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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes

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Eglantine York
Eglantine YorkAlryon
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Profil Académie Waverly
Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyDim 29 Jan - 22:16
Printemps 145- Duché des York, Alryon


Les repas ne sont jamais quelque chose de calme dans notre foyer, avec douze enfants sous le même toit et sans encadrement particulier d'adultes responsables cela n'a rien de bien surprenant. En tous cas c'est que dit souvent Astrance dans un soupire, je ne sais pas si elle pense vraiment que dans d'autres circonstances notre sororité serait véritablement plus calme. Douze têtes folles me parait une donnée déterminante dans l'équation, mais je sais mieux que de le relever à voix haute devant notre aînée. Dans ces cas là il vaut mieux la laisser se désoler gentiment dans son coin, et je sais que si l'occasion lui étais offerte elle ne changerait rien à notre situation. Sinon elle n'aurait pas tant de sourires et de rires durant ces moments, elle ne caresserait pas tendrement les cheveux blonds de Lavande quand elle lui partage des nouvelles des écuries, alors qu'Astrance n'a jamais eu un grand intérêt dans les écuries. Elle ne s'assurerait pas auprès de Père et Mère que les nouveaux livres de botanique de Giroflée. Elle n'embrasserait pas affectueusement les genoux écorchés de Kalanchoé pour la consoler. 

-Iris ! Fais attention avec tes mains ! Tu as mis de l'argile partout sur ma robe ! Combien de fois t'ai-je dis de te laver les mains avant de venir manger ou faire un câlin ? 

Oui, enfin, presque rien. Je prend un des petits pains dans la corbeille avant qu'ils aient tous disparus, si on ne se sert pas assez vite c'est inévitable. Nous mangeons chacune à notre propre rythme, certaines plus rapides que d'autres cela dit. Belladonna et Crocus sont déjà en train de quitter la table après avoir vidé rapidement leurs assiettes, certainement des projets urgents et prenants en cours. Si Bella prend la peine de glisser deux pommes dans ses poches pour les manger plus tard dans son atelier, ce n'est pas le cas de Crocus. Elle n'aime pas apporter de la nourriture dans son domaine, par peur de tacher irrémédiablement ses fils et tissus. Elle ne s'hydrate sur place avec de l'eau et du thé uniquement parce qu'elle ne peut pas faire autrement. 

Père et Mère ne s'offusquent pas de ce manque de manière flagrant, aucun livre d'étiquette d'Alryon ne cautionerait une telle activité. Ils demandent des nouvelles de tout le monde, avec une attention un peu plus appuyée sur les plus jeunes d'entre nous. Ils n'interviennent que quand une dispute a besoin d'être calmée ou bien qu'on les sollicitent directement. Astrance reste leur interlocutrice principale, mais je ne pense pas que ça dérange qui que ce soit, cela rend même plutôt la communication beaucoup plus simple. Jasmine est d'ailleurs en train de montrer son dernier devoir annoté par son tuteur avec fierté, anticipant avec impatience les félicitations et les encouragements qui ne manqueront pas de pleuvoir. 

-Eglantine, tu sais quand Arkimedes va rentrer ? 

Fuschia, l'aînée des triplées me demande alors que j'étale une belle couche de beurre sur mon pain. Je ne lève pas les yeux, ce n'est pas la première fois qu'elle me pose cette question. Elle a déjà dû la poser à Astrance et nos parents avant de se rabattre sur moi, désireuse d'obtenir une réponse satisfaisante en dépit de la logique. 

-Non, Fuschia. Je ne sais pas. 

Je comprend Fuschia, Arkimedes est son tuteur préféré et son absence prolongée a signifié pour elle une longue privation de quelqu'un avec qui discuter de sa grande passion. Pas que je trouverai dérangeant qu'elle me raconte tout ce qu'elle veut pendant que je vaque à mes propres occupations, mais je n'ai pas le niveau nécessaire sur les sujets qu'elle aborde pour pouvoir fournir une conversation stimulante. 

Je ne sais pas ce qu'elle attendait de moi mais clairement ma réponse est une déception pour elle. 

-Il devrait déjà être rentré, non ? Dans sa dernière lettre il a bien dit qu'il serait de retour cette semaine au plus tard ? 

J'hoche la tête pour confirmer, ma bouche est pleine de pain de beurré ce serait peu agréable que je réponde dans cette situation. Et puis je veux aussi manger avant que mon plat ne soit entièrement froid. Fuschia n'a pas non plus besoin de m'entendre confirmer à voix haute ce qu'elle sait déjà parfaitement bien depuis un moment. 

-Arkimedes rentrera quand il rentrera, coupe Daphné. Ce n'est pas en posant la question toutes les heures à tout le monde que tu le feras revenir plus vite, Fuschia. Maintenant laisse Eglantine manger. 

Fuschia se renfrogne, une moue boudeuse sur le visage et sa main se resserre sur sa fourchette mais elle ne rajoute rien. Ses yeux bruns se plantent dans son assiette. Elle sera de meilleure humeur plus tard. 

Je termine mon repas après que le dessert ait été servi, un moelleux à la fleur d'oranger avec une crème fouettée à la vanille qui a confirmé mon choix d'avoir pris mon temps. 

-Je vais travailler à la grande, je dis en me levant. 

-D'accord ma chérie, amuse-toi bien. 

-Ne rentre pas trop tard et couvre toi bien, il devrait pleuvoir aujourd'hui. Il ne faudrait pas que tu attrapes la mort. 

Père et Mère m'embrassent avant de me laisser partir, Lavande est sur les épaules de Père boudant de ne pas être autorisée à monter cette après-midi à cause de la pluie tandis que d'autres de mes jeunes soeurs profitent de cette même météo pour que Mère reste avec elles pour leur faire la lecture ou bien jouer avec elles. 
Durant les froids mordant de l'hiver, quand la neige tombe si drue et est si épais tapis sur le sol que marcher en devient difficile, je me laisserai sans doute tenter par cette perspective. Passer une après-midi auprès de Mère au milieu de la chaleur de mes soeurs. Mais c'est le printemps. La terre n'est plus gelée, la pluie tombe à la place de la neige et les journées se rallongent. Alors traverser la campagne n'est pas un problème, c'est même plutôt un plaisir. Le sol est souple sous mes pieds, il n'a pas fini de boire les dernières pluies et l'air est piquant mais pas désagréable. La grange que j'occupe n'est pas loin, mais pas près non plus. Je n'ai rien contre, j'aime ces promenades quotidiennes. Parfois je prends les chemins les plus évidents, parfois je coupe à travers champs et bois. En tous cas je sais que je parcours la distance beaucoup plus vite que l'été dernier. Sans doute parce que mes jambes sont beaucoup plus longues maintenant. Elles ont poussées cet automne et hivers, tous mes vêtements sont soudainement devenus trop courts pour moi. Mes mollets et mes avants-bras exposés aux frimas. Crocus a pu adapter quelques unes de mes tenues, mais pour le reste il a fallu se rendre à l'évidence : j'ai besoin d'une nouvelle garde robe. Enfin c'est ce que disent Mère et Crocus.
Arkimedes Glaukopis
Arkimedes GlaukopisAlexandria
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyJeu 2 Fév - 14:47
Arkimedes était rentré depuis quatre jours, mais il n'avait pas encore trouvé le courage de se rendre au manoir des York. Le temps pressait pourtant, il n'était là que pour quelques jours, le temps de mettre ses affaires en ordre avant de quitter définitivement Alyron. Sa décision était récente, personne ne savait encore qu'il déménageait. Sa carrière d'historien naissante l'emmenait vers d'autres horizons, et puis le climat ne lui convenait pas: Arkimedes n'était pas arrivé depuis une semaine qu'il avait déjà attrapé un rhume abominable. L'air sec et chaud de Jhareel lui convenait beaucoup mieux.

Il n'était là que le temps d'emballer ce qu'il emmenait, de renvoyer à Kymara ce qu'il n'emmenait pas et de rendre les clés de son logement. Il avait déjà loué une chambre à destination et trouvé un petit travail de libraire là où il allait pour ne pas complètement dépendre de ses parents. Le jeune homme se consacrerait à visiter les ruines qui parsemait le désert jhareelais pour en recenser les inscriptions. Il n'y passerait pas sa vie, mais Arkimedes sentait bien qu'il avait fait son temps à Alyron. Maintenant, il allait falloir l'annoncer à celles qui restaient.

Il en était terrifié: les filles York l'avaient pris en affection, surtout la petite Fuschia, et lui-même devait bien admettre qu'il leur rendait bien. Le jeune homme avait même trouvé une amie en la personne d’Églantine, une des plus grandes, bien qu'elle soit considérablement plus jeune que lui. Si quelqu'un pouvait comprendre sa passion obsessionnelle pour les machines, c'était lui: l'objet n'était pas le même, mais l'esprit était identique. Parce qu'elle était ce qu'Arkimedes avait de plus proche d'une amie, il tenait à la voir seule d'abord. Pour cela, et aussi parce qu'elle était la seule à qui il avait ramené un cadeau de Jhareel.

Pour les autres sœurs York, il avait choisi des livres issus de sa bibliothèque personnelle, mais pour Églantine, il avait ramené cette boite longue comme l'avant-bras qu'il tentait de garder au sec sous son manteau. Elle contenait un modèle réduit de métier à tisser jhareelais donc le mécanisme, pour autant qu'il puisse en juger, lui semblait original. Cela lui semblait la moindre des choses mais Arkimedes n'était pas habitué aux adieux: même à l'intérieur de sa famille, il n'avait pas d'attaches, il avait quitté Kymara sans se retourner. Il ne s'attendait pas à s'attacher autant à cette sororité en forme de bouquet de fleurs qu'il avait connu en étant payé par leurs parents pour leur donner des cours d'histoire.

Et puis finalement il s'était assez bien intégré dans leur vie, il avait même pu visiter un peu le domaine. C'est ce qui lui avait permis ce jour là de ne pas passer par le manoir pour aller directement à la grange qui servait d'atelier à son amie. Au delà du problème du cadeau, il semblait plus simple à Arkimedes d'affronter les sœurs York une par une qu'en groupe. Toutefois, il lui apparaissait très clair, à présent que le moment fatidique s'approchait, que rien ne serait facile quelque soit son approche du problème. Le jeune homme se planta finalement devant la grange, aussi inquiet que s'il devait la soulever entière à la force des bras. Soudain à l'étroit, il passa un doigt dans son col de chemise pour respirer un peu mieux, mais la boule dans sa gorge refusait de se dissiper.

Il réalisa soudain qu'il était triste et en fut presque surpris. Il s'était tellement inquiété de la réaction des sœurs, particulièrement d’Églantine et de Fuschia, qu'il n'avait pas réfléchi à ce qu'il en pensait lui. Pris de court par cette poussée d'émotivité, il resta planté là, le nez en l'air à regarder la grange en se laissant pleuvoir dessus. Se remémorant finalement qu'il transportait des livres et un objet fragile, Arkimedes se secoua intérieurement au bout d'un moment et frappa à la porte de sa main libre. Il espérait qu'elle soit bien là, après tout il ne s'était absolument pas annoncé et n'était pas venu depuis l'automne: elle avait peut-être déplacé son atelier.

