À la taverne Dear Escanor - 156

Recommandé par un aimable passant à Escanor pour ses plats délicieux, la taverne Dear Escanor attire sa curiosité. D'autant plus que son guide a dit que sa présence sera plus que bienvenue. Bien qu'il se doute qu'elle est probablement dédié à lui, il espère que c'est simplement un homonyme. La curiosité l'a emporté sur la crainte de découvrir une taverne entièrement dédiée à sa personne. Quels bons plats seraient associés à son propre prénom ?

Ses pas l'ont menés, selon les indications du passant, à l'entrée de la bâtisse. Le New Cresthillois examine les signes possibles pouvant confirmer ses craintes. L'enseigne, proprement calligraphiée, signe de l'alphabétisation du propriétaire et le menus affichés sur une ardoise de graphite à l'entrée ne l'alertent pas. Au contraire. Il adore l'utilisation des noms des vents pour nommer chaque propositions culinaires du chef.

I N C R O Y A B L E ! La taverne est même équipée qu'un four solaire qui utilise l'énergie des deux soleils pour cuire la majorité des plats. Quelle invention formidable ! Il décide d'entrer à l'intérieur pour manger tranquillement. Son coeur rate subitement un battement. L'intérieur lui est entièrement consacré au champion New Cresthillois Escanor et son griffon Alizée. Des titres de presse découpés au moindre détail des chopes.

Son seul espoir de manger tranquillement : le fait qu'il y ait des erreurs dans la peinture de sa physionomie. Il n'y croit guère. Si on lui demande, il s'appelle Aloysius Eventide. Pas Escanor. C'est le prénom de son grand-père et aussi son deuxième prénom.

Rosalie comme tous les matins s'était levée avant le soleil et après un brin de toilette était allée travailler. Elle s'était faite une place chez un cordonnier Arlyonais qui lui faisait cirer les chaussures et raccommoder les boutons sur les bottes de ses clients. L'avantage c'est qu'il était pas loin de la chambre de bonne ou elle séjournait et qu'elle n'avait pas à affronter le froid longtemps sur les trajets.

Ainsi c'est tout naturellement après sa journée de dur labeur pas franchement passionnant, qu'elle décida d'entrer dans la taverne qui se trouvait sur sa route. "Dear Escanor" était écrit en grosse lettre sur la devanture. Elle ne s'était jamais réellement intéressée aux évènements sportifs mais elle savait tout de même qui était le phénomène bien connu Escanor Eventide de New Cresthill. Elle l'avait entraperçu lors des fiançailles York-Jenkins et elle était certaine que cet établissement était en son honneur.

Elle ne s'était pas trompée accroché un peu partout il y avait des articles illustrés et autres résultats de course. Sans parler de la vaisselle peinte qui était servie avec les plats. Plats somme toute délicieux soit dit en passant. Elle était passé au comptoir pour commander une bière et le potage du jour avec une miche de pain. On liui dit de s'installer et que la soupe allait arriver elle parti donc en quête d'une place avec sa chope de bière en terre cuite gravée avec la tête du coureur de griffon dessus. Elle sourit en la regardant. C'était quand même bien étrange cette obsession autour d'un seul et même personnage.

Elle s'assit en face d'un grand type aux cheveux tirant sur le roux. elle ne le reconnu pas tout de suite.

"Ca vous d'range pas que je me mette là ? Il y a plus trop de place ailleurs"

Avait elle dit en s'asseyant sans attendre de réponse et en buvant un peu de sa bière de qualité assez médiocre il fallait le reconnaitre. Puis elle fit un sourire en regardant d'un peu plus prés l'homme en face d'elle. Elle cligna des yeux un instant Puis regarda sa choppe puis l'homme puis la choppe puis l'homme puis la choppe et encore l'homme avant rétorquer

" Ils vous ont fait un œil plus gros qu'l'autre sur ma choppe"

Elle tourna l'objet en direction du champion, pour qu'il vérifie ces dires par lui même. Elle lui souriait et il fallait l'avouer avait particulièrement envie de rire tant la situation lui paraissait étrange.

« Bonjour, non, non, ça ne me dérange pas. Vous pouvez vous…. »

Oh. Elle s’installe sans plus de fioritures. Oh. Il n’est pas des masses à l’aise avec la vaisselle et les coupures de presse qui n’encensent que lui et son griffon, Alizée. C’est comme si ses victoires sont disséquées, étudiés à l’organe près.

« Appelez-moi Aloysius. Aloysius Eventide. Je ne partage qu’une ressemblance frappante et une homonymie avec ce singulier personnage. »

La dénégation du New Cresthillois aurait être plus efficace s’il ne regardait pas, en effet, la choppe mentionnée. Il doit reconnaître qu'un de ses yeux est plus gros sur cette peinture.

