Etiquette 101 (Alryon ft. Alexander Galloway

31/08/2022

Octobre 149

Elle ne comprend toujours pas ce qui l'a poussé à accepter l'offre du mercenaire. Elle aurait pu refuser et simplement lui payer une somme suffisante pour clore l'affaire, dans les faits rémunérer un. tuteur.ice en bonnes manières risquait de coûter plus cher au duché qu'autre chose. Céder aux demandes presque capricieuses du jeune homme était une chose, elle pouvait balayer la chose en se disant qu'elle était simplement d'une humeur plus joueuse et généreuse qu'en temps normal ce jour là, mais cela ne tenait pas face au fait qu'Astrance elle même s'apprête à donner le cours.

Finalement, c'est certainement elle la capricieuse.

Quelques semaines se sont écoulées depuis la première rencontre entre les deux jeunes gens dans la cuisine des York. L'été a eu le temps de s'éclipser définitivement, désormais l'air est bien plus frais et pluvieux. S'il fallait plus d'indications que l'automne est désormais bien installé, l'odeur de caramel épicé et de la soupe aux champignons et noix cuisinées dans les fourneaux ronflants du manoir et embaumant les lieux viennent les apporter.

Astrance aperçoit Lavande filer dans le couloir, un roulé à la canelle dans la bouche et un autre dans chacune de ses mains. La benjamine des York se croit certainement discrète et efficace, dans une autre famille ce serait vrai. Mais Astrance a dix autres soeurs pour exercer son oeil et son instinct à ce genre de choses. Et le personnel de maison onze après elle, alors même si elle lève un sourcil quelque peu dubitative et amusée par les efforts de la petite elle ne dit rien. Si les cuisines avaient vraiment voulu garder les pâtisseries, leur glacage ne serait pas en train d'empoisser les mains et la bouche de Lavande. Et si effectivement le larcin a été commis en toute impunité, eh bien tant pis pour elles. Lavande a bien mérité les prix de sa victoire.

Ce genre de choses devraient être du ressort de leurs parents. Leur aînée ne devrait pas avoir avoir à envisager de réprimander ou non ses cadettes. La pensée vient laisser un goût amer dans la bouche d'Astrance alors que l'odeur de sucre et de cannelle chaudes inonde ses narines. Il y a longtemps qu'elle a réalisé qu'elle était plus mère que soeur. Longtemps qu'elle a renoncé à toute implication constante de leurs parents dans l'avenir et le bien être de leur progéniture. Leur père est un doux rêveur que les réalités politiques de leur monde n'ont jamais fait qu'ennuyer. Et leur mère s'assure que les caisses soient pleines, pour elle tout l'important est dans le fait que ses filles aient chacunes des dots potentielles à en faire pâlir d'envie n'importe quel parti. En cela Astrance doit reconnaître qu'elle s'est bien débrouillée. Mais cela ne l'a pas empêché de comprendre, et de plus tard accepter, que leurs parents les aiment mais que peu importe l'étendue de cet amour iels ne les aiment pas bien.

Elle secoue brièvement la tête, chassant les nuages qui commencent à s'accumuler dans son esprit. S'appesantir là dessus ne mènerait à rien de productif, elle a bien trop de choses à faire pour se permettre une telle perte de temps. Lavande a déjà disparu corps et bien de sa perception, partie dévorer son butin dans un endroit tranquille ou bien sur le dos d'un pégase. Astrance elle retourne à ses préparatifs, elle a encore un peu de temps avant l'arrivée de son… élève ? Si c'est bien le terme approprié pour cette situation. La ponctualité n'est pas à l'ordre du jour mais elle compte bien en faire son premier enseignement.

21/01/2023

Les semaines et le baume procuré par l'apothicaire qu'il avait été voir avaient commencé à effacer la brûlure. La peau avait desquamé, il ne restait plus qu'une marque rosée, encore un peu sensible, une peau neuve n'ayant pas encore fait ses preuves face à l'adversité. Le temps de cicatriser, une lettre lui était parvenue, plus une convocation pour un premier cours. L'aînée des York semblait décidée à tenir parole mais Alexander avait été surpris de constater que le rendez vous était fixé au manoir même. Il s'était attendu à recevoir une adresse ou quelque chose. Cela dit, il était fort possible que les filles du ducs aient des précepteurs à la maison pour les encadrer. Il n'aurait fait qu'un élève de plus, masculin pour une fois cela dit.

Alryon en automne était une longue succession de soleil, de nuages et de pluie. Lorsque Sylphide, son griffon, se posa peu avant le portail du manoir, une bruine légère et rafraîchissante tombait. Alexander sonna pour annoncer son arrivée et fut reçu par le même majordome que précédemment. On lui proposa de prendre sa bête en charge, ce qu'il accepta bien volontiers avant de suivre le majordome qui le débarrassa de son manteau de voyage, rendu humide par la pluie.

En dehors de ce grand manteau doublé de fourrure, Alexander avait troqué sa tenue de voyage pour quelque chose d'un peu plus citadin et élégant. Une chemise crème et un veston noir très sobre sur un pantalon noir lui aussi, quelque chose de simple et efficace.

Une délicieuse odeur de cannelle planait au sein du manoir, donnant un aspect chaleureux à ces vastes couloirs ornés de tableaux et ces escaliers monumentaux qu'ils empruntèrent. Dans les pas du majordome, Alexander musait à ce sujet. Comme il était singulier qu'une simple odeur puisse rendre vivant un espace aussi pompeux. Les tapis rouges sur les marches, les tentures, les bustes et autres babioles posés sur les meubles se mêlaient à un parfum si simple et réconfortant.

Le majordome le guida jusqu'à un salon dont la porte était déjà ouverte et dans lequel, à la grande surprise d'Alexander, se trouvait mademoiselle Astrance York et personne d'autre. Le jeune homme avisa aussi divers documents et ouvrages posés sur la table basse trônant entre les différents fauteuils et canapés qui occupaient la pièce.

Le trajet à l'intérieur du manoir et la douce chaleur qui y régnait avaient eu raison de l'eau sur ses bottes. Il ne restait que quelques fines gouttes sur quelques cheveux rebelles, semblables à des petites perles venues orner ses mèches blondes. L'avantage de la bruine, avant de tremper, elle ornait.

"Mademoiselle York," salua-t-il avec une révérence. "C'est un plaisir de vous revoir. J'espère que vous vous portez bien ainsi que mademoiselle Eglantine."

31/08/2022

Astrance sourit en voyant le jeune homme entrer et la saluer. Peut-être ne le sait-il pas encore mais elle est en train de le disséquer, de l'analyser dans ses moindres détails et replis. Elle pose un coup d'oeil satisfait sur l'horloge de la pièce, pile à l'heure.

-Bien le bonjour, monsieur Galloway. Je constate avec plaisir que nous n'aurons pas à passer sur les règles de la ponctualité.

Elle désigne d'un mouvement souple le siège en face d'elle, l'invitant à y prendre place.

-Mais je vous en prie, prenez place nous serons mieux pour ce qui va suivre.

