Ma chère Saga,
Je suis soulagé pour vous deux et ravi de voir que ton oursonne est aussi robuste que toi, bien que je n'en doutais pas une seule seconde. Je suis heureux que ces confiseries vous aient plu, leur forme florale me rappelait les bonbons au miel de nos contrées.
Inattendu et subversif, ce sont de justes mots. Je ne m'attendais pas à de tels évènements mais permets moi de te les conter.
J'eus en premier lieu l'excellente surprise de retrouver la famille York sur place, tu sais à quel point cette étonnante sororité m'est chère, aussi nous nous installâmes ensemble pour assister à la représentation. Tout était fort agréable, du jeu des acteurs au confort acoustique de la salle. La représentation se déroulait à la perfection jusqu'au moment où le rideau se leva sur ce bien étrange troisième acte où des arbalétriers tenaient en joue les spectateurs tandis que leur chef dénonçait le système colonialiste. Si sur le fond son propos avait quelque pertinence, j'en exécrai la forme. Il y avait dans cette salle des innocents, des gens ordinaires qui avaient acquis leur place au pris de leur labeur quotidien, des familles venues se divertir sans distinction de classe.
Le duc York nous somma de sortir de la loge pour mettre ses filles en lieu sûr. Nous nous exécutâmes en dépit de la cohue et de la panique mais l'entrée du théâtre était elle aussi bien gardée. J'optai alors de mener notre groupe par une porte de service, espérant trouver une issue pour que les demoiselles York et leurs deux autres invités, un érudit kymarais et une jeune inconnue dont les réflexes me portent à penser qu'elle travaille à bord d'une caravelle, afin que tous puissent sortir d'ici en toute sécurité. Sur le chemin, nous nous armâmes à l'aide de ce que nous pouvions trouver. Il fallut démonter quelques chaises pour s'en faire des armes mais c'était mieux que rien.
Ainsi équipés, nous poursuivîmes notre chemin en coulisse jusqu'à un patio, lui aussi gardé. Notre compagnie improvisée se répartit en deux groupes et je salue le courage des demoiselles York qui surent mettre hors d'état de nuire une sentinelle alors que l'une des gardes de la princesse de Jahreel se chargeait de la seconde. De mon côté, je pris le chemin des coulisses, me faufilant avec le reste de la sororité et leurs invités. Nous trouvâmes derrière la scène une escouade, armée elle aussi, et nous convînmes d'un plan afin de mettre l'ennemi en déroute.
Face au nombre d'adversaire et au danger de leurs armes, nous choisîmes d'user de la ruse et de la multitude d'éléments que nous offrait le théâtre. C'est ainsi qu'éteignant les lumières et jouant de la musique tandis qu'une autre portion de notre escouade se chargeait de faire voir des apparitions à l'ennemi, nous le poussâmes à se séparer, nous permettant ainsi de les mettre un à un hors d'état de nuire.
Alors que nous menions notre offensive, de l'autre côté de la scène, un jeune homme et sa compagne firent preuve d'un courage remarquable, bravant les carreaux pour faire tomber le rideau de kabuki sur les preneurs d'otage. Cette confusion permit de mettre fin à ce malheureux acte et de libérer les artistes faits prisonniers. Hélas, malgré nos efforts, l'instigateur de cette sombre comédie est parvenu à s'enfuir, ne laissant derrière lui qu'un masque de papier.
Le jeune homme ayant fait tomber le rideau fut blessé dans l'entreprise mais rien qui ne saurait guérir ; il n'y eut heureusement aucun autre drame à déplorer et nous célébrâmes cette victoire bien qu'elle me fut douce amère car je n'ai pu mettre la main sur le chef des preneurs d'otage.
Ainsi s'achève cet acte trois des plus original. Il y eut bien des fantômes mais nés de l'inventivité de jeunes gens prometteurs et l'on compta plus de victimes parmi les assaillants qu'au sein des assaillis.
Je n'eus hélas pas le loisir d'assister à la bravoure du jeune empereur, ni à celle de la princesse de Jahreel mais leur verve nous accorda le temps nécessaire pour intervenir. Toutefois, avant la représentation, je pris l'initiative de saluer son Altesse Impériale
(il est possible que j'ai évoqué un certain clan de Fey, pardon j'ai recommencé) et j'eus le loisir d'observer son comportement vis à vis des gens du peuple. Je dois avouer qu'il m'a surpris et cela ne fut pas pour me déplaire.
J'espère que le récit des évènements t'apportera quelques éclaircissements concernant la situation au Fujikonawa. Pour ma part, je vais prendre mon envol pour un bloc non loin de la colonie, j'y ai quelques affaires à y régler et, qui sait, peut-être aurais-je une nouvelle aventure à te conter.
Prends soin de toi et embrasse ton oursonne pour moi,
Avec toute mon affection,
Alecjänder