« Vous avez bien raison. Il est plus gros que l’autre. »

Escanor, il va falloir s’améliorer dans le mensonge.

« Je vous l’ai dit que je ne suis pas ce personnage. »

Rosalie plongea son regard dans celui de l'homme. Affichant un air amusé qui lui criait je ne te crois pas une seule seconde mais je vais faire semblant. Elle se retint de rire si fort qu'elle n'osait pas boire pour ne pas recracher sa bière au visage du champion. Quand l'envie de rire lui passa elle enchaina pour rassurer l'homme.

"Oh j'comprend, ça doit pas être facile de partager la même tronche qu'une personne connue. P'tetre vous êtes cousins éloignés ça s'dit "

Ainsi elle rentrait dans son jeu pour lui signifier que même si elle ne le croyait pas elle garderait son secret. Ca elle savait faire garder des secret ça faisait des années qu'elle gardait beaucoup de choses secrètes à commencer par ses ambitions personnelles. Elle eu une pensée pour Emilia sa sœur qui était bien plus douée que cet homme pour se faire passer pour qui elle n'était pas. Elle pensa aussi au fait que ce serait surement hilarant de voir ce grand bonhomme prendre des cours de la part de la petite et frêle Violet Jenkins. Beurk elle n'aimait pas penser à sa soeur comme une Jenkins c'était Emilia de l'orphelinat et peut importe qui l'avait adopté et renommé avec des prénoms à ne plus savoir quoi en faire elle restait sa soeur, sa moitié d'âme.

Pour faire passer ce frisson de dégout à l'évocation mentale des Jenkins elle bu un peu de bière qui était assez amère. Elle leva son verre en direction du champion sous couverture.

"Aux griffons et à ceux qui les montent"

Elle avait été inspirée par la taverne et cette rencontre fortuite avec cette célébrité sportive. Un sourire en coin à ses lèvres elle espérait que l'homme ne prendrait pas la fuite et se détendrait un peu ce n'était pas tous les jours qu'elle avait l'occasion de discuter ce genre de personnage et ça promettait d'être très drôle.

L'hilarité qu'il devine chez cette femme l'informe que ses misérables tentatives de dissimuler la vérité sont un échec. Elle rentre dans son jeu, heureusement. ça l'arrange, il mangera peut-être tranquille au bout du compte. Ou presque.

"C'est cela. C'est épuisant d'être pris pour lui. On ne peut pas manger tranquille dans une taverne sans que quelqu'un fasse la remarque."

Il s'enfonce sans vergogne.  Il n'a aucune idée des pensées de l'inconnue, qui l'imagine prendre des cours auprès d'une certaine Violet Jenkins, une connaissance qui n'a pas sa langue en poche. En privé. En public, c'est le parfait cliché de la lady. La proposition de lever la chope en hommage aux coureurs et aux griffons le tente.

"Bien sûr,  honneur aux griffons, enfants bien-aimés d'Aëlia et à ces coureurs qui les montent avec leur confiance !"

Il lève sa chope, servie avec une peinture de Alizée plutôt réussie à sa grande satisfaction. Tant que le peintre de cette vaisselle ne rate pas le griffon, ils peuvent bien louper des détails du coureur.

Elle reposa sa choppe et leva les deux mains en l'air en secouant doucement la tête tout en gardant son petit sourire.

"J'suis navrée d'vous avoir embêter avec ça du coup"

Elle posa ses yeux azur sur l'homme le détaillant plus précisément. Plus elle le regardait moins elle doutait de son identité. Elle qui n'était pas d'un naturel très bavard avit bien envie de lui faire la conversation.

"Vous avez pas choisi la bonne taverne pour pas être confondu il faut dire. Mais c'pas grave j'ferais fuir les fans envahissant avec mes gros yeux"

Et elle lui fit une démonstration en fronçant les sourcils et lançant un regard glaçant en grimaçant  effaçant son sourire un instant avant de le reprendre et d'avoir un éclat de rire. Son rire était clair et sincère. Il venait du coeur et le côté un peu brute de Rosalie disparaissait un peu quand elle riait ainsi.

Elle ne savait pas si elle faisait peur à son interlocuteur ou si au contraire elle l'amusait mais en tout cas elle s'amusait beaucoup de la situation et celà la détendait pas mal après sa dure journée de labeur.  Son ventre gargouilla. Elle avait faim.  Elle se tourna en direction du comptoir pour voir où en était le potage et la miche qu'elle attendait. Puis elle retourna au champion.

"Z'avez commandé un truc vous ?"

"J'ai entendu dire qu'on y mange bien. Mais je crois que la personne qui m'a indiqué cette taverne est un peu farceuse.  Vous avez des yeux de griffon. Je suis certain qu'ils fuiront les jambes à leur cou."