Astrance se tourne ensuite vers le majord'homme pour lui demander de leur ramener du thé et des encas.

-Votre révérence était appropriée, même si j'ai relévé quelques défauts de posture qui l'empêchent de véritablement être brillante. Rien qui ne saurait être corrigé avec un peu de pratique et d'attention. Mais dites-moi, monsieur Galloway, est-ce vraiment votre première leçon en étiquette alryonnaise ?

L'autre option étant qu'il ait naturellement ça dans le sang, ce qui serait certainement encore plus intéressant. Astrance le fixe, ne se départissant pas d'un sourire plaisant et d'une attitude détendue. Ses mains venant juste organiser un peu plus la table et son agencement de documents.

L'étiquette en Alryon n'est jamais qu'un jeu de pouvoir qui se cache derrière un sourire parfait et beaucoup de dentelles. Un jeu dangereux et plus vicieux que bien des parties d'échecs : Ne jamais laisser sa garde baissée. La règle d'or silencieuse de cette mascarade

21/01/2023

Un sourire étira les lèvres du jeune homme à la mention de sa ponctualité.

- J'ai ouïe dire que c'était la politesse des rois, répondit-il non sans une certaine malice.

Quitte à régner autant commencer quelque part. Exercer son pouvoir sur son emploi du temps était un bon début. Il n'y avait donc pas de précepteur à présenter. Il le réalisa alors qu'il prenait place et qu'Astrance congédiait le majordome avant de lui faire une synthèse de la qualité de sa révérence. Le jeune homme cacha sa surprise sous un air attentif, se tenant droit dans son fauteuil, les épaules dégagées.

- Ma mère était très pointilleuse quant à ma tenue, elle m'a inculqué quelques bases que j'ai pratiquées durant mes études, répondit-il avec un sourire. Hélas, ce ne sont que des bases complétées par l'observation de mes clients avec le temps.

Ce n'était pas un mensonge. On lui avait appris à se tenir. Sa mère d'abord y avait mis un point d'honneur puis durant ses études et enfin quand son projet de revanche était né, il avait utilisé ses années de mercenariat à observer les nobles qu'il escortait. Il s'était entraîné ensuite, seul dans sa cabine, ou chez lui devant un miroir, mimant ce qu'il avait pu voir jusqu'à ce que cela finisse par y ressembler.

De son oeil libre, il observait l'attitude étudiée de la jeune femme. Elle paraissait détendue, à l'aise. Son sourire était aimable mais comme la première fois, il devinait que ce n'était qu'un vernis savamment posé. Derrière, se trouvait un esprit calculateur qui l'étudiait avec attention. Cela plaisait définitivement au jeune homme qui la surprise passée avait hâte de voir à quelle sauce l'aînée des York allait le manger.

31/08/2022

Intéressant. Une femme qui tenait aux manière donc, cela confirme aussi que le mercenaire avait eu accès à une éducation. Comment quelqu'un ayant eu la chance de recevoir, même le début de cette éducation poussée se retrouvait mercenaire ? Etait-ce par choix ou bien par contrainte ?

Peut-être Mr. Galloway vient-il d'une de ces petites familles bourgeoise qui se sentent pousser des dents et cherchent à mordre plus gros qu'elles ne le peuvent ? Un revers de fortune aura fait que les ambitions se seraient retrouvées mortes-nées. Sans ressources nécessaires pour le commerce, le mercenariat était une réponse convenable.

Ou bien alors, Mr. Galloway est l'héritier d'une famille de petite noblesse désargentée depuis longtemps tombée en disgrâce et dans l'oubli du reste de la haute société. Peut-être est-ce l'appel de l'aventure qui a conduit le jeune sur cette voie plutôt que l'appât du gain.

-Je vois, vous avez la chance de profiter d'une bonne éducation, donc. Vous devez en être très reconnaissant à votre mère, ce sont des clefs utiles qu'elle vous a donné. Puis-je vous demander où vous avez fait vos études ?

L'horloge continue son tic-tac incessant en fond, marquant cérémonieusement chaque seconde qui s'écoule entre les deux jeunes gens.

-Vous avez peut-être un aspect de la discipline que vous souhaiteriez appronfondir en priorité, Mr. Galloway ? Puisque vous avez les bases, je ne tiens pas à vous faire perdre votre temps avec des rappels superflus.

21/01/2023

S'il y avait une chose pour laquelle Alexander ne mentait jamais, c'était à propos de sa mère. L'amour qu'il lui avait porté s'était paré d'une aura sacrée lorsqu'il avait eu connaissance des sacrifices qu'elle avait fait pour lui. Si bien que lorsque l'aînée des York évoqua sa reconnaissance, le sourire du jeune homme se fit étonnamment sincère et doux. Une lueur à la fois douce et mélancolique s'alluma dans son regard telle la flamme d'une bougie venue commémorer ceux perdu trop tôt.

- Je lui en suis infiniment reconnaissant, répondit-il avec sincérité.

La flammèche se retrouva enfouie au rang des souvenirs alors que la conversation se poursuivait, laissant à Alexander son regard clair et intelligent.

- J'ai étudié à l'Université d'Isvall, répondit-il tout naturellement. J'y ai passé plusieurs années dont une dédiée à l'aéronavale.

Cette réponse attiserait-elle la curiosité de Mademoiselle York ? Cela la satisferait-elle ? Alexander s'interrogeait tout en guettant d'un oeil les réactions de son interlocutrice. Il y avait tant à apprendre dans une posture ou un regard.

On en venait à la discipline à choisir et le jeune homme redoubla d'attention.

- Tout rappel demeure bon à prendre, répondit-il avec humilité. Cela dit je souhaiterais apporter une attention toute particulières aux liens entre les grandes familles d'Alryon, à l'étiquette et aux traditions associées.

Un jour, il ferait le funambule au dessus de ce nid de vipères que constituait la noblesse d'Alryon. Il devrait s'y trouver des alliés pour lutter contre ses ennemis. Il devrait composer, jouer, exiger, diriger et pour cela, il devait connaître parfaitement chaque espèce de serpent, ses ambitions, ses méthodes et ses faiblesses.

31/08/2022

La fille aînée York sait reconnaître l'amour et la tendresse quand elle les voit. Sa vie a été baignée dedans depuis la naissance de Belladonna, et leur flot n'a fait que s'intensifier à chaque naissance d'une de ses soeurs, puis avec les années. La sororité des douze filles du Duc York est chaotique, surprenante et unique, mais elle est aussi un océan d'amour. Au fond, Astrance sait que tout ce qu'elle fait, depuis toujours, depuis qu'elle a été submergée pour la première fois par le tsunami de tendresse quand elle a croisé les yeux clairs et verts de Belladonna; elle le fait pour ça. Pour protéger ses sœurs, pour protéger le bonheur de sa famille.

Il y a la même chose dans les yeux du jeune homme. Cet attachement, cette tendresse dévorante. Il est clair qu'il aime sincèrement sa mère, toujours bon à savoir. Donc un attachement filial indéniable, cela dit au vu de l'emploi du passé pour parler d'elle Astrance soupçonne qu'elle n'est plus de ce monde.