Trempé et gelé, il poussa la porte sans trop y croire, mais celle-ci s'ouvrit. N'y tenant plus, il entra pour se mettre à l'abri du vent.

"Églantine?" appela-t-il, debout dans l'encadrure de la porte. "C'est Arkimedes."

Elle n'avait pas l'air d'être là et l'endroit était trop personnel pour qu'il y prenne ses aises sans que la propriétaire des lieux soit là. Il aurait détesté que quelqu'un s'installe dans sa bibliothèque en son absence, il lui semblait plus poli de se faire tout petit. Le jeune homme allait faire demi-tour en désespoir de cause, mais une soudaine démangeaison dans la poitrine lui déclencha une quinte de toux déchirante qui secoua ses épaules et son dos jusqu'à lui faire mal. Il reprit péniblement son souffle au bout de plusieurs dizaines de secondes, vacillant, les yeux larmoyants. L'humidité ne lui réussissait vraiment pas.
Eglantine York
Eglantine YorkAlryon
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyJeu 2 Fév - 17:04
Père et Mère ont raison, la pluie commence à tomber alors que je suis encore loin de la grange. D'abord doucement, puis avec plus d'insistance, j'accélère un peu le pas malgré moi. Comme si je pouvais marcher assez vite pour esquiver les gouttes et éviter d'arriver trempée. Mon corps agit malgré moi. Je coupe à travers champ, la jachère est encore humide des dernières pluies et les herbes montent jusqu'à mon genou. ma vieille jupe et mes chausses sont aussi vite trempées que mes cheveux et ma chemise. 

Le temps que j'arrive à la grange ma tresse est lourde dans mon dos, et des mèches sont collées contre mon visage. Il va me falloir du temps pour que cela sèche, heureusement que Père a fait installer un poêle dans la grange à partir du moment où j'y ai élu domicile pour mes expériences, cela permettra d'accélérer un peu les choses. 

Je ralentis un peu mon allure, devant la porte de la grange il y a une silhouette fine et élancée. Trempée et chargée de bagages, je fronce les sourcils et continue de m'approcher curieuse de voir qui s'est perdu ici et pourquoi. Il ne me faut pas me rapprocher bien plus pour reconnaître à qui appartient tout ça. Il n'a pas tellement changé en six mois, peut-être a-t-il pris plus de couleurs depuis l'automne dernier mais sinon c'est bien le même. Je grimace devant sa violente quinte de toux qui l'empêche de relever ma présence, je ne suis plus qu'à quelques enjambées de lui désormais. 

Il faut croire que les demandes incessantes de Fuschia ont fini par le faire se manifester à nouveau chez nous. Elle va être folle de joie. Cela dit, je ne suis pas sûre de bien comprendre ce qu'il fait ici plutôt que d'être allé directement au manoir, surtout avec cette pluie.

-Arkimedes, tu t'es perdu ? 

Je demande, lui adressant la parole pour la première fois depuis six mois. Je le détaille aussi de haut en bas, trempé jusqu'aux os. 

-Rentre. Il y a de quoi faire du thé et nous sécher. 

Je n'attend pas sa réponse et ouvre juste plus grand la porte de mon domaine avant d'y entrer en premier. Père a accepté de la faire aménager selon ma convenance, et elle est bien assez grande pour que je me sois permise quelques plaisirs. Je retire mon gilet alourdi de pluie et le laisse s'égoutter sur le porte manteau que j'ai récupéré dans le grenier. Le sol n'est pas nu et encore moins couvert de paille, on y a installé un plancher en bois assez brut mais qui dénote avec les murs de la grange. Des grandes étagères chargées de documents, boîtes d'engrenages, outils et autres objets ont été aménagées aussi. Dans un coin, il a le petit poêle en fonte noirci par la suie et froid depuis sa dernière utilisation la veille. Au centre du bâtiment il y a mon dernier travail du moment : mes expérimentations pour un système automatisé pour nourrir les occupants des écuries. Je suis en train de commencer à concevoir le premier prototype pratique, pour le moment ce n'est encore qu'une carcasse de métal et d'engrenages décharnée et incomplète. 

Je sais exactement où trouver ce dont j'ai besoin, le tas de bois sec est bien fourni avec assez de vieux papiers et chiffons récupérés au manoir pour démarrer rapidement un feu. En moins de deux minutes j'ai rempli le ventre du poêle d'un copieux repas. D'un geste perfectionné durant l'hiver je fais craquer le briquet à amadou, en quelques coups rapides les étincelles naissent et embrassent la mèche. Parfait, cela devrait aller vite maintenant. Je referme la porte avec les premiers crépitements orangés des flammes avant de me relever pour sortir deux tasses et une bouilloire en étain. Les tasses finissent sur une table proche du poêle, la bouilloire reste dans ma main.

-Je sors chercher de l'eau. Je n'en ai pas pour longtemps, installe toi devant le poêle en m'attendant. Il doit y avoir des vieilles couvertures quelque part, ce sera toujours mieux que de rester trempé. 

Je sors d'un pas rapide en refermant la porte derrière moi, il y a une pompe pas très loin d'ici, en moins de cinq minutes je reviens avec la bouilloire remplie d'eau claire. L'air me paraît déjà un peu plus chaud, je pose la bouilloire sur le poêle, elle se mettra à siffler quand il sera temps de la retirer. 
 Enfin, je me pose à côté, m'enroulant dans une couverture. Elle a le parfum réconfortant de la verveine séchée et de la lavande. J'ai fait ce que j'avais à faire, je peux me poser un instant.

Je fixe Arkimedes, pas certaine de ce qui a changé ou non depuis la dernière fois. En six mois son souvenir a eu le temps de s'embrumer, les contour de son visage de s'émoussser dans ma mémoire. C'est quelqu'un de familier que j'ai en face de moi, mais je ne le retrouve pas encore pleinement. C'est étrange comme sentiment. 
-Tu as fait bon voyage ?
Arkimedes Glaukopis
Arkimedes GlaukopisAlexandria
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyMar 7 Fév - 15:30
Arkimedes essuyait encore ses yeux larmoyants quand il entendit appeler son nom derrière lui. Églantine, imperturbable, semblait à peine surprise de le trouver ici: tout juste avait-elle relevé l'étrangeté de sa présence sans même le saluer. Il fit mine de s'éclaircir la gorge pour gagner du temps avant de répondre. Malgré sa jeunesse, l’aplomb de l'adolescente la rendait intimidante et ses scrupules lui semblaient soudain le genre de sentimentalisme qu'on n'admet pas à voix haute. De toutes les façons, elle l'avait invité à entrer dans la grange sans attendre sa réponse et il la suivi à l'intérieur avec reconnaissance.

Reine en son domaine, Églantine se mit aussitôt à s'activer pour rendre son atelier plus hospitalier, en commençant par allumer un bon feu dans le poêle. Arkimedes resta un moment bras ballants au milieu de la pièce, toujours un peu sonné par la violence de sa quinte de toux. Son amie avait clairement grandit, il l'avait repéré à sa jupe un peu courte sur ses chevilles, et ses inventions avaient suivi le même chemin. En témoignait l'énorme prototype qui trônait au milieu de la pièce dans un indicible fouillis de ressorts et d'engrenages qui n'avait de sens que pour des yeux experts. Malgré tout, il se laissa un moment captiver par la machine et passa un bref moment à essayer de deviner à quoi elle servait sans grand succès.

Restait qu'il avait l'air bien sot avec son jouet mécanique: le jeune homme avait incontestablement sous estimé à quel point une jeune ingénieure peut progresser en six mois. Arkimedes se résolut finalement à lui expliquer les raisons de sa présence alors que l'adolescente se redressait, son feu allumé.

"Je ne me suis pas perdu, en réalité..." commença-t-il.

Mais à cet instant, Églantine l'enjoignit à s'installer, tout en sortant, la bouilloire à la main. C'était à se demander si elle l'avait entendu. A chaque minute qui passait, Arkimedes perdait un peu plus de courage et elle ne lui facilitait pas la tâche à s'agiter ainsi comme un oiseau-mouche. Il allait pourtant bien falloir qu'il lâche le morceau: dans quelques jours il serait définitivement partis et il ne pouvait pas décemment placer les sœurs York devant le fait accompli, Églantine la première. Il soupira alors qu'elle filait dans le printemps pluvieux et décida de lui obéir en attendant son retour. Il serait toujours temps de parler quand ils seraient installés devant un thé: le jeune homme devait bien admettre qu'il mourrait de froid.

Après avoir posé la boîte et le paquet de livre qu'il transportait sur un coin d'établi à peu près libre, il pendit son pardessus à côté du gilet d’Églantine, puis se dirigea vers le poêle. S'emparant d'une chaise, Arkimedes la rapprocha aussi près qu'il l'osa du feu et s'assit, tendant ses longs doigts gelés vers la chaleur. Il n'avait pas trop pris la pluie, son pardessus avait assez bien protégé ses vêtements et ses boucles trempées, collées à ses tempes par l'eau, sécheraient bientôt. Mais il était déjà enrhumé en arrivant et désormais sa gorge le démangeait fortement: il n'avait plus qu'à espérer que le thé le soulagerait et que la bonne chaleur sèche du feu chasserait la moiteur de la maladie.

Avant qu'il ai eu le temps de trop cogiter, Églantine était de retour avec sa bouilloire pleine, qu'elle posa sur le feu avant de s’asseoir, enveloppée dans une couverture. Même à ses attitudes, Arkimedes voyait qu'elle s'avançait à petits pas vers l'âge adulte. Un âge où elle pourrait comprendre ce qu'il avait à dire. Il inspira à nouveau, près à faire son annonce de départ, mais à nouveau, elle fut plus rapide que lui.

"Oh, comme tu sais, je suis malade en caravelle. Je ne suis pas beaucoup sortit de ma cabine. Mais Jhareel m'a fait forte impression, son histoire est très riche, il y a des vies entières de travail dans ses bibliothèques et ses archives. Et c'est sans parler de sa culture et de son artisanat. D'ailleurs, je..." le jeune homme conclu sa phrase sur un toussotement, avortant son annonce et préférant changer de sujet au dernier moment: "Je... je vois que tu as été occupée, qu'est ce que c'est que cette énorme machine?"
Eglantine York
Eglantine YorkAlryon
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyDim 12 Fév - 23:20
J'hoche la tête. Oui vu la fréquence à laquelle Arkimedes s'enrhume il n'est pas très surprenant qu'un climat plus sec et chaud lui soit préférable. Bien sûr la richesse culturelle et historique des lieux ne fait que rajouter à son attrait, je suppose. Au niveau des bibliothèques il me parait toujours un peu compliqué de rivaliser avec celle d'Alexandria, mais je reconnais que c'est un peu comparer une bergerie à un manoir. De loin ça peut se ressembler, mais la comparaison n'est pas très équitable pour autant.