Ce rire énorme, clair et sincère plaît au champion. Cette authenticité brute est rafraichissante !  Escanor gratte sa barbe près de l'oreille.

"Oui. J'ai commandé un sirocco. Un vent qui souffle régulièrement sur Jhareel et Maheela. Sec et chaud. Les griffons adorent l'utiliser pour planer et, vu du sol, ils font l'effet d'une ombre inquiétante dans le ciel."

Rosalie pencha légèrement la tête sur le côté signe qu'elle écoutait attentivement l'homme. Se rendait il compte qu'il était entrain de se griller lui même en montrant sa passion pour les griffons ? Elle décida de ne pas relever plus que cela. Elle avait pris le compliment sur ses yeux de griffon avec le sourire autant ne pas gâcher cela.

"Vous vous y connaissez vachement bien en vents ... Vous voyagez beaucoup ? "

Elle reprit une gorgée de bière avant de poser ses coude sur la table et d'appuyer son menton dans ses mains position d'écoute et d'attente tout à fait adaptée mais absolument pas noble ou même bourgeoise. Rosalie n'avait pas de bonnes manières et dans la plus part des cas s'en fichait complétement. Ils étaient dans une taverne qui n'avait rien ni de noble ni de bourgeois alors tout allait bien elle ne faisait pas tâche dans ce décor. Elle y était bien plus à l'aise que dans la grande demeure des York ou elle avait fait attention aux moindres de ses faits et gestes essayant d'imiter la grâce de sa soeur dont elle était malheureusement un peu loin. Elle avait réussir à se tenir droite et à marcher sans ressembler à un dindon mais elle était loin d'être la plus gracieuse ce soir là. Mais aujourd'hui était un autre jour et elle avait le privilège de manger en face d'une célébrité autant en profiter. Elle avait hâte de raconter tout ça à Emilia

Si Escanor se rend compte qu'il a grillé sa couverture, il se garde bien de s'en désoler et de paniquer.
Il boit à son tour une bière imitant Rosalie.

"Oui, on finit par apprendre à la dure à force de s'en prendre. Des vents. En avez-vous aussi commandé ? Ou avez-vous pris autre chose ?"

La pose de son interlocutrice ? Il s'en fout absolument, mieux, il a la délicatesse de commettre des impairs flagrants à l'étiquette de la bonne société que le champion connaît.

"Je voyage pour affaires. Jhareel est fameuse pour ses textiles. Je vais là-bas voir s'il n'y a pas des choses intéressantes pour fournir les griffonniers. Des jouets pour griffons, par exemple."

Bien entendu, les coupes de presse aux murs peuvent pratiquement indiquer les dates à laquelle il s'y est rendu pour une course.

"Les moeurs sont vraiment plus libres qu'ici. C'est amusant. Ils apprécient énormément les fêtes et les arts. Ils ne s'échinent pas à respecter les convenances pour se donner des apparences de la vertu. Des plaisirs hédonistes, il y en a à foison. Des coussins merveilleux pour roupiller, des danseuses voilées qui savent chanter et jouer des instruments, un délicieux nectar servi en boisson.  Parfois, je m'interroge sur comment Alryon a-t-il pu signer des accords avec Jhareel  avec de telles différences culturelles. Je suis pas un bougre d'historien nez dans ses papiers poussiéreux mais je voyage."

Il lui demanda ce qu'elle avait commandé elle lui répondit le potage du jour. Puis elle regarda à l'arrière pour voir si le dit potage arrivait. Avant de reposer les yeux sur le champion sous couverture. Elle l'écoutait en souriant décidément cette situation l'amusait beaucoup même si son ventre commençait à gargouiller de faim.

Elle se posa une question... Etait il entrain de la draguer ou avait il juste envie de parler et c'est le premier sujet qui lui était venu à la bouche ? Parce que l'évocation de se prendre des vents puis celle des mœurs légères de Jhareel pouvait clairement faire penser à une tentative de séduction très peu subtile mais elle n'en était pas certaine aussi elle tenta de continuer la conversation.

"Des vents ? un bel Homme comme vous ? J'y crois pas une seule seconde"

Elle prit une gorgée de bière qui commençait à sérieusement diminuer. Elle regarda au fond de sa choppe se disant qu'elle devrait surement en prendre une autre bientôt puis elle reprit.

"J'ai beaucoup aimé Jhareel, en vrai je r'viens de là bas... J'bossais au marché pour un marchand de tissu pas très commode... J'préféré r'vnir ici que de rester à m'faire crier dessus pour rien."