Plusieurs années en université, et une année consacrée à l'aéronavale, rien que ça ! Cela rend son emploi de mercenaire encore plus surprenant. Pourquoi s'engager dans cette voie avec un bagage universitaire pareil ? Peut-être était il simplement un étudiant médiocre qui n'avait pas pu trouver une place dans un domaine moins… sélectif. Mais Astrance n'y croit pas, Alexander Galloway n'a pas l'air d'être une personne médiocre de quelque façon que ce soit.

-Très bien. Je pense alors que nous pouvons jeter un oeil à la hiérarchie dans la noblesse alryonaise.

Basique, mais toujours utile de connaitre les subtilités dans la manière de s'adresser à un baron ou bien un marquis. La jeune femme ouvre un livre qu'elle feuillette jusqu'à arriver à une page dépliante imprimée d'une grande pyramide. En plus de l'encre de l'impression, la pagge est colorées de couleurs clairement faites au pastel par une main enfantine, des annotations en pates de mouches cotoient aussi des dessins caricaturaux. Notamment au sommet de la pyramide où l'on a dessiné un petit bonhomme couronné et clairement bougon. Astrance fronce légèrement les sourcils en voyant cela. Il n'y a rien à faire contre une armée de jeunes enfants indisciplinées étudiant les mêmes manuels et ayant une claire tendance à l'ennui, mais quand même. Elles pourrait éviter d'être ouvertement et de manière si décontractée aussi irrévérencieuses envers leur souverain. Quoique, Astrance ne peut pas dire qu'elle puisse leur en vouloir.

-Donc, le plus bas des titres de noblesse est celui de "Chevalier". Généralement il est accordé avec potentiellement un petit peu de terres pour garantir une rente, mais il n'est pas transmissible. Les enfants d'un chevalier, seront des bourgeois ou simplement du petit peuple, à la mort du parent adoubé le titre et les privilèges s'y attachant sont perdus.

Elle pose le doigt sur la base de la pyramide, on a dessiné une petite troupe de personnages en armures mais aussi en vêtements de marchands et de travail.

-Ensuite, juste au-dessus il y a les Barons, le plus petit grade de la noblesse héréditaire. Au dessus il y a les Vicomtes, puis les Comtes. On désigne toutes ces personnes comme les "Très Honorables", mais dans une conversation courante Lord ou Lady suffit généralement

Astrance avait toujours trouvé l'appellation officielle foutrement hypocrite.

-Puis il y a les Marquis, qui sont appellés les "Plus Honorables".

Encore une putain de blague.

-Et enfin, juste avant les membres de la famille royale, les Ducs. Pour eux on emploie "Votre Grace", et Lord ou Lady ne suffit plus. Le titre est trop haut pour cela, certains peuvent le prendre comme une insulte qu'on les place au même ordre d'importance que le reste de la noblesse.

Juste à côté du morceau de la pyramide concerné, qui a été entièrement colorié en vert, il y a une ligne de quatorze petits personnages. Treize étant clairement féminins. Au vu du nombre, Astrance déduit sans trop de difficultés que Lavande est l'autrice du graffiti. Elle note avec amusement qu'elle devait s'ennuyer particulièrement car chacune des douze soeur a été dessinnée avec un petit élément personnalisé. La première semble faire la tête, la secondetient un pinceau dans la main, la troisième une paire de ciseaux, la quatrième semble jouer du violon, la cinquième a un tournevis et un petit nuage de fumée s'élève de sa tête, la sixième lit un livre, la septième porte une plante en pot dans ses bras, la huitième a la bouche et une clef de solfége vole à ses côtés, la neuvième a un burin et un marteau, la dixième une équère, la onzième est en train de danser et la douzième en tenue d'équitation.

21/01/2023

Un léger sourire étira les lèvres du jeune homme devant la figure bougonne en haut de la pyramide. Les enfants après tout ne mentent jamais. Son attention se reporta cependant rapidement sur les explications d'Astrance York. Les titres étaient absolument pompeux et ridicules mais le jeune homme s'attacha à bien les retenir. Pour cela, les dessins des jeunes soeurs York étaient d'une grande aide, non seulement ils illustraient de façon très intéressante la hiérarchie de la noblesse alryonaise mais ils constituaient aussi un rayon de soleil sur ces pages austères.

L'illustration des ducs et duchesses étaient purement adorable. C'était une bulle d'amour esquissée au crayon. Il semblait à Alexander qu'il contemplait depuis une fenêtre cette tendresse comme le vagabond dans le conte qui observe une famille préparer Yule. Bien qu'il soit étranger à cette famille, son coeur lui soufflait de protéger ce qui croissait ici.

Son doigt effleura sur la page suivante une esquisse d'Alryon et des différentes propriétés ou territoires de la noblesse. Un petit manoir avait été gribouillé là où le nom des York figurait. Ses sourcils se froncèrent un court instant tandis qu'il réfléchissait.

"Comment les terres ont-elles été distribuées ? Sont-elles les terres ancestrales de la noblesse alryonnaise ou bien ont-elles été arrangées après la Dislocation ? Toutes les familles nobles alryonnaise ont-elles un lignage qui remonte à l'avant Dislocation ou certaines sont-elles nées après ?"

Comment la hiérarchie s'était-elle constituée ? La monarchie elle même était-elle celle d'origine ? Qu'un roi survive à une castastrophe naturelle c'était probable en revanche qu'il survive avec toute sa cour à une planète qui implose c'était une autre affaire. C'était si improbable que cela ressemblait presque à un dessein divin.

Revenant à la pyramide, le jeune homme se permit une autre question d'étiquette. Il était de notoriété publique qu'en Alryon le sang mâle primait et que c'était ce dernier qui héritait, chose qui clairement ne lui plaisait pas. D'une parce qu'il venait d'Isvall où les femmes avaient une place bien plus importante et de deux parce que dans une société plus égalitaire sa mère n'aurait pas eu à subir ce qu'elle avait subi.

"Imaginons une Comtesse qui épouserait un marquis," commença-t-il. "Garde t elle le titre de Comtesse ou prend t elle le titre de son époux ?"

31/08/2022

Astrance ne s'attendait pas à des questions aussi pointues si tôt. En toutes honnêteté elle n'est pas sûre d'avoir toutes les réponses. Elle était formée en politique et en histoire, mais pas à ce point. Ce genre de détails n'avaient que rarement une application pratique utile en réalité.

-Je peux facilement répondre à la dernière : non. Certaines familles se vantent d'avoir du sang bleu qu'elles peuvent remonter jusqu'à avant la Dislocation, mais elles sont rares. Et assez peu appréciées en général par les autres. On considère aussi que ce genre d'affirmation a plus tendance à être de la pure affabulation pour se pavaner. Il est extrêmement compliqué de trouver des archives généalogiques exploitables antérieures. Ce qui n'est pas un sujet que l'on aime poser sur le tapis dans les sphères nobiliaires. Personne n'aime à penser que son sang n'est pas aussi bleu et supérieur qu'on aimerait.

