez-vous, pas un geste brusque et sortez," ordonna l'inconnu.

Alexander fit signe à Arkimedes d'obtempérer et fit demi-tour sous la menace du mousquet. Frottant contre sa tête, sa main heurta l'attache de son cache oeil tandis qu'il sortait. Le cache-oeil bougea un peu, libérant partiellement son oeil. Il le ferma le temps de s'acclimater à la lumière du jour. Au dehors, deux autres armes les attendaient ainsi qu'un colosse au crâne rasé.

"Tiens tiens, v'là t-y pas des petits fouineurs," se moqua le colosse.

Le mercenaire l'identifia comme la tête du groupe. C'était un schéma classique, un leader et ses larbins, il en avait vu d'autres. L'homme qui le tenait en joue sortit à son tour de la masure et les dépassa pour rejoindre son patron. Il lui glissa quelques mots qui firent sourire le chef.

"Alors comme ça vous vous baladez avec des bouts de macchabées ? Qu'est-ce que vous êtes venus chercher ici ? Vous bossez pour qui ?"

"Ce monsieur est historien," répondit Alexander. "Je ne suis que son escorte. Nous ne voulons pas d'ennuis."

"Pour ça, il fallait commencer par ne pas venir par ici," cracha le colosse.

Il fit signe à ses deux comparses de tirer. Les armes se levèrent et un cliquètement indiqua qu'on les armait. Le coeur d'Alexander cogna plus fort dans sa poitrine.

"Attendez !" dit-il d'une voix claire. "Je suis un mercenaire, pas un héros. Ce monsieur est mon contrat, un contrat ça se change. Je n'ai aucun intérêt à rester sous une allégeance qui me mène à ma perte."

Les deux tireurs hésitèrent, consultant leur chef du regard. Un sourire étira les lèvres d'Alexander.

"J'ai un griffon et je suis bon cavalier," reprit-il avec assurance. "Je travaille pour vous, mon paiement sera ma vie sauve aujourd'hui."

Il inclina légèrement la tête en direction de l'érudit.

"Si vous voulez un gage de ma bonne volonté, je me charge de l'éliminer. Pas de témoin, pas de problème."
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[Fujinokawa] Courir l'aventure [avec Alexander Galloway] EmptySam 16 Mar - 11:53
Arkimedes ne se sentait même pas la force d'être effrayé: dès qu'il était sortit de la maison, devant le fusil pointé sur son dos, le superbe courage qu'il avait ressentit s'était évaporé. Désormais il était à peine conscient, docile comme un bœuf de labours trop vieux conduit à la boucherie. A travers sa perception brumeuse, comme elle devenait quand il était soumis à un stress intense, il entendait Alexander plaider leur cause comme s'il était à mille lieues de là. Son regard restait fixé sur la gueule de l'arme braquée sur lui, plus infâme et plus avide que celle de n'importe quel animal, qui tuait en vomissant et non en avalant.

Son cœur sauta au son du chien des fusils qu'on armait. Tout le mal qu'il s'était donné pour survivre à l'incident du théâtre, pour finir ici. L'historien n'était pas revenu de sa stupeur, qu'il pensait finale, quand Alexander reprit la parole. Sa mâchoire se décrocha, sans qu'il comprenne lui-même pourquoi il était surprit: évidemment, un aventurier reste un aventurier. L'indignation prit vite le pli sur l'étonnement, et dès qu'il parvint à fermer la bouche, Arkimedes se tourna autant que possible vers son compagnon de route.

"Je... Je..." commença-t-il, tremblant de rage. "Je n'ai qu'un seul regret dans cette affaire, monsieur Galloway. C'est que notre amie commune n'apprendra jamais quel affreux personnage vous êtes."

Il lui aurait volontiers craché au visage s'il avait su le faire. Le visage fermé et le nez froncé de dégoût, il reporta son attention sur les bandits, le visage d'Eglantine flottant au fond de son esprit, parfaitement écœuré de savoir qu'elle continuerait à côtoyer l'inélégant Alexander sans avoir aucun moyen de se douter de ce qui c'était passé. La proposition de son traître compagnon de route avait au moins le mérite de faire douter leurs ravisseurs, qui sans baisser leurs fusils, échangeaient des messes-basses. Puis vint une idée à Arkimedes. Il se dégoutait déjà à l'idée de faire ça, mais à présent qu'il était seul il fallait bien qu'il sauve sa propre peau.

Une seconde lui fut nécessaire: il n'avait jamais invoqué ses origines sociales pour obtenir des faveurs.

"Est-ce que le nom de Glaukopis vous est familiers, messieurs?" commença-t-il. "Il est assez fameux à Kymara."

"J'aime pas qu'on me menace." répondit celui qui semblait donner les ordres.

"Je ne vous menace pas, je vous propose une rançon. Mon frère paiera sans aucun doute une somme importante pour... pour me récupérer en vie."

Il s'était interrompu pour avaler sa salive. Arkimedes n'avait jamais aimé mentir, mais il savait bien que ce serait un miracle si Hygremon daignait payer un quart de drachme pour le sauver.
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