Je me redresse quand il parle de mon dernier projet. C'est vrai que je l'ai commencé après son départ, il n'a pas eu l'occasion de voir les premières étapes. Je lui souris, pas trop fort mais un peu, la fierté et l'excitation viennent me réchauffer un peu la poitrine.

-C'est un prototype de distributeur de grain et de fourrage mécanique pour les écuries. J'ai terminé les plans vers la fin de l'été. J'arrive à la fin de la réalisation, dans une semaine je pense pouvoir commencer à faire les premiers tests. Si c'est assez fonctionnel, ça devrait permettre de faire gagner beaucoup de temps pour les palefreniers. J'ai aussi mis en place des réglages pour ajuster les quantités de fourrage et de grain délivré individuellement pour chaque stalle. Comme ça si un cheval a des besoins spécifiques, il n'y a pas besoin de prendre du temps supplémentaire pour s'en occuper.

Le projet avance bien, et je suis effectivement particulièrement fière de moi. J'ai beaucoup pensé à Lavande en le faisant, elle passe tellement de temps avec les chevaux et pégases. Comme ça je serai un peu plus dans son monde, même si ce que je fais ne l'intéresse pas vraiment.

-Tu voudras venir voir les premiers tests ?

Même si l'ingénierie et la mécanique ne sont pas les domaines de prédilection d'Arkimedes, il s'est toujours montré très à l'écoute et patient avec moi. Avec toutes mes sœurs aussi, je pense que c'est pour ça que nous l'apprécions autant. Il nous écoute parler de nos passions sans se montrer agacé. C'est assez rare chez les gens en dehors de notre famille.
Arkimedes Glaukopis
Arkimedes GlaukopisAlexandria
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyJeu 16 Fév - 13:14
Églantine n'eut pas l'air de remarquer que son ami avait changé de sujet au milieu de sa phrase, au grand soulagement d'Arkimedes. Elle lui exposait à présent son projet d'une voix vibrante qui lui arracha un sourire, malgré les émotions mêlées dans lesquelles il était empêtré. Quel genre de divinité d'acier et de rouage lui soufflait son inspiration? C'était un grand mystère, mais il fallait bien avouer qu’Églantine semblait bénie par un étrange dieu pour avoir des idées aussi insolites, qui semblaient pourtant parfaitement logiques une fois exposées. Cette machine à distribuer l'avoine en était un excellent exemple.

"Le tout c'est de ne pas se tromper de stalle en ramenant son cheval à l'écurie." répondit-il quand elle eut fini son exposé, amusé mais sincèrement impressionné. "C'est assez révolutionnaire je dois le dire, les palefreniers n'auront plus à s’abîmer le dos en poussant des balles de foin."

Cette parenthèse bénie où le jeune homme avait pu faire comme si de rien était fut toutefois bien vite close. Son amie l'avait évidemment invité à assister aux premiers tests de la machine: Arkimedes n'avait plus le choix, il allait devoir se mettre à table. Heureusement pour lui, la bouilloire se mit à siffler et lui offrit une seconde de répit pour mettre ses idées en ordre. Tendant son long bras, il la souleva du poêle et la maintint en l'air jusqu'à ce qu'elle cesse de hurler avant de la poser.

"Églantine, je dois être honnête." soupira-t-il, baissant les yeux sur ses doigts entrecroisés sur ses genoux. "Je ne serais plus là la semaine prochaine. J'ai eu des propositions intéressantes pour ma carrière à Jhareel, j'y ai déjà un emploi, j'ai loué une chambre. Le climat est meilleur pour ma santé, et comme tu sais c'est un facteur que je ne peux pas ignorer. Je ne suis revenu à Alyron que pour vider mon appartement et te dire au revoir, à toi et à tes sœurs."

La bombe était lâchée, mais Arkimedes était presque soulagé: il avait tellement projeté ce moment ces dernière semaines, cela lui avait pesé si lourd sur le cœur que simplement le fait de l'avoir dit était déjà libérateur. Il était toujours gêné aux entournures par cette situation, frémissant de l'envie de s'agiter et n'osant pas regarder Églantine dans les yeux. Il toussa discrètement et croisa les bras, avant de poursuivre, après un silence court, mais qui lui avait semblé insupportable.

"C'est aussi pour cela que je suis venu te voir avant. Diviser les au-revoir autant que faire se peut me semblait plus aisé. Je t'écrirais, c'est promis. Toutes les semaines, si tu veux, et à Fuschia aussi."
Eglantine York
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyLun 27 Fév - 19:20
Je souris et hoche la tête, oui c'est sûr qu'il faut toujours faire attention à quel cheval va où, mais ce n'a rien à voir avec l'effort de base je pense. Je suis contente qu'il comprenne l'intérêt aussi vite. J'ai toujours un petit frisson de plaisir et d'excitation qui traverse ma colonne vertébrale dans ces moments là. C'est en partie pour ça que j'aime autant passer du temps avec Arkimedes, je sais que nous partageons ça. Ce qui nous fait presque frissonner de plaisir alors que nous parlons de nos recherches et que l'on trouve une oreille attentive et curieuse en face. Fuschia adore ça, assiéger Arkimedes de questions et de remarques sur ses travaux.

Quelque chose dans le regard d'Arkimedes, comme une ombre ou un nuage venant passer soudainement devant le soleil. Je ne comprends pas, il n'y a aucune raison pour un changement dans son attitude, notre environnement et ses variantes sont restées les mêmes. La bouilloire siffle, un trait de vapeur s'élève dans l'air comme pour trancher dans l'espace le silence soudain entre nous. Quelque chose se tord dans mon ventre, le beurre était frais ce midi pourtant. Je fixe Arkimedes, le mouvement précautionneux et précis de son bras et de sa main avec la bouilloire. Je ne dis rien, je regarde en silence et analyse le dessin de ses muscles tendus sous sa peau pâle, le mouvement de torsion dans son poignet. Le dessin de son visage aux traits marqués et anguleux dans la lumière de l'après midi perturbé brièvement par le glissement de quelques unes de ses courtes mèches brunes devant ses yeux.

La bouilloire finit par cesser son cri d'agonie, nous restons dans un silence de mort. Je ne pense pas aimer cette atmosphère soudainement sérieusement entre nous. Je n'aime pas la façon qu'a Arkimedes d'entrelacer ses doigts sur ses genoux, les miens se serrent autour de l'ourlet de ma couverture. Ma bouche est sèche.

J'écoute. Je ne dis rien, mes yeux sont fixés un moment sur le sol. Tous les arguments présentés font sens. Même s'ils ne le faisaient pas je n'aurai rien à y redire, je ne peux pas protester face à la volonté propre d'Arkimedes. N'est ce pas ? Nerveusement je tend et détend mes orteils dans mes chaussures, le fronttement de mes bas m'ancre dans le moment. Mon ventre est habité par quelque chose de sourd et noueux, j'ai la bouche sèche et comme pleine de coton. Je ne devrais pas avoir toutes ces réactions pour ça. Arkimedes est un tuteur, il n'a jamais été question qu'il reste parmi nous de manière indéfinie. Son départ six mois plus tôt n'a pas eu cet effet, loin de là.

Je hoche la tête. Lentement, ma tête est lourde et légère à la fois, une sorte de bourdonnement bas résonne dans mon crâne.

-Je vois. Fuschia va être déçue, je prononce les mots presque mécaniquement. Est-ce que Père et Mère sont au courant ?

Certainement, ils ont du donner à Arkimedes la permission de prendre congé. Ou bien il vient aussi leur annoncer son départ dans le même mouvement d'au-revoirs.

-Une correspondance n'est pas une mauvaise idée.
Arkimedes Glaukopis
Arkimedes GlaukopisAlexandria
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyLun 6 Mar - 15:28
S'il était soulagé d'avoir enfin avoué, Arkimedes sentait tout de même la tension dans l'air. Il savait qu’Églantine mesurait sa réaction et pesait le poids de ses émotions avant de parler, c'était le moment décisif. Le jeune homme n'avait jamais été bon avec les sentiments des autres, c'était un matériaux délicat qu'il n'était pas doué à manier. Il savait qu'il ne risquait pas de réaction explosive de sa part, mais en cet instant, Arkimedes se demandait si cela n'aurait pas été préférable. Au moins aurait-il su ce qui se passait dans la tête de son amie avec certitude, mais avec Églantine, il ne verrait que ce qu'elle voudrait en montrer.

Quand elle dit enfin quelque chose, au bout d'un siècle dans la subjectivité du jeune homme, ce fut d'une voix blanche et sur des préoccupations assez pratiques. Il n'en fut que plus désorienté: il n'y avait là rien à quoi il aurait pu se raccrocher pour juger de ce qu'elle pensait vraiment. Ou bien Arkimedes avait exagéré la portée de leur amitié, après tout leur relation était surtout professionnelle et encore une fois, il n'était pas très doué pour comprendre les émotions d'autrui. Finalement son inexpérience dans le domaine des relations humaines aurait pu le tromper, et le pousser à confondre cordialité et amitié.

Une nouvelle quinte de toux le secoua, moins intense que la première mais suffisante pour lui donner l'impression de déplacer ses os fragiles. Il garda les yeux baissés, faisant mine de reprendre son souffle pour ne pas affronter le regard de l'adolescente. Arkimedes avait peur d'y voir de la tristesse, ou pire de l'indifférence. Il y avait bien peu de gens qu'il avait considéré comme ami.e dans son existence et encore moins passé le temps béni de son enfance aux cotés de Iagos. Voir que le sentiment n'était pas réciproque lui semblait pire qu'une déception amoureuse. Il répondit péniblement, s'efforçant de respirer calmement et profondément sans réveiller une nouvelle quinte de toux.

"Non, non... personne ne sait encore. Ce n'est pas comme si j'avais beaucoup d'amis hors de ces murs. Je comptais poser ma démission et l'annoncer cette après-midi."

Arkimedes trouva finalement le courage de se redresser et lever les yeux vers Églantine, qui se tenait debout là sans bouger. Il se frotta le visage pour essayer de se soulager: l'intérieur de sa tête le démangeait, signe qu'il était malade pour de bon. Finalement, il trouva en puisant dans ses réserves les forces pour faire un peu d'esprit, en lui adressant un triste sourire en coin:

"Oui, je trouve que s'écrire est une bonne idée aussi. C'est généralement comme ça que les gens éloignés par la conjoncture gardent contact. Je t'écrirais sitôt installé, pour que vous ayez mon adresse."

Le silence retomba, alors qu'il se laissait aller dans le dossier de sa chaise. Que dire de plus? Comment recoller les morceaux de l'équilibre qu'il venait de briser? Le jeune homme ne trouvait que du vain bavardage, mais cela lui semblait plus supportable que le silence.

"J'ai ramené quelques livres de ma bibliothèque personnelle pour toi et tes sœurs, même si je pense qu'ils intéresseront surtout Fuschia. Il ne faudra pas hésiter à m'écrire pour me faire part de vos questions et de vos commentaires. Il y a aussi quelque chose pour toi..."