Pour les autres questions, elle parvient à lui donner des débuts d'éléments de réponses. Plus des suggestions de sa part se basant sur ses connaissances. Mais pour plus d'information il lui faut compter sur les ouvrages qu'elle lui prêtera à la fin de leur cours.

Ah ! Les questions d'héritage et de primogéniture masculine ! Astrance s'y connait un peu trop bien.

-Situation intéressante. Et qui a très peu de chances d'arriver. Déjà parce que pour qu'une femme ne perde pas son titre de noblesse au profit de celui de son mari dans le cadre d'un mariage, il faut qu'elle soit la seule héritère possible. Ce qui nécessite que tous les hommes de sa famille soient morts.

Ce qui n'était pas une option qu'Astrance trouve si dérangeante que ça dans son cas. Pratiquement, ses parents finiront fatalement par mourir, c'est comme ça, la vie est ainsi faite. Donc ce n'est pas qu'elle désire la mort de son père, non loin de là. Celle de ses oncles, cousins proches ou éloignés à des degrés divers, oui. Cela l'arrangerait beaucoup, merci bien.

-Dans ce cas-là, en théorie, la Comtesse garderait son titre et son autorité sur ses terres jusqu'à la naissance d'un héritier et de son arrivée à un âge où il pourrait assumer la charge. Dans les faits, c'est l'époux qui prend cela en charge avec ses propres biens.

Morale de l'histoire : ne vous mariez que le temps d'avoir un enfant ou deux viables, puis débarrassez-vous du géniteur avant qu'il ne décide de vous spoiler.

-Ce genre de situation n'est jamais plaisante pour la noblesse. Pour nombre de raisons, mais premièrement parce que cela peut changer énormément la répartition du pouvoir et des influences.

Donc on avait tendance à chercher le premier péquin qui tenait vaguement debout même à pétaouchnok avant de considérer une fille ou une sœur de feu le Comte.

- Et aussi, parce que la question de l'héritage se pose, et là dedans la Couronne a aussi son mot à dire.

Et la noblesse n'aime pas forcément que la Couronne mette le nez dans ses affaires et dans ses terres.

-Il existe un mot où les biens de la Comtesse rejoignent ceux du Duc, et font donc désormais partie de son Duché. Si la Couronne peut éviter un tel cas de figure, elle le fait. Généralement, on lègue le duché au premier fils et le comté au second.

21/01/2023

Une domestique en livrée sobre se présenta pour déposer entre eux le thé et des biscuits à la cannelle et fit le service. Elle s'en fut sur la pointe des pieds sans déranger plus les deux jeunes gens. Les sourcils légèrement froncés, Alexander écoutait les explications de son hôte avec attention.

Ainsi la Couronne intervenait dans les différents mariages et gérait l'attribution des terres. Cela permettait d'éviter la prise de pouvoir d'une faction de la noblesse. Diviser pour mieux régner, ce que dépeignait Astrance York en était le parfait exemple.

- Pour quelqu'un d'Isvall, je dois bien avouer que ces histoires de lignées masculines et d'héritage sont étranges, fit-il remarquer.

Et c'était bien sincère de sa part. La moitié de la population n'avait donc aucun droit de propriété dans ce pays ? Il en avait déjà entendu parler mais le constater était vraiment affligeant. En son for intérieur, il ajouta cela à la longue liste des choses qu'il avait bien l'intention de faire voler en éclat sur ce bloc.

- Quels sont les rôles des différentes familles au sein de la noblesse ? Quelle utilité ont-elles pour la cour ? Ont-elles des domaines de prédilections ? demanda-t-il.

Il croqua dans un biscuit. Malgré la cannelle, les choses sucrées n'étaient pas son fort. Il n'en montra cependant rien et fit passer le goût à l'aide d'une gorgée de thé bien plus appréciable.

31/08/2022

Astrance a un petit sourire, il y avait quelque chose de pointu dans ce dernier, quelque chose d'acide, les remontées d'une contrariété aussi vieille que ses premiers souvenirs, le tout caché derrière un masque de porcelaine et dentelle fines.

-Etrange est un adjectif pour parler de la situation. Mais certainement pas celui que j'emploierai.

La jeune femme prend une gorgée de thé. Issvall doit être un pays bien doux à vivre si ce genre de considération semblaient étrangères au jeune homme.

-Vous apprendrez qu'en général, l'avis ou le les droits d'une femme n'a que peu de valeur en Alryon. Le pouvoir est un concept exclusivement masculin.

Elle ne cherche pas à cacher l'amertume et la rancoeur dans ses mots, même si l'aînée York garde une posture gracile dans son siège et que sa tasse est tenue à la perfection.

-Vaste question, oui et non. Certaines familles ont en effet des domaines d'activités traditionnels, plus ou moins variés, mais cela varie aussi beaucoup de génération en génération. Le rôle principal de la noblesse est de gérer et contrôler l'activité de ses terres, tout en reversant un pourcentage de ses revenus à la Couronne.

Pas que les familles nobles cultivaient elles-mêmes les champs et faisaient tourner les rouets. Mais elles contrôlaient et taxaient tout ce qui était produit sur leurs terres.

-Dans l'idée, les nobles assurent la garantie de l'autorité publique sur leurs domaines, et aussi de la protection des gens y vivant. On parle de "noblesse oblige".

21/01/2023

Un infime changement au coeur de l'élégance, une nuance à peine perceptible, juste un sourire aux lèvres peut-être plus crispées. Ce n'était qu'à peine un nuage, une ombre passagère sur le tableau de la noblesse alryonnaise la plus parfaite. Depuis qu'ils avaient commencé leur leçon, Alexander observait, analysait, engrangeait. Il étudiait Alryon et sa noblesse mais il étudiait aussi l'alryonnaise en face de lui, son maintien, son ton, ses gestes. Il étudiait si bien que le changement ne lui échappa pas et il eut le sentiment de tenir quelque chose, un infime fragment de la personne véritable qu'il avait en face de lui. Peut-être était-ce même un début de réponse... Une réponse à pourquoi ce regard brûlait avec tant de force, pourquoi il était si acéré, si dévorant.

- Je serai bien curieux de savoir ce qui justifie cela, songea-t-il. Pardonnez moi cette question et arrêtez moi si je vais trop loin mais... Les femmes alryonnaises se contentent vraiment de cette situation ? On parle de la moitié d'une population tout de même.

Isvall avait ses défauts c'était certain mais en dépit d'un système très matriarchal, les deux sexes avaient leur place et leurs rôles à jouer dans la société et il ne se limitait pas à pondre des héritiers. Même si, on allait pas se mentir, les clans attendaient des épouses une progéniture pour prospérer. Réaliser cette situation sur Alryon l'attristait. Sur un bloc avec une telle mentalité, sa mère n'avait aucune chance dès le départ. Pourquoi avait-elle tenté de vivre ici ? Avait-elle suivi quelqu'un ou voulu faire des études ? Avait-elle déchanté peu après son arrivée ?