Elle sentit quelqu'un arrivé derrière elle et cette personne portait deux assiette pleine une creuse avec le potage de Rosalie et l'autre avec le plat commandé par Escanor. Elle se redressa pour le laisser poser sur la table. Elle sentit qu'il marqua un temps d'arrêt en regardant le champion. Ca lui donna envie de rire mais elle saisit l'occasion pour s'issez en gardienne de secret.

"Vous fatiguez pas c'pas lui j'ai d'jà poser la question"

L'air déçu sur le visage le serveur reparti derrière le comptoir. Elle fit un clin d'oeuil à Escanor avant de prendre une cuillère du potage.

« Le souffle peut être violent. Même pour les bels hommes. Apparemment un peu trop vieux.  »

Elle le trouve beau ?  Pas vieux ? Sont-t-ils en train de s’échanger des compliments comme des griffons qui se paradent autour ?  Elle vient de revenir de Jhareel où elle travaillait pour un marchand de textiles. Ce qui ravit le New Cresthillois, c’est qu’elle a vu le pays et qu’il peut donc échanger avec elle sur Jhareel.  Et son histoire ressemble un peu à sa jeunesse avec un père négociant en textile. Plus particulièrement le cuir. Escavalon Eventide avait souhaité que son fils reprenne l’affaire et continue de faire des affaires auprès des éleveurs de griffons qui étaient sa principale clientèle. Le souffle d’Aëlia  l’a détourné de cette destinée après le soulèvement de New Cresthill.  Sans cela, il n’aurait jamais rencontré Alizée.

« J’aime Jhareel aussi. Mais je ne souhaiterais pas pour autant m’y installer. J’aime mon petit bloc tempéré de prairies et de forêts. En parlant de ça, il y avait une réception singulière chez les York pour des fiançailles récemment. La princesse de Jhareel était là pour offrir un présent aux fiancées. Et la sororité York, épatante dans l’art de manquer aux convenances. »

Au point qu’il passe pour un personnage convenable.

Voyant la demande muette du serveur qui amène les plats, Rosalie devance la question avant qu’elle ne soit posée en niant la vérité. Ouf, le voilà sauvé d’un serveur qui ne serait peut-être pas discret. Escanor regarde Rosalie comme si elle s’est transformée en une chevalière montée sur un fauve ailée venu à sa rescousse. Son héroïne.

« Merci. », fit-t-il dans un murmure discret. Aveu qu'il est bien Escanor Eventide, le champion.

Il a l'impression qu'il peut lui faire confiance pour garder ses secrets.

Rosalie eu un vent de panique qu'elle tenta de contenir quand il fit l'évocation des fiançailles. L'avait il reconnu ? Elle respira doucement en tentant de se calmer et de se raisonner. De toute façon ça n'avait rien de grave s'il l'avait reconnu elle pouvait bien être une pauvre Arlyonnaise qui essayait d'arrondir ses fins de mois comme elle pouvait. oui voilà c'était ça si il l'avait reconnu alors ce n'était pas grave.

Elle replongea son regard dans le sien après le départ du serveur. Il y avait une lueur qui n'était pas présente précédemment. Puis il la remercia  confirmant tout ce qu'elle savait déjà depuis qu'elle s'était assise en face de lui.  La faim prenant  le dessus elle continua à manger son potage quelques instant avant de soupirer.  Manger et chaud ça faisait un bien fou. Elle décida de rebondir sur ce qu'avait dit plus tôt le champion en prenant le même ton de confidence qu'il avait prit pour la remercier.  

" Votre bloc c'est bien New Cresthill c'est ça ? J'y ai passé un peu de temps plus jeune et j'y suis pas retournée depuis un moment. J'y ai appris tellement de choses."

Voilà où s'arrêtait ses compétences en petite conversation. Elle ne savait pas en faire et ne savait pas comment relancer le sujet ni trop parler. Elle enviait sa soeur sur ce point là également son intelligence sociale était fascinante aux yeux de Rosalie.  elle se contenta de Regarder avec ses grands yeux l'homme qui lui faisait face espérant qu'il continuerait de parler car il était plutôt d'une agréable compagnie.

Le New Cresthillois remarque le trouble de son interlocutrice à la mention des fiançailles. Trouble qu’elle essaie de cacher. Il se demande à laquelle de ses remarques concernant cette réception. Aux York ? Jhareel ne lui semble pas être le problème.

Escanor préfère patienter le temps qu’elle relance la conversation d’elle-même. Il décide de s’offrir son plat sirocco pour en savourer la chaleur. Manger de la nourriture chaude fait énormément du bien. La jeune femme choisit de rebondir sur New Cresthill.

« C’est cela. New Cresthill. »

« Vous y avez vécu ? »

Il y a passé toute son enfance jusqu’à que le succès remporté lors d’une course devienne le premier d’une longue série.