Malgré ses efforts pour contrôler sa toux, elle explosa une dernière fois sur ces mots avant qu'il n'ai pu terminer sa phrase. Quand il pu reprendre son souffle, il voyait des étoiles. Sa poitrine lui faisait mal, il avait besoin de boire quelque chose mais n'osa pas demander. Il préféra s'éclaircir la gorge et poursuivre, d'une voix plus faible et cassée que jamais.

"C'est dans la boîte en bois, j'ai trouvé ça intéressant mais ce n'est pas grand chose."
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyMer 29 Mar - 19:38
Je sens comme un noeud, dans ma gorge, dans mon ventre, dans l'air. Je n'aime pas ça, je voudrais avoir quelque chose capable de le trancher net. Je suis incapable de faire quoique ce soit qui ménerait à ce résultat, je ne suis même pas certaine de comprendre d'où vient le problème. Je ne peux pas, la tempête va devoir rester en moi. Comme souvent.

J'aimerai protester, lui dire de ne pas partir, de rester auprès de nous. De ne pas bouleverser les jours sereins et heureux que son retour promettait. Les après-midi à discuter ou jouer à des jeux de société, avec des tasses de thé fumantes et des scones tièdes noyés dans le beurre et la confiture. Les cours où il immanquablement les anecdotes et la passion pleuvent. Pourquoi voudrait-il renoncer à tout ça ? Notre famille n'est-elle donc pas assez pour lui ? Rien de toutes ces pensées n'est raisonnable, ou même justifié. Arkimedes ne peut pas rester indéfiniment ici. Il ne s'est jamais caché de ça, ce n'était pas la fin de son voyage, il a des ambitions qui s'étendent bien plus loin. Et qui suis-je pour lui refuser cela ? Je n'ai pas le droit de le retenir. Je n'en ai aucune raison, pas plus qu'un quelconque pouvoir pour ça.

La toux d'Arkimedes reprend, me coupant dans ma spirale de réflexion. Ce n'est pas une jolie toux et elle le laisse à bout de souffle. Oui, vraiment le climat d'Alryon n'est pas bon pour lui. Trop froid, trop humide, trop éprouvant pour sa santé fragile. Rien que ça constitue un motif suffisant pour un départ.

Je sais qu'un peu d'eau ne ferait pas de mal à sa gorge, et du miel aussi je n'en ai pas à l'atelier. Je ne sucre que rarement mon thé quand je travaille ici, je le préfère corsé et brûlant. Je n'ai pas de lait sous la main non plus, Arkimedes va devoir faire sans. Je remplis une tasse du liquide fumant, l'odeur du thé noir et de la bergamote vient chatouiller mes narines, la céramique de la tasse réchauffe ma main alors que je la tends vers mon ami qui tente de récupérer tant bien que mal son souffle.

-Bois doucement, ça va te faire du bien.

Je me lève pour aller observer de plus près la fameuse boîte, peut-être trop heureuse d'avoir un objet concret pour détourner mon attention pleinement. En quelques pas je suis devant, je passe les doigts sur le bois avant d'en soulever lentement et soigneusement le couvercle. Je ne reconnais pas immédiatement l'objet soigneusement calé dans la paille et protégé par un voile de lin fin. Un métier à tisser miniature, j'en ai vu quelques gravures dans des livres spécialisés, c'est un conçu à Jhareel. Je contemple un moment la miniature soignée, l'articulation fluide de ses membres, les petits poids mis de côté dans la paille. Tout est fonctionnel je réalise vite, il ne s'agit pas d'une simple décoration, faite pour être esthétique et admirée, mais une vraie miniature, si l'envie prenait à Crocus elle pourrait sans problème créer de ses doigts fins une étoffe avec cet objet.

Un grand sourire se trace sur mes lèvres, c'est certainement un des plus beaux cadeaux que l'on ait pu me faire. Je pense aux heures que je ne vais pas manquer de passer à décprtiquer le fonctionnement précis de la chose, à voir comment tout peut fonctionner et s'agencer parfaitement à une autre échelle.

-C'est incroyable, merci Arkimedes !

Je me retourne pour lui adresser un grand sourire, prise d'un violent élan d'enthousiasme. Qui se tari bien vite devant la pâleur et le constat des difficultés à respirer d'Arkimedes.

-On devrait rentrer te mettre vraiment au chaud et au sec.
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyMar 4 Avr - 19:32
Arkimedes accepta la tasse que lui tendait son amie, avec un grand frisson de bien-être quand la chaleur de la céramique se diffusa dans ses doigts. Malgré sa bienveillance, Églantine restait complètement illisible, surtout pour quelqu'un d'aussi inapte à l'exercice que le jeune homme. Il s'efforça de se détendre un peu, s'il était crispé il serait bientôt broyé par des douleurs musculaires qui n'arrangeraient rien. La situation ne deviendrait certainement pas meilleure s'il se tenait tendu comme un arc sur sa chaise.

Il lapa quelques gorgées de thé, prudemment pour ne pas se brûler et parvint ainsi à ravaler sa toux pendant qu’Églantine portait son attention sur la boîte. Elle resta penchée dessus un moment, observant des détails qui étaient complètement invisibles aux yeux d'Arkimedes avec l’œil de l'experte. Si elle était triste, déçue, ou en colère, le jeune homme ne parvenait toujours pas à définir si c'était le cas et n'osait pas poser la question, elle avait au moins de quoi se distraire de son émotion. Il la regarda observer la machine, en se demandant si elle voyait la même poésie dans les rouages qu'il en voyait dans les anciens glyphes qui couvraient les murs des ruines.

Probablement que oui: quand l'adolescente se tourna à nouveau vers lui, elle rayonnait. Arkimedes lui rendit son sourire, prit d'une nouvelle vitalité. Qu'il soit son ami ou son ancien précepteur à ses yeux importait peu en cet instant, il eut un arrière-goût d'avant se mêlant à la bergamote dans sa bouche et il était juste content de la voir aussi joyeuse. Mais l'instant d'après, elle prit un air préoccupé: il comprit qu'il devait réellement être pitoyable à voir. Toutefois, il aurait été vraiment malhonnête de ne pas admettre qu'il mourrait d'envie de se mettre au chaud dans un endroit réellement étanche au vent.

"Je suis content que ça te plaise, j'ai eu peur que tu trouve ça ridicule." répondit-il, sans cesser de sourire, pour tenter de la rassurer. "Mais j'avoue que le confort des canapés du salon du manoir me paraît très séduisant."

Posant sa tasse sur un coin à peu près libre de l'établi le plus proche et fit mine de se lever, prudemment le temps d'estimer à quel point il était affaibli. Il devait cesser de se croire indispensable, la réaction d’Églantine était une petite leçon d'humilité et d'empathie: ce qui pouvait le blesser ne blessait pas nécessairement les autres.

"Je suis soulagé que tu prenne ça si bien." dit-il dans un semi-mensonge pour cacher sa remise en question. "Je m'étais fait une montagne de cette annonce."
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyMar 4 Avr - 23:05

-Ridicule ? C'est un cadeau incroyable ! Mieux que ce que certains de mes oncles et tantes s'entêtent à m'offrir.

Des poupées aux regards vides et morts que je ne touche jamais.Des livres de poésie mièvre dont les mots sonnent creux. Des dentelles et des satins qui se déchirent et se tachent bien trop vite et facilement. Des cadeaux qui aussi coûteux et luxueux qu'ils soient sont la preuve d'une indifférence totale, ils viennent de gens qui connaissent mon existence mais ne me connaissent pas moi. J'échangerai toute cette porcelaine fine, ce papier fin, les reliures en tissus soigné, les dentelles froufroutantes et les velours éclatant contre ce métier à tisser miniature.

Je n'ai pas prévu de parapluie, il nous faudra marcher sous la pluie jusqu'à la maison. Je rassemble rapidement mes affaires, mon pardessus n'a pas eu le temps de sécher complètement ce n'est pas grave.

Je me fige un instant, bien le prendre ? Est ce que c'est vraiment le cas alors que j'ai envie de lui hurler de ne pas partir, de rester avec nous ? Sans doute pas, mais s'effondrer ou montrer ces remoux internes ne me semble pas bien productif, à quoi bon alors ?

-Tu vas nous manquer, Arkimédes. Je lui dit sans le regarder, décrochant ma veste de là où elle est suspendue. Mais tu seras effectivement mieux à Jhareel qu'ici.

C'est simple dit comme ça. Il s'agit de la décision la plus censée et logique, je ne peux pas le nier. Mais ça ne m'empêche pas d'être profondément insatisfaite de la situation.

-Laisse le gros de tes paquets ici, tu pourras les reprendre au retour, quand on t'aura donné un parapluie ou qu'il se sera arrêté de pleuvoir.

J'attend qu'il termine de se préparer et sorte avant de fermer la porte à clef. La pluie continue de tomber sur nous alors que nous marchons ensemble, cette fois je ne prend pas les chemins en détours ou à travers champ, je suis la route de terre. Nous arrivons trempés devant les portes du manoir. Je retire mes chaussures dégoulinates d'eau et de boue dans l'antichambre. Ce n'est pas la peine de ruiner le carrelage et les tapis avec.

-Grand Ciel, Eglantine ! Ne me dis pas que tu es parties sans parapluie.Père t'avais prévenu pourtant.

Je n'ai pas le temps de répliquer, que non Père ne m'a pas dit de prendre un parapluie en sortant, juste qu'il allait pleuvoir aujourd'hui, que Belladona est sur moi en train de dégager mon visage des mèches de cheveux plaquées contre.Elle sent la thérémentine et les pastels gras.

-Si Astrance te vois comme ça elle va hurler. File te sécher et te changer avant de vraiment attraper la mort. Je vais faire préparer du…

-Arkimedes est revenu, je la coupe.

Elle se tait et je vois se regard jusque là posé sur moi se décaler vers notre précepteur qui se trouve derrière moi. Un instant de silence, puis la surprise passée elle lui sourit.

-Arkimedes ! C'est un plaisir de te revoir ! Mais toi aussi tu es trampé ! Dépêche toi de te mettre devant le feu, qu'est ce que tu es pâle.Je vais prévenir tout le monde de ton retour, et aussi te faire ammener de quoi te réchauffer.

Dans ces moments là Bella ressemble beaucoup trop à Astrance, même si ses cheveux sont aussi noirs que ceux de notre aînée son blonds, et que son regard est d'un vert éclatant là où les prunelles d'Astrance ont pris la teinte des myosotis. Si elle est occupée à parler à Arkimedes elle ne m'a pas oublié pour autant me poussant vers ma chambre.

-Dépêche toi d'aller te changer, Eglantine.

Je roule les yeux mais ne proteste pas. Je monte jusque dans ma chambre pour me défaire de mes vêtement lourds d'eau et les laisser en tas dans un coin de la pièce.Lorsque j'entre dans le salon, dans une chemise et des bas secs, Arkimedes a été installé devant le feu et entouré de couvertures.Mais aussi de la plus part de mes soeurs.Fuschia est en train de l'assaillir de questions et de remarques. C'était à prévoir.Un grand plateau débordant de tasses de thé fumantes et de scones a été laissé sur la table basse.Père et Mère ne sont pas encore là, Astrance oui par contre. Elle reste silencieuse, une tasse de thé en main impassible. Comme s'il n'y avait rien de particulier dans la situation, mais je vois quelque chose dans son regard bleu, une ombre ou un éclair je ne saurais le dire.