La conversation se poursuivait sur les rôles de la noblesse. Définitivement, le rôle de collecteur d'impôts ou d'administrateurs ne convainquait pas Alexander mais il se garda bien d'émettre une quelconque opinion là dessus. Si la noblesse assurait la protection de ses terres, cela signifiait-il qu'elle disposait d'une armée privée ?

"Ainsi chaque noble dispose de sa propre police ou de sa propre force armée ? Ou est-ce qu'ils financent une organisation à l'échelle de l'état ?"

Tout en écoutant les réponses qu'on lui fournissait, Alexander prêtait attention à son maintien. Il travaillait sur son attitude, calquant ses mouvements sur ceux de son hôte, adoptant une attitude calme mais intéressée. Son unique oeil allait et venait entre Astrance York et les documents qu'elle lui montrait, retenant tout ce qu'il pouvait dans cet espace isolé du monde que constituait ce petit salon.

31/08/2022

Il y a une certaine naïveté dans les propos d'Alexander. La candeur de quelqu'un qui n'a jamais eu à courber l'échine depuis sa naissance pour satisfaire un ordre des choses avantageant ceux le dirigeant. Il n'avait jamais eu à expérimenter Alryon comme les femmes posant un pied sur ce bloc avait à le faire, elle ne pouvait pas lui en vouloir, pas vraiment du moins. Ou alors juste un tout petit peu, plus par principe qu'autre chose. Astrance se ressert une tasse de thé, apparemment impassible devant la question du jeune homme.

-Pourquoi le chien laisse-t-il un collier serrer son cou ? A-t-il seulement le choix ? Et pourquoi son maître voudrait-il lui laisser se rendre compte qu'autre chose est possible ? Alors que l'ordre est tellement bien établie et depuis longtemps qu'il en paraît naturel, se soulever contre celui-ci est difficile à ne serait-ce que concevoir.

Il fallait une bonne dose de privilège pour jouer dans les limites du cadre étouffant qu'on imposait, Astrance le sait. Aucune des douze filles York n'aurait pu s'épanouir, se développer et exceller dans leurs domaines si elles n'avaient pas eu l'argent et le nom de leur famille derrière elles. Elles sont des exceptions sur tellement de point, la fantaisie et l'originalité de leur père leur ayant permis bien des écarts. Mais ce n'est pas une vraie liberté, pas une vraie victoire, loin de là.

-Effectivement, d'ailleurs la limite entre les deux est très fine, pour ne pas dire inexistante. Et concernant une organisation à l'échelle de l'Etat, et bien disons que les taxes ne financent pas que les bals de la cour royale.

Elle reprend une gorgée de son thé avant de reposer sa tasse et de se tenir droite, ses yeux bleus plantés dans celui d'Alexander.

-Mais nous nous éloignons de l'Etiquette, Monsieur Galloway. A moins que vous ne souhaitiez étendre nos cours sur d'autres aspects plus politiques.

La lionne commence à sortir ses griffes

21/01/2023

La réponse d'Astrance York laissa Alexander songeur. Beaucoup d'opprimés ignoraient le fait qu'ils l'étaient, c'était un fait et leur faire entendre et intégrer une telle chose constituait à lui seul un travail de titan. Sur un autre plan, le jeune homme sentait qu'il avait effleuré quelque chose. Du bout des mots, il avait gratté la couche vernissée de la noble et entraperçu comme l'ombre d'une réponse à l'éclat de son regard.

"Comment en êtes-vous venue à le concevoir ?" la questionna-t-il d'une voix étonnamment douce.

Le tintement de la tasse, le maintien un peu plus raide, plus strict, le ton changeait et il changeait avec un rappel à l'ordre. Rappel à l'ordre ou invitation, Alexander pesa le pour et le contre. Poursuivre docilement sur l'Etiquette ou bien se lancer dans autre chose ? C'était un jeu risqué, il le sentait mais au pire il se faisait mettre à la porte, au mieux, il trouvait une alliée. Il reposa sa tasse à son tour, le bleu de son unique oeil rendant son regard à celui de Mademoiselle York avec une tranquille assurance. Il y brillait un éclat passionné, presque amusé, celui de quelqu'un se lançant dans une aventure.

" En effet," concéda-t-il volontiers. "Mes excuses pour cette digression. Cependant, une extension de nos leçons à des aspects plus politiques ne serait pas pour me déplaire à condition que je puisse vous rendre service en retour."

Oeil pour oeil comme disait le proverbe...

31/08/2022

-Oh, mais nous le savons toutes. Nous savons que nous sommes moindres, négligeables en comparaison aux hommes. On nous l'apprend dès l'instant où nous poussons notre premier cri, souvent avant même. Un fils vaudra toujours plus qu'une fille. La question n'est pas de le savoir, de le concevoir. La question est de savoir si nous l'acceptons, si nous arrivons à fermer les yeux sur la chose et vivre comme on peut dans l'acceptation ou le déni. Ou bien, si nous acceptons d'être révoltées et retorses.

Est-ce que le jeune homme pourrait il un jour comprendre ce que chercher à être dans un monde vous refusant l'existence était ?
Un jour, comprendrait-il la rage sourde et patiente dans le ventre ? La lutte que l'on ne pouvait que perdre même dans la victoire ?

En dehors de ça, et elle a appris depuis bien longtemps à ne rien attendre des hommes, ce qu'Astrance voit dans l'unique oeil bleu lui plaît. Elle avait bien senti qu'il y a quelque chose de particulier chez cet homme. Il n'est pas là pour uniquement apprendre comment tenir sa tasse de thé, comment s'adresser à la bonne société. Il est comme elle enfant, il veut apprendre comment placer ses pièces sur l'échiquier.

Astrance sourit.

-Je vois. Et bien, cela dépend de ce que vous avez à m'offrir. En tous cas de ce que vous pensez pouvoir obtenir. Je veux savoir à quel jeu vous entendez jouer, et quel prix vous visez.

21/01/2023

Accepter d'être révoltées et retorses, comme Alexander comprenait cela... Vivre avec une rage sourde au fond du ventre, vouloir tout détruire dans un accès de furie mais se contenir, laisser couver les flammes, tenter de les dompter pour en faire autre chose, les changer en force créatrice. Depuis, ce moment, celui où sur le chevet de sa mère on lui confiait une lettre soigneusement cachetée, il avait su quelles étaient ses chances, quelle était la place qu'on lui avait nié. Serait-il né ailleurs, d'un autre père, à Jahreel ou ailleurs sa place aurait été garantie, il aurait été l'aîné, le premier enfant, l'héritier légitime. Aujourd'hui cette place était promise à un second, un enfant "légitime", né d'un mariage de devoir, d'une alliance politique, probablement dressé pour marcher dans les pas de son père, conditionné pour commettre les mêmes exactions, les mêmes erreurs...

Le sourire de l'aînée des York le ramena au salon, à ce monde tangible dans lequel les flammes du foyer dessinait des ombres mouvantes sur les murs et les tentures. Un monde chaud, une bulle de douceur dont ils semblaient tous les deux étrangers. Dans ce coton de confort et de civilisation, la renarde et le loup se jaugeaient, se testaient, s'apprenaient. Un sourire presque carnassier se dessina sur les lèvres d'Alexander.