« Vous devez en avoir des bons souvenirs. J’en ai un que je chéris particulièrement. Dans ce souvenir, j’avais longtemps marché à travers une prairie longeant une forêt. Je traçais un chemin dans l’herbe pour aller m’allonger au pied d’un arbre isolé au milieu de cette prairie. Il avait poussé à l’écart de la forêt. C’est sous son nombre que je me couchais et que je me mettais mis à compter les nuages.

De temps en temps, des points venaient s’ajouter à cette matière mouvante, moutonneuse. Ils évoluaient avec un majesté féline et un orgueil aviaire. Il m’était même arrivé qu’un griffon me rase de près à ma plus grande surprise. Je m’étais redressé émerveillé par cette proximité inattendue.   À l’époque, je pouvais bien rêver de monter une telle créature, mon horizon se limitait à  reprendre l’affaire de mon père et devenir négociant en cuir.

Je me souviens très bien de mes parents. Ne croyez pas tout ce que raconte les journaux sur mon compte. Ils adorent vendre des histoires larmoyantes d’orphelins recueilli par un propriétaire d'écurie qui réussissent en devenant champion de course. Ça fait davantage rêver que la vérité. Les nobles sont des bêtes curieuses, superficielles qui se prennent pour des fiers griffons. Ils adorent investir dans les belles histoires, s’indigner des fautes de convenances.

Saviez-vous que le domaine que je possède sur New Cresthill appartenait à un noble qui s'est couvert de dettes de jeu en pariant sur les courses ?  »

Il se demande à quel point ils se rendent compte que l'édifice de leur fortune peut être fragile.

Quand il lui posa la question de si elle y avait vécu elle hocha la tête en déglutissant sa soupe. Elle n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit à ce propos qu'il avait commencé un nouveau récit.

Elle n'eut aucun mal à imaginer un jeune Escanor se reposant sous un arbre. En revache lorsqu'il parla des tabloïde et de son histoire d'orphelin complétement inventé elle grimaça. Elle n'aimait pas les journaux pour ça. Il était toujours difficile de savoir qu'est ce qui était vrai et qu'est ce qui était romancé. Dans l'organisation secrète ils essayaient toujours de rester le plus factuel possible et elle appréciait ça bien plus que les blabla sans réelle profondeur qu'on pouvait lire parfois dans les torchons. Cependant elle prenait le temps d'en lire au moins un par jour pour se tenir au courant de ce qu'il se passe sur les différents blocs.

Il enchaina sur les nobles et le venin qu'il crachait était presque aussi violent que celui qu'elle ressentais à chaque instant envers cette caste de la population.

"j'en savais rien... En même temps jm'intéresse peu à la presse à sensation. Ils devraient avoir honte. Dans l'orphelinat où j'ai grandi on dormait les uns contre les autres tellement y'avait peu d'place y'a rien de romantique là d'dans... J'me suis fait adopté par des gens qui m'ont jamais aimé et j'suis pas devenue une vedette... Ca m'rend un peu malade qu'on utilise des histoires inventés pour faire vendre des bouts papiers qui finissent accrochés dans une taverne miteuse comme une sainte parole... "

Ca lui avait coupé l'appétit elle poussa sur le côté son assiette où il restait peu du potage. Elle se leva sa choppe à la main elle prit également celle de son interlocuteur

"J'reviens"

Elle se dirigea vers le comptoir ou elle demanda une nouvelle tournée du liquide doré à bulles, puis une fois servie elle retourna s's'asseoir en face du champion.

"J'suis désolée... J'suis t'jour un peu amère quand on parle de chose comme ça. voilà pour m'faire pardonner"

Elle lui tendit sa choppe pleine en lui souriant, puis reprit sa place l'air moins agacé que précédemment.

"Racontez moi votre aventure la plus folle ça m'changera les idées"

Elle lui fit un clin d'oeuil avec un petit sourire en coin, puis elle prit une gorgée de bière.

Embarqué dans une histoire, il noie la jeune femme en soufflant involontairement sur les braises de mauvais souvenirs. Une fois qu'il achève de déblatérer sur l'amour de la presse et des nobles pour les belles histoires, Escanor écoute ce qu'elle en pense de tout ça.

"Pour ces torchons, la vérité compte peu. Et si d'aventure, ils le faisaient, ils risqueraient la censure. Ce n'est pas totalement inventé, après tout, je suis bel et bien un orphelin de 130 d'un certain point de vue. On oublie juste d'évoquer le soulèvement, la répression. Tous ces gens ne demandaient qu'une vie meilleure, d'être entendu dans leurs doléances."

Il n'est pas encore assez bourré pour crier au tyran Blackwood. Voyant que la jeune femme se lève pour aller au comptoir, le New Cresthillois n'en rajoute pas plus. Il est désormais laissé avec son plat sirocco et l'écho des combats gravé dans son esprit. Le champion se saisit de ses couverts et termine bravement son repas.