Astrance a toujours su sentir les choses, je me demande si elle sait déjà et se tait par politesse ou bien pour voir comment Arkimedes va réagir et gérer la situation.Notre soeur est une lionne féroce pour nous, mais comme tous les félins elle n'a rien contre un peu d'amusement cruel
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyMar 18 Avr - 15:52
Akimedes ne rebondit pas: qu’Églantine soit indifférente ou inexpressive, tout avait été dit. Il était de toute façon de moins en moins vaillant, il ne rêvait que d'être au sec et au chaud, espérant que cela ferait reculer la maladie. Le jeune homme avait sentit sa détermination vaciller, il ne lui avait fallu que quelques heures sur le sol alryonnais pour se rappeler qu'il avait ses raisons. C'était pour le mieux, se répéta-t-il en étouffant une nouvelle quinte de toux, décrochant son pardessus trempé. Il enfila le vêtement avec répulsion, frissonnant au contact de la laine mouillée et ne prit que le paquet de livres qu'il comptait offrir, se félicitant de l'avoir enveloppé dans une toile cirée.

Il ne restait plus qu'à annoncer la nouvelle au reste de la vaste sororité York et annoncer sa démission à Madame et Monsieur. Arkimedes réalisait qu'il avait réellement perdu de vue les raisons de sa présence. Il était censé travailler ici, non se faire des amis. Il lui semblait que c'était une grave faute professionnelle d'avoir perdu cela de vue. Églantine verrouilla la porte de la grange et ils traversèrent le parc en silence, à pas assez vif sous la pluie. Le jeune homme était discrètement essoufflé en arrivant, la gorge et la poitrine prise. Il laissa l'adolescente entrer en premier, reprenant son souffle et crachant discrètement avant d'entrer. Ce n'était pas une chose qu'on faisait devant des jeunes filles de bonne famille.

Églantine était accueillie dans le hall par une de ses aînées. L'esprit ralenti d'Arkimedes eut besoin d'un moment pour la replacer dans l'ordre de naissance des sœurs York et à se souvenir de son prénom. Belladone, Belladona? Il avait un doute, et préféra la saluer sans la nommer.

"Le plaisir est pour moi, c'est toujours un enchantement de me trouver parmi vous." répondit-il d'une voix enrouée.

Pendant qu’Églantine partait se changer, Arkimedes fut poussé dans le salon, installé, couvert et gratifié d'une nouvelle tasse de thé chaude. Les sœurs York parurent une par une dans la pièce, comme les fleurs s'épanouissent progressivement au printemps. Il n'eut pas l'outrecuidance de les compter, mais il lui semblait qu'elles étaient toutes là, dans un chaos mouvant qui lui fit oublier un moment sa souffrance physique. Un peu gêné par toute cette attention, il fut très reconnaissant à Fuschia, assise près de lui, d'être elle-même et de poser beaucoup de questions. Ainsi, le jeune homme occupait son esprit en lui décrivant les ruines qu'il avait pu visiter lors de son séjour à Jhareel pour oublier le regard pesant d'Astrance sur lui.

Finalement, Églantine reparu, habillée de frais. Il lui envia ses vêtements secs: en cet instant, il aurait volontiers porté une robe de jeune fille alryonnaise à condition qu'elle soit sèche. Il était temps, à présent qu'il avait mis les choses au point avec lui-même, Arkimedes était moins hésitant. Après avoir affectueusement ébouriffé les cheveux de Fuschia comme il le faisait quand elle donnait une bonne réponse, bien qu'elle lui semblait un peu grande pour cela désormais, il prit une grande inspiration sifflante. Astrance le regardait de travers et il avait un peu peur d'elle, mais il osa néanmoins prendre la parole.

"Je suis venu vous annoncer ma démission." annonça-t-il sur un ton solennel. "Ma carrière exige que je m'installe à Jhareel."

Il y eut un flottement: peut-être que l'approche raide et professionnelle du problème n'était pas idéale non plus, finalement.
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyMer 19 Avr - 17:53
-C'est quoi une démission ?

C'est Lavande qui rompt le silence, un air perplexe sur son petit visage rondelet. Avec les larges écarts d'âge dasn l'assemblée ce n'est pas surprenant qu'au moins une d'entre nous bute sur le vocabulaire. Avant qu'une des plus grandes puisse répondre à l'interrogation légitime de notre cadette à toutes, c'est Jasmine qui prend la parole.

-C'est quand le jardinier en a assez que Giroflée détruise ses plates bandes.

-Pour la trentième fois, l'emplacement et le sol étaient idéals pour l'espèce de jonquille que je voulais faire pousser. Ce n'est pas ma faute s'il était trop borné avec ses glaïeuls…

La protestation de Giroflée n'est pas exactement relevée et l'échange continu rapidement.

-Mais Arkimedes n'est pas un jardinier, relève Lavande toujours assez perplexe.

-Il veut peut-être se reconvertir, propose Jasmine.

-Tu veux devenir jardinier, Arkimedes ? interroge Kalanchoé.

-Jhareel ça semble pourtant pas le meilleur endroit pour ça, rapport à l'eau, remarque Lavande.

-En réalité c'est une méconception, Jhareel a un flore très riche en dépit de ses faibles ressources en eau. La végétation s'est adaptée avec brio aux contraintes de son milieu, si Arkimedes voulait se reconvertir en jardinier spécialisé Jhareel serait un bon point de départ, corrige Giroflée.

-Ce n'est pas le sujet, interrompt Fuschia, un air blessé sur le visage.

-C'est vrai que Giroflée n'a pas abimé les plates bandes d'Arkimedes, approuve Kalanchoé.

-Encore une fois, je n'ai rien abîmé du tout, j'ai corrigé et amélioré !

-Ce n'est pas ce qu'a dit le jardinier, relève innocemment Daphné un éclat malicieux dans les yeux.

-C'était un abruti fini.

-Giroflée, langage. Réprimande Astrance, mais sans plus s'impliquer dans la conversation.

Elle continue de siroter sa tasse de thé, son regard toujours posé sur Arkimedes. Pendant que mes soeurs continue leur petite querelle.

-Pardon, Astrance, mais c'était quand même un abruti fini.

-On ne parle pas de lui, mais d'Arkimedes, rappelle Belladonna.

-Parce qu'il veut devenir jardinier, ajoute Kalanchoé.

-Et qu'il veut le faire à Jhareel, approuve Jasmine.

-Non, coupe Bella, ce n'est pas ça du tout.

-C'est quoi alors ?

-Cela veut dire qu'Arkimedes veut partir et ne plus revenir.

La voix de Fuschia tremble comme sa lèvre et ses yeux brillent de larmes qui ne sont pas encore versées mais ne sauraient tarder à couler. Daphné passe un bras autour des épaules de Fuschia et Hortensia la serre doucement contre elle. c'était certainement à prévoir, Fuschia adore Arkimedes.
En conséquence les trois plus jeunes sont sous le choc, elles n'ont que neuf et sept ans après tout et sont elles aussi très attachées à notre tuteur d'histoire. C'est le moment que choisis Astrance pour intervenir.

-Comme tu peux le voir, tu seras regretté ici, Arkimedes. Bien entendu tu as tout nos voeux de bonne continuation et nos remerciements pour tes bons services. Les filles, est ce que vous pourriez aller voir Danièle et lui demander de préparer une tarte au citron meringuée pour ce soir ? Et aussi voir si elle n'a pas quelques pâtisseries en plus pour le thé. Et aussi si vous pouviez aller chercher Père et Mère ce serait formidable.

Je grimaçe à la mention de la tarte au citron comme dessert pour ce soir, je n'aime pas vraiment le citron. Mais il s'agit du dessert favori de Fuschia, et la promesse de sucreries supplémentaires suffit à leurrer les trois plus jeunes au dehors.Bella comprend très bien ce que notre soeur cherche à faire, elle encourage doucement nos six jeunes soeurs à sortir du petit salon, Fuschia est soutenue par Hortensia et je pene qu'elle est plus soulagée qu'autre chose d'avoir une opportunité de s'éclipser dignement avant de fondre en larmes devant tout le monde.

Je profite de l'accès désormais facilité à la table basse pour me servir une tasse de thé et saisir un scone débordant de crème et de confiture écarlate, framboise je détermine après avoir rapidement léché le bout de mon doigt. La porte du petit salon se referme laissant Astrance, Bella, les jumelles, moi-même et Arkimedes seuls.

Astrance pousse un petit son à peine audible et bref, mais que je sais reconnaaitre comme de la frustration. Elle pose sa tasse sur soucoupe meublant le silence de la pièce avec le tintement de la porcelaine et plante ensuite son regard sur notre tuteur, enfin notre ex-tuteur je devrais dire maintenant.

-C'était d'une indélicatesse monstre. Fuschia et les petites vont être inconsolables pour des semaines. Je ne te remercie pas pour ça, Arkimedes.
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyVen 5 Mai - 11:17
Les oreilles d'Arkimedes sifflaient comme après une explosion: après tout, il venait de lâcher une bombe. La confusion était totale mais il ne se sentait pas la force de comprendre ce que le jardinier des Yorks venait faire là-dedans. Il se contentait de suivre des yeux les allées et venues de la conversation, les bras ballants. Même du temps, pas si lointain, où il était leur précepteur, il n'avait jamais su préserver la discipline pendant leurs séances. Ce n'était définitivement pas maintenant que le jeune homme allait s'y mettre, la meilleure technique restait d'attendre que leur conversation se finisse.

Finalement, Belladona se chargea de faire tomber l'épée de Damoclès sur le petit groupe, non sans dramatisation. Arkimedes s'empourpra sous l'effet d'une de ses rares colères: il n'avait jamais parlé de ne jamais revenir! Essayait-elle de torturer ses petites sœurs à ses dépends? L'émotion réveilla sa toux, qu'il réprima péniblement, ce n'était sûrement pas le moment de s'étouffer en public. Mortifié, il fixait l'âtre pour tenter de cacher ses émotions: la honte, la tristesse, la colère contre lui-même et contre les autres l'asphyxiaient autant que le mal qui remplissait sa poitrine. Astrance, forte de son autorité d'aînée, chassa les trois plus jeunes, visiblement très affectées, hors de la pièce sous un prétexte quelconque. Elle se tourna ensuite vers lui.

Le jeune homme n'osa pas soutenir son regard, qu'il déplaça du feu vers le fond de sa tasse de thé presque vide. Il n'était pas du genre à montrer sa colère, mais il en ressentait pourtant: il avait fait au mieux et ce qui avait mis le feu aux poudres n'était même pas sortit de sa bouche. Prenant une grande inspiration, par la bouche, son nez s'étant bouché, il voulu répondre mais ne parvint qu'à laisser échapper la quinte de toux qu'il avait réprimée plus tôt. Mal lui en avait pris: comme pour se venger, celle-ci fut deux fois pire, pas nécessairement plus longue, mais bien plus douloureuse. Essuyant ses yeux qui coulaient avec sa manche, Arkimedes posa sa tasse vide sur la table, ayant renversé ce qui lui restait de thé sur ses genoux.