"Mon prix est le changement et la justice," répondit-il. "Ne me prenez pas pour un idéaliste, je ne suis pas là pour sauver la veuve et l'orphelin, Alryon me doit quelque chose et je le lui dois en retour. Informations, soutiens, influence à l'étranger ou dans les colonies, voilà ce que je peux vous offrir en contrepartie."

Des années qu'il voyageait, des années qu'il fréquentait les riches, servait d'escorte, écoutait les petits secrets des uns et des autres. Des années qu'il allait et venait, donnant un coup de pouce ici, récupérant la gratitude par là pour repartir ensuite et chercher ailleurs. Des contacts, il en avait partout. Il n'avait pas encore tous les éléments, ce n'était qu'un lionceau qui apprenait à chasser mais plus le temps passerait, plus il pourrait gagner en force et plus il pourrait faire changer les choses.

31/08/2022

Pendant un moment, Astrance York fixe en silence Alexander Galloway. Son visage est un masque parfaitement lisse, aucune émotion ne s'y lit et ses deux yeux transperce de part en part le jeune homme. Puis, toujours sans rien dire, elle se lève pour se diriger vers la porte du petit salon où ils sont installés tous les deux. Le dos tourné à Alexander, un bruit mécanique se fait entendre. Celui d'une clef tournée dans une serrure et encore une fois Astrance se retourne pour faire le chemin en sens inverse. Et reprendre sa place dans son fauteuil, comme si de rien n'était.

-Je vois. Vous m'apparaissez comme quelqu'un de très ambitieux, monsieur Galloway. Ce n'est pas forcément pour me déplaire.

A condition qu'il sache ne pas empiéter sur ses plates bandes. Astrance tient à rester la maîtresse de son jardin, et à la sécurité des fleurs sous sa garde.

-Seulement, encore faut-il que vous ayez les moyens de vos ambitions. Vous me vendez des châteaux à Tolenca, il ne me fâcherai pas d'en profiter, mais encore faudrait-il que j'ai quelques garanties. Je suis joueuse, monsieur Galloway, mais seulement pour les jeux où je sais avoir une chance de gagner. Alors dites moi, pourquoi ? Pourquoi devrais-je miser sur votre étalon ?

21/01/2023

L'ambiance devient électrique tandis que deux azurs se croisent, se jaugent se soutiennent. Le premier acéré, brillant d'intelligence, brûlant froidement, le second franc, presque confiant, offrant comme l'ombre d'une âme dans l'étincelle bleue. Une âme comme le vent, brise facétieuse annonçant l'ouragan. Astrance York se leva subitement, élégante dans chaque instant, même alors qu'elle rompt le duel pour mettre deux tours de clés dans la serrure. Royale, elle reprend place dans un froufrou d'étoffe. Le coeur d'Alexander tambourinait dans sa poitrine et un irrépressible frisson remonta le long de son échine.

Un demi sourire étira les lèvres du jeune homme. Ambitieux, oui il l'était. Il n'allait pas s'en cacher. Il était né avec. Depuis tout petit l'ambition l'avait accompagné, pour réussir à l'école, pour réussir à l'université pour devenir capitaine, pour devenir roi. Avec le risque, elle était sa première compagne.

Mademoiselle York voulait des preuves, des certitudes, quelque chose de tangible. C'était compréhensible, lui même en aurait exigé. Une femme prudente, qui avançait ses pièces avec mesure et intelligence mais une femme qui aurait besoin de pièces justement pour avancer. Alexander s'était un peu renseigné avant de venir. Les York disposaient d'une fortune colossale, le père de famille avait fait scandale en épousant un actrice et la lignée qui était sortie de cette union échappait aux conventions. Astrance York était l'aînée, une aînée dont l'héritage serait dispersé aux quatre vents si jamais ses parents venaient à disparaître. Elle le savait probablement mieux que lui, il lui faudrait des éléments pour avancer et changer les choses, éviter à ses soeurs des noces forcées ou que savait-il encore.

Sans se départir de son calme, Alexander reprit le livre utilisé plus tôt, il en feuilleta les pages, revenant dans le passé de cette conversation au gré du papier pour s'arrêter en un point bien précis. Les esquisses de petits chevaliers, d'une sororité aux multiples facettes et d'un monsieur grognon, lui tirèrent de nouveau un sourire, presque tendre. Reportant son attention sur Astrance York, il fit glisser le livre sur la table, la base de la pyramide tournée vers elle.

"Prenez le sang le plus noble d'Alryon et divisez le par deux. Selon vous qu'est ce que cela donne ? Un prince ? ou un duc ?"

Pourquoi devait-elle miser sur lui ? Parce qu'il était l'élément qui pouvait tout faire basculer, parce qu'il pourrait être le moteur du changement, la tempête qui raserait l'ancien pour permettre à quelque chose de nouveau de naître.

"Formez-moi, apprenez-moi. Si cela échoue, sur mon honneur, il n'y aura aucune retombée sur vous ni votre famille. Si nous parvenons à faire changer les choses, Alryon ressemblera plus à ce que vous recherchez d'elle."

L'oeil unique du jeune homme continuait de soutenir celui d'Astrance York avec ce calme mutin qui lui était propre. Sur le plateau de ce pays, il pourrait être son cavalier ou son fou, tant qu'il était roi à la fin.

31/08/2022

Prince ou Duc ? Bonne question, la différence n'était souvent pas si importante que ça. Moitié du sang le plus noble, serait-ce assez bleu pour Alryon ? Astrance en doute, les bâtard.es ne sont pas vu.es avec tendresse ici. Astrance sait qu'elle se trouve à la croisée des chemins, son prochain coup, la prochaine décision qu'elle prendra changera la course de son existence, et celle de toute sa famille. Peut-être même de toute une nation.

L'homme en face d'elle veut une couronne sur sa tête. le voici qui vient réclamer, et prendre par la force s'il le faut, son héritage. Astrance ne peut que comprendre, les circonstances de leurs naissances font qu'on leur refuse leurs droits du sang.

En toute honnêteté, elle se sent saliver d'avance devant cette opportunité qui s'offre à elle. Elle pourrait facilement se tailler la part du lion, l'offre est alléchante. Mais la fille York n'est pas assez aveuglée par l'envie et l'impatience pour balayer les risques et les failles d'un revers de main.

-Pour une moitié de sang bleu, le titre dépendrait du bon vouloir du roi.

Les bâtards reconnus ne tiennent après tout leur pouvoir, leur position, que du bon vouloir de leur procréateur. Et si personne n'a jamais entendu parler d'un enfant bâtard du souverain actuel, et bien c'est certainement qu'il ne tient pas à offrir à sa progéniture une place à la cour.

-Et surtout, il faudrait que vous ayez des preuves à apporter pour soutenir un tel lineage, monsieur Galloway. Personne de censé et avec quelque chose à perdre ne suit un fou qui se jette dans le Vide.

Le jeune homme lui plaît cependant, il a quelque chose en lui qui inciterait presque Astrance à lui accorder son soutien immédiatement, sans discuter. Presque.