"Ce n'est pas grave."

Il prend la choppe de bière avec plaisir. Escanor sent qu'il a besoin d'un bon remontant pour avoir parlé du soulèvement de New Cresthill.

"Mon aventure la plus folle ? Le jury délibère encore. Est-ce que vous considéreriez que plonger  à l'aveuglette dans le ventre d'un volcan éteint comme de la folie pure ?"

Rosalie n'était pas revenue sur l'évocation de la mort des parents d'Escanor tout simplement parce qu'elle ne se sentait pas d'aborder des sujets aussi lourds et grave en guise de première rencontre. Elle avait prit le temps de souffler en allant chercher les bières et le lancement d'un sujet plus léger semblait se faire à merveille.

Ainsi quand le champion évoqua le fait de se jeter dans la gueule d'un volcan la brunette ouvrit de grands yeux et sa bouche était légèrement entrouverte de surprise. Comment pouvait il avoir fait ça et en être ressorti en un seul morceau ? Il fallait qu'elle en sache plus qu'il lui raconte tout ça.

"Je veux savoir comment vous avez pu faire un truc pareil et être là devant moi plus en forme que jamais à partager une bière ?"

La jeune femme trouvait l'homme en face d'elle de plus en plus fascinant et charmant il fallait le dire. elle qui riait un peu de lui et de sa façon absolument pas discrète de cacher son identité voilà qu'elle se retrouvait à ne pas réussir à lâcher son regard ni décrocher des mots qui sortaient de sa bouche.

« Comment ? C’était une idée des organisateurs de cette course. Ils voulaient en mettre pleins la vue aux spectateurs avec des grands coureurs qui s’élancent dans la gueule d’un monstre légendaire. Où est-ce qu’elle se passait déjà ? À Tolenca ? Nova Terra ? Ryoshima ? Kymara ? Semestrias ? Je ne me rappelle plus trop. Je crois qu’il doit y avoir la réponse dans une de ces coupures de presses, merde. »

Il cite toutes les endroits où il en connaît le relief montagneux comme pour essayer de se rappeler. Le volcan l’a plus marqué que le bloc lui-même.

« Quand on a su que le tracé de la course passerait par la bouche d’un volcan, certains ont abandonnés, dénoncés l’organisation. Tous les participants n’ont pas le luxe d’abandonner. Pression du sponsor, besoin d’argent, et j’en passe. Moi, j’étais un jeune chien fou qui venait de faire ses premières victoires. Pas question de reculer.  »

«  Ce en quoi la Dislocation a eu du bon, c’est de ravaler au rang de légende ces monstres cracheurs de matières incandescentes et dévastateurs. Le danger demeurait parce qu’on ne savait rien de ce qui nous attendait à l’intérieur. À la moindre blessure subie par le griffon, c’est la mort assurée. La chute vers un autre monde. »

Il se dit tant de choses sur ce qui attend en bas les malheureux qui viendraient à tomber. Mais, Escanor se concentre seulement sur son histoire.

« Lorsque la course est arrivée à ce niveau de la compétition. Je mentirai si je n’ai pas hésité d’un battement de coeur à me jeter dans cet inconnu avec mon griffon. J’ai plongé pour ne pas me faire distancer. C’est une expérience indescriptible ce long tunnel sombre. À chaque instant, je m’attendais à qu’il se réveille, exprime sa colère à notre sacrilège. Jamais je n’ai eu autant peur de la punition divine que ces longues minutes dans le noir. »

« Je me souviens d’avoir entendu des cris d’hommes et de griffons moins chanceux que moi. D’ombres qui se précipitent comme des pierres à travers le conduit. J’ai continué en redoutant qu’un concurrent ne me tombe dessus. J’ai prié Aëlia comme jamais de ne pas me lâcher. Quand je suis ressorti, je me suis rapidement éloigné de l’entonnoir, je ne tenais pas à m’y attarder. Je me trouvais alors sous l’ombre de la couche rocheuse du bloc. Passer sous un bloc, je l'ai déjà fait pour d'autres courses mais jamais après une telle frayeur.  »

Il boit une rasade généreuse de sa chope. Rien qu'à l'évoquer, il en a le coeur qui bat la chamade. Pas étonnant qu'il ait préféré oublier le nom du bloc.

Rosalie était pendue aux lèvres d'Escanor elle l'écoutait attentivement haletant dans les moments fort de son récit. Elle n'osait pas boire sa bière ayant peur de louper quelque chose puis quand lui même en bu une belle gorgée elle en fit de même.