Sa respiration sifflait, il aurait eu grand besoin de s'allonger, mais ce n'était ni la première ni la dernière fois qu'il souffrait de ce genre de mal. Il ne renonçait plus depuis longtemps à ses activités sous prétexte qu'il était fiévreux et toussant, pas plus qu'il n'utiliserait ce prétexte pour se retirer face à la redoutable Astrance malgré l'envie qu'il en avait.

"Ce n'est pas moi qui ai dit que je partait pour toujours!" répondit-il, regardant alternativement les deux aînées York, sur un ton qui se voulait indigné mais qui se trouvait surtout enroué.

Sa vision se couvrait d'un voile gris, Arkimedes respirait de plus en plus mal. Il reconnaissait les signes d'un malaise mais se cramponna à sa dignité pour ajouter:

"Je serais à moins de deux semaines de caravelle, je comptais vous écrire, venir vous vo..."

Le jeune homme manqua de tomber en avant, comme piquant du nez et parvint de justesse à inverser sa chute vers l'arrière sans se cogner la tête sur la table. Il s'affala en arrière sur le dossier du divan, pestant intérieurement contre sa propre faiblesse. Voilà qu'il défaillait comme une dame corsetée trop serré. Paniqué, Arkimedes chercha le regard d’Églantine: il avait besoin que quelqu'un vienne à son secours, autant face à la maladie que face à Astrance et c'était désormais la seule alliée qu'il avait dans la pièce.
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptySam 6 Mai - 12:41
Le bref instant de calme avec le départ des sept plus jeunes de nos soeurs ne dure pas bien longtemps. Plus le temps passe plus j'ai l'impression que cette discussion vire à la querelle. Heureusement pas assez pour que la crème se mette à tourner, je constate en prennant une belle bouchée de mon scone. Le repas de ce midi m'apparait comme lointain après ces quelques heures. Le teint d'Arkimedes s'est soudainement revigoré, mais je me rappelle l'avoir vu très très rarement avec une telle teinte pourpre et je ne suis pas sûre que cela ne vienne pas exclusivement du manque d'oxygène au vu de sa toux.

Je n'aime pas le son de cette dernière, et si j'en crois la grimacesur le visage des jumelles et le froissement léger des traits d'Astrance, je ne suis pas la seule.Mais Arkimédes semble déterminé à l'ignorer et continuer malgré tout cette conversation. Personne ne lui tiendrait pourtant rigueur de partir en retraite devant Astrance, surtout avec une aussi bonne raison. Je doute que notre aînée soit particulièrement enthousiasmée à l'idée de voir notre précepteur, enfin ex-précepteur maintenant, s'étouffer dans le salon. Je jette une regard à Astrance, toujours parfaitement droite dans son siège et le visage impassible.

-Quand on pose une démission, ce n'est généralement pas pour revenir par la suite, se défend Bella.

J'ai en effet rarement vu, pour ne pas dire jamais, un.e des membres du personnel de la maison revenir pour une visite de courtoisie après avoir posé sa démission. L'ancien jardinier s'est même exclamé à plein poumons que tout l'or du monde ne le ferait pas remettre ne serait-ce qu'un orteil dans «ces jardins infernaux peuplés de gamines sauvages et en manque d'une bonne volée». Malheureusement pour lui, Père, Mère et Astrance ont bien entendus ce qu'il avait à dire, aux dernières nouvelles il n'a toujours pas retrouvé d'emploi dans une maison d'Alryon. En tous cas c'est ce que nos parents et notre soeur nous ont promis après son départ. Je ne vois pas Arkimédes faire ce genre de choses.

-Clairement la situation n'a été bien gérée par personne ici, tranche Astrance.

Bella se renfrogne un peu plus mais accepte le jugement, ou en tous cas accepte de se défendre plus tard en privé avec Astrance. Elle a toujours préféré arborré un front uni avec elle, après tout ce sont nos soeurs les plus âgées et leur différence d'âge est négligeable. Leur solidarité a la peau dure.

-Cependant, Arkimédes, il n'est pas de la meilleure des démarches d'informer de sa démission ses pupilles avant ses employeurs. Surtout quand la majorité des pupilles concernés sont aussi jeunes. Je sais bien qu'il n'y a aucune malice dans cette annonce, je suis même sincèrement heureuse pour toi que ta carrière prenne une direction aussi prometteuse.

Astrance s'est radoucie, même si elle reste ferme. Mais cela ne semble pas aider Arkimédes qui ne semble vraiment pas dans son assiette. Sa respiration ne s'est pas arrangée.

-Je considère juste que… Oh doux Cieux, Arkimédes

Je me redresse alors qu'Astrance s'exclame devant la soudaine plongée de l'historien.

-Je vais faire venir un médecin, Bella prend les devants se levant déjà pour aller faire quérir notre médecin de famille.

Astrance approuve d'un hochement de tête, moi je suis déjà auprès d'Arkimédes. Je lui prend la main et la serre, comme mes soeurs le font quand je suis malade comme un chien et que je fais de même pour elles.

-On devrait poursuivre cette conversation plus tard, je décide sans quitter mon ami des yeux.

-C'est plus que raissonnable, approuve Daphné.

-Installe toi confortablement, Arkimédes, le temps que le médecin arrive, encourage doucement Crocus.

-Ce ne devrait pas être long, assure Astrance.

En un instant la tension du départ d'Akimédes est remplacée par celle de l'inquiétude poour sa santé et son bien-être.

-Tu devrais peut(être t'allonger, je propose sa main toujours dans la mienne.

-Quand tu te sentiras assez bien, nous t'aiderons à monter dans ta chambre.

-Hors de question que nous te laissions repartir dans cet étatt.

Les jumelles soutiennent d'un même front.

Ne reste qu'à faire face à l'attente, je tiens toujours la main de mon ami en silence je ne vais pas le laisser comme ça alors qu'il ait dans le besoin. Je peux déjà faire si peu pour lui.
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyVen 12 Mai - 12:50
La reine avait tranché en sa faveur et s'était radoucie, mais Arkimedes avait en cet instant précis des préoccupations bien plus immédiates, notamment rester conscient: il avait beau être malade huit mois sur douze, il avait tout de même sa fierté. Les petites mains fraîches qu’Églantine avait posé sur la sienne dans un geste fraternel l'aidèrent à chasser le brouillard et à retrouver un semblant de composition. Le jeune homme se redressa un peu, mais il voyait toujours les visages tourner au dessus de lui et les voix des demoiselles peinaient à arriver jusqu'à lui, d'autant que comme à leur habitude, elles parlaient vite et presque en même temps.

Il secoua la tête et se frotta les yeux de sa main libre, laissant l'autre dans celle de son amie pour s'en servir comme d'une ancre.

"Non, non, je vais bien." répondit-il à la cantonade à toutes les propositions qui lui avaient été faites. "Inutile de déranger le médecin, ce sera passé dans un instant."

Cela faisait bien longtemps qu'Arkimedes avait cessé de faire confiance à la profession: aucun de ses représentants n'avait su le soulager durablement, il avait tenté les régimes les plus farfelus et les traitements les plus contraignants tout au long de son enfance et de son adolescence, mais il était toujours resté frêle et maladif. En fin de compte, il savait mieux que personne que sa santé ne reposait que sur la météo et la chance. Mais il s'était manifesté trop tard, Bella avait déjà quitté la pièce. Le médecin pourrait certainement arranger les plus gênantes manifestions de la maladie, se résigna-t-il.

Le jeune homme tapota la main d’Églantine avec gratitude avant de se dégager délicatement pour finir de se redresser. Sa respiration grinçait comme un des prototypes de la jeune fille, ou comme la reliure d'un livre trop longtemps resté fermé. Arkimedes se racla la gorge pour tenter d'éclaircir sa voix, sans trop de succès et se resservit du thé d'une main tremblante.

"Le climat d'Alryon ne me réussi vraiment pas." se justifia-t-il avant de boire quelques prudentes gorgées de thé pour reprendre d'une voix un peu plus assurée: "Je n'ai pas voulu en informer monsieur et madame York avant de vous le dire, j'ai jugé qu'il était plus droit que nous en discutions en personne. Mais je vous présente toutes mes excuses si j'ai fait preuve d'indélicatesse. Vous êtes pour moi des amies, je détesterais que nous nous quittions fâché.es."

Sa gorge le démangeait déjà d'avoir tant parlé. Il déposa prudemment sa tasse sur la table, anticipant la prochaine quinte de toux, et adressa un sourire penaud aux sœurs York restantes, espérant qu'il avait su montrer sa sincérité.
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptySam 17 Juin - 14:27
Aucune d'entre nous ne cache son scepticisme devant l'affirmation d'Arkimedes qu'il "va bien". Astrance lève un sourcil légèrement. Crocus roule ouvertement les yeux, clairement excédée que notre précepteur, enfin ex-précepteur, déclare cela alors qu'il est aussi pâle et vient de manquer de recracher ses poumons.

-Je suis à deux doigts de te choisir un linceul, Arkimedes. D'ailleurs pour le tissu, tu es plutôt lin ou coton ?

Astrance foudroie Crocus du regard.

-Crocus, ce n'est ni drôle ni aussi intelligent que tu le crois. Et très déplacé avec cela, si c'est pour faire preuve d'un tel mauvais goût je préférerais que tu te taises.

Les joues de Crocus s'enflamment et son regard se plante sur le tapis, soudain foudroyée par la honte.

-Je… Je suis désolée. C'était déplacé, pardon Arkimedes.

Personne n'a envie d'être l'objet de l'opprobre de notre aînée. Ce n'est jamais un moment agréable. Je n'aurais pas aimé être à sa place en tous cas. Mais pour le moment je suis plus concernée par Arkimedes que par mes soeurs.

Astrance secoue la tête aux dernières phrases de notre ami.

-Nous reprendrons cette conversation plus tard si tu le souhaites. Mais ne doute pas que nos réactions viennent d'ailleurs qu'un profond attachement pour toi, Arkimedes. Il me semble que nous avons tous et toutes fait preuve de maladresse déplorable dans la gestion de cette situation.

J'ai l'impression que l'atmosphère est plus détendue désormais, comme si les mots qui devaient être dits et entendus l'avaient enfin été. Il pleut toujours dehors, mais j'ai comme l'impression de sentir les rayons d'une éclaircie sur ma peau.

Le médecin arrive moins d'une heure plus tard, Astrance nous fait sortir de la pièce pour laisser de l'intimité durant le temps de la consultation. Le verdict tombe sans grande surprise : plusieurs jours de repos au lit pour l'historien. Pas de voyage dans l'immédiat pour lui, juste du repos, des oreillers, de la chaleur et beaucoup de boissons chaudes.