-Je n'ai que faire de votre honneur, monsieur. Pour autant que je sache vous n'en avez pas ou il ne vaut pas un sous. Les garanties que vous me proposez n'en sont tout simplement pas. Ne promettez jamais quelque chose que votre interlocuteur sait que vous n'êtes pas en mesure de garantir. Si je vous apporte mon aide et si vous échouez dans votre tentative, les têtes de ma famille tomberont avec la votre. La Couronne n'est pas tendre avec les traîtres et les usurpateurs. Ne vous méprenez pas, je vous prend au sérieux, monsieur. Mais l'offre que vous me faite est actuellement bien trop faiblarde et incertaine pour que j'accepte de mettre en jeu ma tête et mon nom.

21/01/2023

Astrance York demandait des preuves et c'était on peut plus légitime. Alexander ne pouvait lui en tenir rigueur. Il se serait méfié d'une personne acceptant tout sans demander de prouver les choses. Se méfiait-il moins d'elle ? Non pas vraiment. Jouer avec elle c'était jouer avec le feu, danser sur la corde raide, s'exposer à la tempête. Pourtant, il se devait de tenter. La jeune femme avait des intérêts au delà de sa seule ambition. Elle avait une famille à protéger et c'était une chose qu'il respectait.

Sans argumenter outre mesure, Alexander porta la main à l'intérieur de son veston et en sorti un mouchoir de soie blanche. Le tissu avait jauni avec le temps, conservé dans une boîte qui n'avait pas été ouverte pendant une vingtaine d'années. à la lumière des flammes qui crépitaient dans la cheminée, il tendit l'étoffe à l'aînée des York. Les armoiries de la couronne brodées de fils rouge et or semblaient flamboyer parmi les ombres dansantes. Il en était de même pour les initiales brodées en dessous : N.B.

- Vingt ans de registres et de sommes versées pour faire taire une femme vont avec ce mouchoir, dit simplement Alexander.

Il laissa Mademoiselle York contempler la preuve qu'il apportait tant qu'elle le voulait puis il reprit son bien, le glissant dans le secret de sa veste comme s'il ne l'avait jamais quitté.

- Vous avez raison, concéda-t-il. Je ne suis pas en mesure de vous offrir le pouvoir, en revanche, je peux commencer par de l'intelligence. Mon métier me fait côtoyer bien des gens, m'offre bien des contacts et, vous le savez déjà, plus la bourse est remplie, plus les secrets pèsent lourd.

C'était pour cela qu'il avait embrassé la vocation de mercenaire, pour comprendre ce monde, pour se faire des contacts, trouver des alliés, être l'indispensable invisible jusqu'au jour où toutes les pièces seraient en place sur l'échiquier du pouvoir.

31/08/2022

Astrance saisit sans dire un mot ce qui pour le moment tient plus d'un vieux chiffon qu'autre chose pour elle. Elle n'a pas l'expertise de Daphné en ce qui concerne le textile et les arts de la broderie, mais elle savait reconnaître de la soie fine quand elle en avait entre les mains. Et elle était assez versée dans l'héraldique pour reconnaître les armes qui avaient été brodées en or et carmin, Fuschia aurait certainement eu beaucoup à en dire, mais pour Astrance la plus évidente était aussi la plus importante. Il s'agissait du blason de la famille Blackwood. Et les initiales de venaient que souligner plus encore les faits. Ce bout de tissus vieilli pouvait parfaitement avoir appartenu au souverain actuel d'Alryon, Nathaniel Blackwood.

L'aînée York n'est pas assez naïve ou optimiste pour considérer le morceau de soie comme preuve irrévocable du parentage dont son hôte se revendique. Livres de comptes potentiels ou non. Mais au fond elle n'a que peu d'intérêt sur qui avait engendré le jeune homme. Ce qui lui importe c'est qu'il puisse fournir des preuves, véracité mise à part, capables de laisser le bénéfice du doute. Il y a du potentiel dans cette histoire, un vrai potentiel.

Pendant un moment, un très long moment, Astrance reste silencieuse. Une fois encore elle fixe Alexander, le détaille, le disséque de ses iris acérés. Il semble qu'elle cherche à saisir l'âme, l'essence même du jeune homme. Peut-être envisage-t-elle de lui arracher le coeur pour l'étudier sous tous les angles, le soupeser et le conserver ensuite en bocal.

Finalement elle pose le mouchoir jauni sur la table, du côté d'Alexander. Sans dire un mot, elle se resert une tasse de thé.

-Très bien, monsieur Galloway. Vous avez mon intérêt, pour le moment. Mais soyons clairs, je n'hésiterais pas à vous jeter aux griffons au moindre signe d'entourloupe. Causez- moi, et à ma famille, du tort et je peux vous garantir que vous regretterez le jour de votre conception.

21/01/2023

Les minutes s'étiraient à l'infini, une éternité aurait pu passer que cela n'aurait pas semblé différent de l'instant présent. Peut-être était-ce le cas ? Peut-être que lorsqu'ils quitteraient ce salon, le monde aurait changé, les gens auraient vieilli, Alryon serait tombée, les Cinq Cités changées à jamais ? Comme dans ces contes que l'on narrait aux enfants le soir au coin du feu ? Une minute, deux, cinq, une infinité de minutes, Alexander n'aurait pas su faire la différence, la seule preuve qu'il vivait encore était tambourinement sourd de son coeur.

L'aînée des York semblait peser son âme avec le mouchoir sur une balance mythique. Pèserait-elle moins qu'une plume ? Ou les fautes de son père viendraient-elles peser sur lui ? Alexander se sentait à la croisée des chemins. Une fois de plus, il jouait. Il misait sa vie dans un jeu qui le dépassait. Et pourtant, il persistait. Il avançait toujours, soutenant le regard de la jeune femme qui le jugeait. S'il avait pu écrire sa sincérité sur son coeur en lettres de feu, il l'aurait fait. Il se cherchait des alliés, de véritables alliés et non des alliances. La différence était de taille même s'il était peut-être le seul à la concevoir.

Un mot, une réponse, une menace et un poids s'envola de sa poitrine. Son coeur accéléra encore, grondant comme le tonnerre dans le secret de sa poitrine, annonçant l'orage. Le jour de sa conception ? Il l'avait déjà regretté milles fois. Cela avait commencé le jour où, sur le lit de mort de sa mère, il avait comprit pourquoi son regard était parfois si triste et cela ne s'était jamais arrêté. Il n'était plus à une fois près. Cependant, il garda cette pensée pour lui.

- Je vous crois, répondit-il sincèrement.

Leur causer du tort ? Jamais. La chaleur des échanges avec la cuisinière, l'étrangeté d'une grange aménagée en atelier d'inventeur, les pas feutrés d'une petite futée revenant de chiper des pâtisseries, les dessins griffonnés sur les livres, tout cet ensemble formait un tableau chaotiquement harmonieux. C'était une ode à la liberté, au changement, aux passions. Jamais Astrance ne le saurait jamais, mais s'il devait ne conserver qu'une seule lignée noble sur Alryon, ce serait cette famille. Les alliances étaient bien pour obtenir ce qu'on voulait, les alliés eux s'inscrivaient dans la durée et construisaient l'avenir. Il était certain que la jeune femme le traiterait de sentimental, probablement qu'elle n'aurait pas tort.