La brunette n'aimait pas spécialement les courses et le sport en général mais raconté par Escanor elle pourrait peut être écouter ça pendant des heures. Ca n'avait rien d'ennuyant dans sa bouche à lui. Et puis il n'avait pas cet air prétentieux qu'on les nobles au bout de leur nez. Non lui avait l'air de vivre passionnément et ça Rosalie le comprenait que trop bien. Elle même était animée par le feu de la passion seulement la sienne n'était pas racontable dans une taverne. Ni même vraiment ailleurs. Elle ne pouvait pas évoquer l'adrénaline qu'elle ressentait quand elle était envoyé quelque part pour une mission de sabotage ou bien de simple repérage. elle ne pouvait pas parler de la satisfaction que c'était de voir la têtes des nobles qui se retrouvaient sans moyens de se rendre à une importante réunion politique. Elle ne pouvait pas raconter combien elle aimait sa soeur et sa façon de devenir une personne différente à chaque fois qu'elles se voyaient. Non elle ne pouvait pas parler de ce feu qui la consumait et en même temps la rendait vivante. Alors elle se contenta de regarder avec des grands yeux son interlocuteur en lui demandant

"Vous avez gagné cette course ? Et votre compagne elle était pas morte de trouille ?"

Parce que pour elle c'était évident qu'un bel homme comme lui avait forcément une femme à son bras si ce n'est une à chaque bras. Elle ne s'intéressait pas aux tabloïdes et ne suivait absolument pas les mariages mondains sauf s'il s'agissait de la famille de sa soeur.

Le new cresthillois aux cheveux auburn éclate d'un rire tonitruant en renversant sa tête. La deuxième question est entièrement inattendue ! Escanor se demande ce qu'elle s'imagine bien sur sa vie personnelle.

"Oui. À l'époque, je n'avais que de yeux pour la plus belle des maîtresses. La plus exigeante de toutes. Alizée. Difficile pour une compagne de me partager avec un griffon. Est-ce qu'elle a eu peur ? Je ne crois pas, elle m'a accompagnée en fière créature d'Aëlia dans ce gouffre. Peut-être qu'on se rassurait mutuellement tous les deux en faisant cette folie."

Rosalie cligna des yeux à plusieurs reprise. Alizée c'était sa griffonne et il lui portait un amour inconditionnel. Il avait fallut quelque seconde pour réaliser ça. Ainsi il n'avait à l'époque pas de compagne autre que cette bête. Elle n'arrivait pas à déterminer si celà était beau ou un peu bizarre surement les deux à la fois. Elle décida de ne pas dévoiler la totalité de sa pensée et fit le commentaire suivant.

"C'est beau ce lien qui vous unis à Alizée"


Elle repris une gorgée de bière avant de continuer.


"J'crois que la confiance mutuelle c'est ça l'plus beau dans l'histoire p'rceque se lancer comme ça dans le vide d'un volcan faut vraiment avoir confiance en l'autr' quoi !"

Elle eu une pensée émue pour Emilia. C'était la seule personne tout bloc confondu en qui elle avait cette confiance aveugle, ce lien indéfectible et cet amour inconditionnel. A cet instant précis elle lui manquait un peu plus qu'à l'ordinaire et son visage pris une mine un peu plus triste l'espace d'une seconde. Elle se ressaisie en buvant un peu plus de bière.

"Et si non vous voulez m'raconter une autre d'vos aventures ? Parce que j'crois que je pourrais vous écouter longtemps"

Elle eu un petit sourire en coin en précisant ça les yeux plongés dans ceux d'Escanor.

"Aye."

Il est, on ne peut plus d'accord, avec la dernière affirmation. Se jeter dans le gouffre d'un volcan éteint par la Dislocation requiert une confiance absolue en sa monture. Le new cresthillois est heureux que la relation établie avec Alizée soit aussi solide. Ça se reflète dans sa gestuelle corporelle qu'il apprécie ces compliments sur le lien. Alizée est plus qu'une simple monture de course. C'est une amie. Et on ne lâche pas les amis.

Une autre histoire ? Que peut-t-il bien raconter cette fois-ci ? Père Escanor réfléchit puis décide de se lancer avec celle-ci.

La bataille au sommet des dieux. Je me trouvais en visite à Delkhir pour découvrir le matériel qu'ils fabriquent pour les griffonniers. Je me suis quelques peu égaré dans le paysage ; les steppes à perte de vue, les montagnes qui s'élèvent à l'est, telle une barrière naturelle sur l'horizon m'ont détournés de mon but initial. Je me suis arrêté dans une écurie jouxtant une auberge accueillant les voyageurs.