J'ai une petite satisfction coupable de savoir que je gagne quelques jours avec mon ami avant de le voir disparaître pour longtemps au delà des cieux de notre domaine.
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyMar 11 Juil - 18:04
Heureusement pour lui, la tempête Astrance avait vite été poussée au loin par les vents. Arkimedes aurait voulu rire au trait d'esprit de Crocus, mais il sentait bien que ça lui aurait coûté de trop précieuses respirations.

"Coton, le lin se froisse trop facilement." avait-il répondu d'une toute petite voix, bien trop bas pour que les sœurs l'entende. On ne vivait pas si longtemps avec une santé si fragile sans développer un certain détachement face à ce genre de questions.

Une fois de plus, Astrance eu le dernier mot, concluant la conversation et apaisant l'ambiance. Enfin rassuré, l'historien ne put s'empêcher de sombrer dans une somnolence qui tenait plus de la semi-inconscience que du repos réparateur, écoutant d'une oreille des conversations qui continuaient autour de lui. Il aimait cette ambiance, frémissante et calme, de famille heureuse. Ce n'était pas quelque chose qu'il aurait pu avoir chez lui, Arkimedes ne se rappelait même pas la dernière fois qu'il s'était trouvé dans la même pièce que les siens réunis au complet sans qu'on ne parle de politique, de mariage ou de commerce.

L'arrivée du médecin le tira de sa torpeur. Le jeune homme était réticent: jamais personne de cette profession n'avait réussi à faire mieux que de le soulager un bref moment. La maladie revenait toujours et elle était sans cesse pire, mais il ne se voyait pas annoncer cela à ses amies. Arkimedes accepta donc de se plier aux examens du praticien d'assez mauvais gré, principalement pour rassurer les sœurs York. Après avoir soigneusement ignoré tout ce que le médecin pensait de son état et ses conseils qu'il avait déjà entendu mille fois dans la bouche de ses confrères et consœurs, le jeune homme eut finalement le droit de remettre sa chemise.

Il entendit le médecin répéter scrupuleusement ses prescriptions dans la pièce d'à côté, il n'y couperait donc pas. Si ça n'avait tenu qu'à lui, il n'aurait rien changé à ses plans: de toute manière, il était malade en caravelle, alors un peu plus ou un peu moins! Mais d'un autre côté, ce n'était peut-être pas plus mal. C'était l'occasion de rendre son départ un peu moins brutal, et de profiter de la compagnie d’Églantine encore quelques jours. Ce ne serait certes pas dans les meilleures conditions et décaler son voyage n'irait pas sans quelques ennuis logistiques, mais au fond, Arkimedes voyait bien que cette aggravation dans son état avait quelque chose d'assez providentiel.

Quoi qu'il en soit, il ne fit pas beaucoup de difficultés quand il eu l'occasion de se coucher. Le jeune homme se laissa couler avec délice dans ses oreilles, enfin réchauffé par l'épais édredon et s'endormit presque aussitôt, épuisé tant par sa bronchite que par les émotions de la journée. Toutefois, il eut l'impression d'avoir à peine fermé les yeux quand il se réveilla, désorienté, la bouche sèche. Il faisait déjà nuit dehors mais il ne parvenait pas à déterminer l'heure et la soif le tenaillait. N'osant pas appeler, Arkimedes se leva non sans peine pour tenter de trouver à boire et s'aventura dans le couloir, se tenant au mur pour assurer son équilibre.
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyVen 21 Juil - 13:30
Le médecin finit par arriver, le diagnostic par tomber sans surprise, et Arkimedes par être envoyé au lit. A partir de là, impossible pour nous de rester avec lui, «repos obligatoire» «besoin de calme». Nous sommes donc toutes les douze interdites formellement de nous approcher de la chambre. Mais on peut dire que notre précepteur continue de briller par spn absence durant le reste de la journée, puis de la soirée. Il est le sujet de presque toutes les conversations. Au repas Mère convient qu'elle et Père discuteront avec lui avant son départ, lorsqu'il sera suffisamment remis.

Les heures passent et ne reviennent pas. La nuit est tombée, Lavande s'est endormie dans les jupes d'Astrance sa peluche de pégase préférée serrée contre son petit torse alors que notre aînée lisait tranquilement. Père joue avec Jasmine aux échecs, Kalanchoé vient régulièrement lui glisser quelques mots à l'oreille en murmurant. Des conseils de jeu ? Des questions sur son prochain coup ? Belladonna est partie se retirer dans son atelier, un projet qu'elle veut finir le plus vite possible apparemment. Mère tresse les cheveux d'Iris pendant que Fuschia leur fait la lecture du dernier roman à la mode. Daphné joue au clavecin, Crocus brode, Giroflée et Hortensia jouent aux cartes allongées sur le tapis. Une soirée normale qui se termine en douceur alors que nous échangeons tous et toutes nos voeux de bonne nuit. Père et Mère nous embrassent chacune notre tour, dans l'ordre d'aînesse comme toujours. Astrance réveille Lavande et la guide jusqu'à sa chambre alors qu'elle est encore à moitié endormie.

J'ai moi aussi rejoint ma chambre, une bougie brûle encore sur ma table de chevet. Je regarde sa lumière vaciller et danser doucement, j'aime beaucoup faire ça avant de dormir. J'ai l'impression que cela m'aide à démêler mes pensées et me détendre, comme le fait de frotter entre mon pouce et mon index un bout de mes draps. Dans ma tête il y a des engrenages qui tournent, des mécanismes qui se décomposent et s'assemblent. Les plus petits mouvements, les plus infimes interactions se jouent et se rejouent dans un ballet incessant. Je cligne les yeux, un instant. Le ballet continue de tourner, un manège coloré et complexe. Je dois dormir un moment, lorsque je rouvre les yeux un instant plus tard je suis dans le noir. La bougie est consumée et froide sur ma table de chevet.

J'ai soif, et un peu faim aussi. Les fringales nocturnes sont devenues une habitude ces derniers mois, c'est presque comme si j'avais toujours faim. Mère dit que c'est parce que je pousse comme une mauvaise herbe. Je me lève, m'enroule dans ma robe de chambre, les nuits de printemps sont encore fraîches et je sors de ma chambre sur la pointe des pieds. Je dois pouvoir trouver facilement quelque chose à grignotter en cuisine. De préférence qui ne soit pas au citron, yerk.

Les couloirs du manoir sont vides et silencieux, j'ai un peu l'impression d'être un fantome. Il paraît que nous avons une arrière-grande-tante qui est toujours parmis nous. Ca et un brownie dans les cuisines qui raffole du lait aux épices et des crèmes aux oeufs, je le comprend qui n'aime pas ça ? Père dit aussi que la famille York a sa propre banshee, pour l'arrière-grande-tante squatteuse et le brownie gourmand, je veux bien ce sont des choses qui m'apparaissent totalement raisonnable mais la banshee j'ai plus de mal. Il est clair que comme de nombreuses anciennes familles d'Alryon nous avons notre lot de fantômes et de choses liées aux pierres de nos demeures ancestrales. Mais un héraut du trépas qui se déplacerait spécifiquement pour nous afin de prévenir du malheur à suivre. Je ne sais pas.

Il me faut un moment pour remarquer ce qui ne va pas dans le couloir tant je suis absorbée par mes considérations autours de notre potentielle banshee. Puis je vois la forme indéfinie et comme enveloppée d'un drap, elle est lente et avance evant moi doucement. Comme si elle craignait de s'évaporer au moindre mouvement un peu trop brusque, au prochain courant d'air un peu trop prononcé.

-Grande-tante Jézébel ? C'est vous ?

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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyMer 26 Juil - 17:15
Il faisait très sombre et Arkimedes, en plus d'être toujours un peu assommé par la fièvre, n'était pas venu depuis un moment. Il peinait à trouver ses repères, malgré le guide que lui offrait le mur. Pour ne rien arranger, il était tellement désorienté quand on l'avait emmené se coucher qu'il n'était pas sûr de la chambre dans laquelle on l'avait installé: le jeune homme ne pouvait pas jurer qu'il marchait bien vers l'escalier et non vers le fond d'un couloir quelconque. Il lui semblait bien entendre quelque chose au fond du corridor, mais de la même manière, cela aurait aussi bien pu être une illusion provoquée par ses acouphènes et ne constituait pas, de toute manière, un point de repère.

Arkimedes distingua bientôt une petite silhouette fantomatique, qu'il reconnu bientôt à sa voix. Ce n'était pas lui, toutefois, qu’Églantine saluait. Monsieur York lui avait déjà raconté l'histoire de la grande-tante Jézébel. Tout esprit rationnel qu'il soit, le jeune historien était prêt à gober n'importe quoi à cet instant, dans le noir, fragilisé par la maladie et déjà un peu délirant de fièvre. Il se retourna vivement, pour faire face au fantôme qui se trouvait vraisemblablement derrière lui. Le mouvement lui fit tourner la tête, d'autant qu'il avait se faisant perdu son appui contre le mur.

Le jeune homme se rattrapa in-extremis, alors qu'il vacillait dangereusement, comme un trop grand arbre dans le vent, bousculant une toile au mur qui se mit à se balancer de gauche à droite dans un chuintement inquiétant. Le couloir était vide et le silence revint alors que le mouvement du tableau perdait en puissance. Arkimedes n'entendait plus que les battements de son cœur affolé. Alors il se tourna à nouveau vers Églantine, avec bien plus de prudence que la première fois, rajustant sa couverture qu'il avait machinalement drapée autour de lui comme un himation kymarais en sortant de sa chambre. Il fit un petit pas prudent vers Églantine et lui demanda d'une voix très basse, rauque de soif:

"Elle est partie?"
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyVen 4 Aoû - 23:53
Au son de ma voix Grande-tante Jézébel sursaute et se retourne. Je ne pensais pas les fantômes peureux, je ne voulais pas lui faire peur non plus. J'ai cru que la mort et l'errance éternelle vous blasez un peu de tout. Il faut croire que j'ai eu tort.
C'est quand Grande-tante Jézébel donne l'impression de s'être prise les pieds dans son lincueil que je comprends que j'ai peut-être fait une erreur. Et que ce n'est sans doute pas notre arrière-grande-tante ayant un faible pour le porto, les cigares tolenciens et le fait «d'emmerder tout le monde même depuis sa tombe», comme dit Père, que j'ai devant moi.

Après tout, les fantômes n'ont aucune raison de se prendre les pieds dans leurs linceuls. Iels flottent et sont immatériels. Simple question de bon sens.

Le portrait de Blaise York, mon arrière-arrière grand cousin, et de son épouse Catherine York née Smith, ainsi que de son meilleur ami et confident Georges Williams avec qui il était apparemment inséparables, balance comme un pendule contre le mur. Je me demande un instant s'il ne va pas finir au sol, ce serait fâcheux. Surtout pour Blaise, Catherine et Georges. Cela dit, ils sont mort.es depuis un sacré paquet de temps. Et à la lueur de ma bougie, je reconnais que mon fantôme qui n'en est pas un, n'est pas en fait l'arrière-grande-tante Jézébel mais Arkimes. Ah, et ce n'est pas un linceul mais une couette, bien rembourrée.