Un sourire étira les lèvres du lionceau d'Isvall. Des années qu'il voyageait, des années qu'il attendait, à présent il avait faim.

- Quand commençons-nous ?

31/08/2022

Les choses sont claires, parfait. Astrance n'hésiterait pas réduire en charpie le jeune homme au besoin.

-Mais nous avons déjà commencé, Monsieur Galloway. Vous voici dans la danse, vous n'en sortirez qu'une fois mort.

Astrance se réinstalle confortablement dans son fauteuil, sa tasse de thé en main.

-Maintenant, il va falloir travailler sur votre légitimité. A l'avenir un vieux mouchoir et du papier facilement falsifiable ne suffiront pas. Enfin si, pour vous mener à l'échafaud très certainement. Ensuite, il va vous falloir vous créer une force sur laquelle vous appuyez, vous devez devenir un véritable poids dans la balance. En plus de la famille York il va vous falloir des alliés au sein de la noblesse d'Alryon, et ce jour-là j'ose espérer que vous serez un peu mieux préparé qu'aujourd'hui.

La jeune femme reprend une gorgée de thé.

-Alors dites-moi, comment envisagez-vous les choses ? Avez-vous une fortune à faire valoir ? Une armée ?

21/01/2023

Le sourire d'Alexander s'élargit à la réponse d'Astrance. Il l'observa se réinstaller, attendant patiemment la suite. Cette dernière vint rapidement. La jeune femme se mettait d'ores et déjà à calculer et spéculer. Elle avait raison et son expérience était cruciale pour la suite des plans du jeune homme.

"Cela va de soi," lui répondit-il.

Il avait bien dû commencer quelque part. Manque de chance ou non, c'était tombé sur Astrance York. Aujourd'hui les choses n'étaient pas mirobolantes, il n'allait pas s'en cacher. Son but était justement de voir comment les améliorer.

"Je ne vous vendrai ni la lune, ni des armées étincelantes, je ne serai pas devant vous si j'avais à les promettre," répondit-il posément après avoir reprit une gorgée de thé. "J'ai d'ores et déjà quelques partisans sur New Cresthill, des gens qui me sont redevables et loyaux, des amis sur Isvall dont les familles seront un soutien, le reste est à créer. Je compte utiliser ma position actuelle pour rassembler d'autres soutiens à travers les Cinq Cités. Il y a suffisamment de mécontentement pour rallier des gens sous une même bannière et faire entendre notre voix."

Il marqua une pause. Il n'avait pas grand chose à fournir mais surtout pas grand chose à cacher à présent. Il avait parfaitement conscience de la faiblesse de sa position mais cela ne l'accablait pas. Il chercha le regard d'Astrance tandis qu'il posait cartes sur table.

"Je ne fais pas cela par soif de pouvoir," reprit-il. "La revanche n'est qu'un à côté. Le système actuel est injuste, ma mère en a pâti, d'autres en pâtissent encore. Je ne suis pas là pour renverser un pouvoir et crier "vive la liberté". Je suis là parce qu'il va bien falloir construire la suite, parce qu'on ne peut pas faire sauter une institution sans réfléchir à ce qu'on va mettre en place pour la remplacer. Je suis là parce que justice doit être faite et parce qu'il faudra réformer les choses si on veut qu'elles tiennent dans la durer."

Assassiner ou faire assassiner son père, il y avait pensé. Il y avait longtemps de cela déjà. L'idée était tentante mais elle ne règlerait rien. Peut-être que cela lui apporterait une maigre satisfaction puis il y aurait d'autres victimes et un engrenage de violences sans fin s'enclencherait. Ce qu'Alexander voulait, c'était une abdication, c'était les mots et la Justice rendue puis des réformes, un changement à la fois pour Alryon mais aussi pour les Cinq Cités afin que l'alliance reste vertueuse ou le redevienne. Tel était le feu qui l'animait. Il n'avait pas de choses mirobolantes à promettre. Il n'était clairement pas né pour régner, peut-être était-ce ce qui l'y rendait le plus apte. Ce n'était pas par plaisir qu'il souhaitait endosser ce rôle mais par nécessité, parce qu'il avait compris à présent que s'il se détournait de ce monde, que s'il poursuivait ses rêves personnels alors d'autres souffriraient. Il ne pouvait pas sauver tout le monde, il n'était pas idéaliste à ce point, mais il avait le devoir de tenter de faire quelque chose avec les armes qu'il avait.

L'oeil bleu du jeune homme interrogea Astrance York en face de lui. En politique, il était un enfant. Il n'avait pas à le lui cacher, après tout, elle était là pour lui apprendre.

"Vous pouvez rire de mes idées, je ne vous en voudrais pas," termina-t-il. "à vous de me dire à présent, comment feriez vous pour changer un mercenaire en prince ?"

31/08/2022

Et ben… Il est très optimiste ce garçon. Certes, Astrance ne l'aurait absolument pas cru s'il avait tenté de lui vendre monts et merveilles, griffons blancs et châteaux à Tolenca. Mais elle n'était pas contre un bilan potentiellement plus positif. Certes, il disait avoir un réseau dans les colonies, ce qui était mieux que rien, mais de quelle taille, étendue et efficacité ? Pour le moment, elle n'en sait fichtrement rien. Il va falloir un peu de temps pour déterminer tout cela correctement.

Honnêtement, Astrance se fiche un peu des motivations du jeune homme. Elle n'a pas ce luxe de faire la fine bouche là-dessus. Il est une opportunité, celle de changer fondamentalement sa situation et celle de sa famille. Une chance qu'elle n'entend pas laisser passer, pas si elles en sortent gagnantes au final. Il veut changer le système, profondément, elle est tout à fait enthousiaste à cette idée. Dans le fond s'il est assez idéaliste, ce n'est pas grave, elle est là pour veiller au grain et à l'application. C'est quelque chose qu'elle sait faire.

-Je ne vais pas rire de vos idées. Pas quand je veux moi aussi donner un coup de pied dans la fourmilière. Cependant soyons clairs sur une chose : on ne fait pas d'omelettes sans casser des oeufs. Que vous le vouliez ou non des têtes vont tomber, du sang va être versé. J'ai peur que vous ne vous attendiez à quelque chose de trop propre, mais vous allez devoir vous salir les mains. Et moi aussi.

Elle le toise encore une fois, ce lionceau qui cherche à rugir et à se faire roi. Il a du potentiel, mais en a-t-il vraiment l'étoffe ? Sera-t-il s'endurcir ? Sera-t-il renoncer à une part de ses idéaux face à la réalité ?

-De l'argent, beaucoup d'argent. Construisez vous une fortune et créez vous un réseau parmis les puissants, pour ça vous avez un bon début. Ensuite, vous avez eu le bon instinct de vouloir apprendre le langage des nobles, nous allons continuer à travailler dessus.

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