Dans cette auberge, j'ai rencontré un compatriote alryonais qui avait grandi à Isvall. Blond comme les épis de blés des prairies de New Cresthill, il a un charme boucanier avec son cache-oeil. Et une jeune delkhierienne rêveuse qui rêvait de conquérir les cieux avec son propre griffon. Elle lisait dans les livres à propos des blocs de Terreciel, interrogeait les voyageurs pour savoir ce qui était vrai dans ce qu'elle avait lu. J'ai donc répondu à ces questions jusqu'à très tard dans la nuit.

Nous avions eu l'idée de lui offrir un voyage en griffon et en échange, elle nous montrait son bloc et ses coutumes. Le lendemain matin, nous avons volé jusqu'à la région des six grands lacs, des anciens cratères volcaniques remplis d'eau, où vivent des pêcheurs. On y est resté pour participer à la fondation d'un nouveau bâtiment. Nous avons partagés un moment sans aucun mot avec pour seul langue l'effort. Rompus le pain sur la berge en regardant nos griffons attraper des poissons pour se nourrir. Imagine donc ces puissantes créatures fondre sur l'eau, plonger leurs serres pour en tirer un magnifique spécimen de poisson.

Nous avons ensuite repris notre voyage vers les montagnes. Elles sont si hautes que les neiges Nous croisons les seigneurs des cieux de Delkhirs. Des aigles géant qui veillent jalousement sur leur territoire saupoudrés de neiges éternelles. Notre jeune guide nous a conseillés de ne pas les déranger pour éviter le risque d'une confrontation. Griffons contre des aigles géants...

Rosalie buvait les mots autant qu'elle buvait sa bière. Elle pouvait tout à fait imaginer les paysage décrit par Escanor tout comme elle reconnu parfaitement le personnage qu'il décrivait. Un grand blond avec un cache oeuil et charmant de surcroit devait pas y en avoir un million il devait forcément parler d'Alexander. Le visage de Rosalie qui jusqu'à présent était surprenament souriant se renferma un peu. Elle n'était pas sure de si elle pouvait évoquer Alexander sans se griller, griller sa soeur et surtout griller leur nouvel allier. Elle se mordit la lèvre inferieur en réfléchissant un peu. l'occasion était trop bonne pour glaner des informations sur cet individu rencontré quelque temps plus tôt. Elle allait essayer de noyer le poisson l'air de rien.

"Oh le spectacle des griffons pêchant devait être incroyable... et les aigles ils sont si gros que ça ? "

Elle laissa le temps de répondre à Escanor avant de reprendre tranquillement sur le ton de la conversation.

"Ce jeune homme que vous décrivez c'est un ami des York non ?"

S'il répondait à la positive alors c'était sur et certain qu'il s'agissait du même bonhomme qui plaisait tant à sa soeur. Celà donnerait un autre tournant à la conversation qu'ils avaient.

"Oh ! Oui, oui ! Ils sont énormes, plus que ceux que les fauconniers d'Alryon élèvent ! De véritables seigneurs des cieux bénis d'Aelia ! Ils sont extraordinaires."

"Vous y étiez, vous aussi, aux fiançailles des York et des Jenkins ? Vous lui avez parlé ?"

Escanor est excité d'avoir l'occasion de parler en long et en large de cet accord de fiançailles fêté en grande pompe. Il ne développera certainement pas tous les aspects de sa relation avec ce jeune blond au charme boucanier.

"Oui, en effet, c'est bien un ami des York. Je le connais depuis... un bon moment déjà. Alex s'intéresse à ce que les gens, même les plus humbles, font quitte à participer lui-même aux tâches."

Rosalie fut surprise par tant d'enthousiasme à l'évocation des York. Elle ouvrit de grands yeux et sourit à Escanor qui enchainait sur l'explication concernant Alexander. Elle nota mentalement ces informations et prit une gorgée de bière avant de répondre.

"J'y étais, mais c'est un peu comm' si j'étais un meuble... On parle pas aux invités quand on fait l'service m'voyez"

Elle sourit de plus belle à Escanor clignant de se paupières ne sachant pas comment il allait réagir face à cette annonce et surtout à cette comparaison avec un objet inanimé. C'était un peu de la provocation pour lui lancer à la tête son statut de privilégié face à elle. C'était subtil et fait avec douceur mais c'était fait quand même. Puis elle marquait également le fait qu'il ne l'avait pas reconnu non plus ni peut être ne serait ce que vu lors de cette soirée de fiançailles. Elle espérait également attiser un peu de sa curiosité ou alors au moins le faire déballer de nouvelles histoires mais cette fois ci concernant des nobles ou des notables. Elle se tâta à poser des questions sur Alexander précisément mais se retint pour voir ce qui sortait naturellement de la bouche du champion de course. La parole est d'argent le silence est d'or comme on dit si bien. Le silence permet parfois d'obtenir plus d'information que un flot continue de parole. De toute façon elle ne savait pas parler en continue comme le faisait le charmant homme avec qui elle partageait son repas.