Je penche la tête sur le côté, je réfléchis un instant à sa question.

-Techniquement, comme c'est un fantôme elle n'est jamais vraiment partie.

Cela dit ce n'est peut-être pas ce que demande vraiment Arkimedes.

-Mais non, elle n'est pas avec nous maintenant. Enfin je ne crois pas.

Il y aurait certainement plus de chance si nous étions en présence de porto ou de cigares tolenciens.

-J'ai faim. Tu viens avec moi aux cuisines ?

A cette heure-ci, les cuisines sont vides et désertes. Les ustensiles et casseroles en tout genre sont rangées soigneusement, l'âtre est éteint mais encore chaud. Je pose ma bougie sur la table et commence à fouiller pour sortir une jatte de lait, une demi-miche de pain encore fraîche. J'ai l'agréable surprise de trouver les restes d'une shepherd pie, et la moins bonne de constater qu'il ne semble y avoir que des restes de moelleux au citron avec son glaçage au sucre pour le dessert. Je grimace mais décide d'en tirer le plus. Je coupe une part généreuse que je place dans une écuelle que je recouvre ensuite de lait.

-Pour le brownie, il aime les choses sucrées.

Et ça fera moins de gâteau au citron pour demain, et plus vite quelque chose que j'aime plus sur notre table.
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyMar 15 Aoû - 14:32
Le calme d’Églantine était comme toujours, déconcertant, mais Arkimedes commençait à se rappeler qu'il ne croyait pas aux fantômes et sa réaction de lutte ou de fuite s'apaisait lentement. Il avait même la désagréable impression qu'il pouvait être, de dos, confondu avec le spectre d'une vieille femme acariâtre sentant le tabac froid, ce qui lui démangeait un peu l'ego. Toutefois, sur l'instant, il ne releva pas et opina vivement du chef quand la jeune fille lui proposa de le suivre aux cuisines. C'était sûrement là qu'il avait le plus de chances de trouver le grand verre d'eau glacée dont il mourrait d'envie.

Arkimedes, toujours drapé dans son himaton rembourré, suivi son amie à travers les couloirs jusqu'à la cuisine. Le carrelage du sol y était si froid que s'en était presque douloureux. Aussi, alors qu’Églantine était occupée à fouiller les rangements, il tira un tabouret près de l'âtre et posa les deux pieds sur la pierre encore chaude. Il en avait presque oublié la terrible soif qui l'avait sorti du lit.

"Est-ce qu'il y a de l'eau quelque part?" chuinta-t-il en observant, sans comprendre, Églantine qui versait une généreuse mesure de lait sur une part de gâteau. L'explication qu'elle donna à son geste le laissa encore plus perplexe. Pourquoi offrir une part de moelleux au citron à un fondant au chocolat? Il ajouta donc, perplexe: "Un brownie?"

Rajustant une fois de plus la couverture sur son épaule, le jeune historien pressa un peu plus fermement ses pieds glacés sur la pierre chaude de l'âtre. Il appréciait ce moment informel et réconfortant en compagnie de son amie, malgré ses orteils froids, la fièvre qui lui tournait la tête et le comportement étrange d’Églantine, qui faisait, après tout, partie des raisons pour lesquels il appréciait sa compagnie. Toutefois, une question lui brûlait les lèvres:

"Dis moi la vérité, Églantine." commença-t-il, hésitant. "Est ce que je ressemble vraiment à ta grande-tante Jézébel, de dos?"
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptyDim 3 Sep - 0:07
Je hoche la tête en entendant la demande d'Arkimedes dans sa voix rauque. Je laisse le bol sur le rebord d'une fenêtre et vient lui apporter une cruche d'eau ainsi qu'un verre.

-Oui. Le brownie. Celui du manoire, apparemment il est là depuis qu'il a été habité. La banshee par contre elle vient directement des York. Comme quoi la famille ducale avant nous en avait une autre. Bizarre qu'on change de banshee mais pas de brownie.

Je repars chercher de quoi manger et revient avec les restes de la shepherd's pie dans une assiette. Je m'installe devant l'âtre, pour profiter de la chaleur des flammes qui viennent chasser la fraîcheur de la nuit.

Je regarde un instant Arkimedes, totalement surprise par sa question. Je ne m'attendais pas à ça et je ne comprend pas d'où elle sort.

-Franchement, je n'en sais rien. Elle est morte longtemps avant ma naissance, je l'ai jamais vue. Pas vivante en tous cas.

Je réfléchis un instant.

-Si tu veux vraiment savoir, Père devrais pouvoir te répondre. Elle était encore vivante quand il était enfant.

Je commence à manger avec appétit les restes froids mais délicieux. J'ai tout le temps faim en ce moment.

-Après je crois que tu ressembles surtout à mon arrière cousin, Bartholomé. Lui par contre il est mort longtemps avant grande-tante Jézébel. On a un portrait de lui dans un des halls. Par contre il aimait un peu trop le gin, apparemment. Il s'est noyé dans le puit du jardin.
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptySam 16 Sep - 16:55
Dans le cœur battant de la nuit, alors que la situation était déjà si peu protocolaire, Arkimedes ne s'embarrassa pas du verre fourni par son amie. Il se précipita pour boire à même la cruche, engloutissant à grandes gorgées l'eau si froide qu'il pouvait presque sentir la vapeur qu'elle produisait au contact de sa fièvre. Il avait écouté sans vraiment l'entendre le discours d’Églantine sur les esprits du foyer et de la maison, mais sa dernière phrase eu au moins l'avantage de faire remonter à la surface son esprit d'historien, nécessairement un peu anthropologue.

"Pourtant, ça fait parfaitement sens. Les deux esprits restent indéfectiblement liés à leur fonction." expliqua-t-il d'une voix toujours éraillée mais ayant récupéré une partie de sa rigueur professorale, avant d'ajouter, marmonnant dans sa barbe et vaguement divaguant: "Parfaitement logique. Parfaitement logique."

Il replongea le nez dans la cruche pour avaler une nouvelle grande lampée d'eau alors qu’Églantine venait s'asseoir près de lui devant la cheminée, grignotant un obscure reste de nourriture. On ne grandit pas jusqu'à toiser six pieds et demi sans être passé par de sévères et répétées poussées de croissances, Arkimedes comprenait mieux que quiconque la fringale nocturne de l'adolescente. La conversation repassa bien vite des esprits domestiques et familiaux à la grande-tante Jézébel, la vedette de leur petite sauterie informelle.

"Il n'empêche que tu as réussi à me confondre avec son fantôme, dans le couloir." répondit-il, feignant de ronchonner, entre deux gorgées d'eau. "Mais je crois que je vois de quel portrait tu parles, celui de ce Bartholomé. A l'étage dans l'aile gauche, pas vrai?"

Il était déjà passé devant, effectivement, qu'est ce qui ressemble plus à un grand échalas au teint cireux à cause de la maladie qu'un grand échalas au teint cireux à cause de l'alcool? Cela restait plus flatteur que la grande-tante, Bartholomé avait beau être manifestement un peu cabossé par l'alcool, malgré les embellissements qu'avait dû faire le peintre sur son portrait, il était raisonnablement séduisant au goût d'Arkimedes.

Il laissa le silence retomber un moment, alors qu'un souvenir remontait à la surface de son esprit. Comme le goût d'une pâtisserie qui réveille soudainement le fantôme de l'enfance, le froid de la cuisine contrastant avec la chaleur des braises dormantes, les restes du dîner grignotés en cachette, la conversation comme seule lumière dans l'obscurité rappelaient à Arkimedes deux petits garçons qui aimaient à se promener nuitamment dans la maison.

"Tout cela me rappelle mon enfance. J'ai grandit avec un autre petit garçon, un cousin." commença-t-il, simplifiant volontairement ses liens de parenté avec Iagos pour épargner de longues et fastidieuses explications généalogiques à son amie. "La nuit, on se glissait souvent dans la cuisine. Chez mes parents, il faut traverser un portique pour y aller, et il y fait souvent très sombre. On courait toujours à cet endroit, on était persuadés que des serpents s'y cachaient et allaient nous croquer les chevilles."

Il était si léger, alors. Courir n'était pas encore une souffrance.
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Learn to say goodbye [Alryon] ft Arkimedes EmptySam 30 Sep - 23:43
Je ne suis toujours pas sûre de voir en quoi une banshee est aussi logique qu'un brownie.

Je hausse les épaules en l'entendant remarquer que j'ai réussi à le confondre avec grande-tante Jezebel. Il a beau dire, il n'est pas dans un si bon état pour que je sois particulièrement fautive de le prendre pour un non-vivant.

-On dit que la nuit tous les chats sont gris.

Je n'en dis pas plus remettant mon nez dans mon assiette. J'ai tellement faim, je doute de laisser quoique ce soit de ces restes. Et j'aurais certainement encore un appétit d'ogre au lever. Est-ce-qu'on aurait remplacé mon estomac par un trou sans fond ? Je pourrais sérieusement commencer à me poser la question.
Je hoche la tête.

-Oui, c'est bien ce portrait.

Il doit y avoir quelque part dans un des coffres ou placard du manoir son masque funéraire aussi. Je sais que Père garde ceux de ses parents et de sa tante préférée dans son étude. Il me les a montré une fois. J'ai détesté ça mais je ne lui ai rien dit, il avait un regard trop loin pour qu'il puisse entendre quoique ce soit de ma part de toute façon. Est ce que Astrance fera de même un jour ? Est-ce que ceux de mes grands-parents iront alors prendre la poussière oubliés comme le reste ?

Le feu crépite doucement dans la nuit, nous réchauffant petit à petit. C'est agréable la pierre chaude sous mes fesses. J'écoute la voix d'Arkimedes qui vient rompre le silence et couvrir le crépitement des braises.

Je cligne des yeux un moment, soudainement frappée d'une réalisation rudimentaire mais brutale. Arkimedes Glaukopis a été un enfant. Il n'est pas sorti de la terre du bloc de Kymara adulte et complet.

C'est vrai qu'Arkimedes a eu une vie avant de venir ici. Des parents, des adelphes, une maison qui n'était pas la nôtre. Je n'y avais pas pensé avant. Est ce que la sienne était-elle aussi pleine de fantômes et de rires ? Est ce que que ça ne lui a pas brisé le coeur que de quitter tout cela ?

Ce n'est pas la première fois qu'il dit au revoir. La révélation me percute comme une balle lancée par Giroflée.

Mes doigts se resserrent sur mon écuelle, si fort que leurs jointures en deviennent blanches. J'ai mal, mais mon corps est en parfaite santé. Ma gorge se serre et j'ai les yeux qui brûlent. Je ne peux pas décrire, je ne peux pas comprendre le cumulo nimbus d'émotions qui vient m'engloutir. C'est tellement fort que c'est comme si j'étais anesthésiée.

-Ta maison ne te manque pas ?

Les mots sortent presque trop bas pour être tendus, sans que j'ai prévu de les prononcer sans même que je suis sûre de les avoir pensés.
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