Introductions en bonne société (sort of) [Alryon] ft. Violet et Alexander

Astrance se tient au bras de son fiancé, un drôle de mot pour elle, même maintenant. Elle ne tient pas particulièrement à devenir son épouse, la prochaine Lady Jenkins, hors de question en réalité. Mais il s'agit d'un inconfort nécessaire pour son plan d'action. Tout comme être accrochée au bras de ce jeune homme bien sous tout rapport, et qui cache à peine son mépris pour sa mère et ses soeurs, et jouer les parfaites demoiselles alryonnaises.

-Mon cher, il faut que je vous présente à l'un de nos plus efficaces associés. Je suis certaine qu'il plaira à votre famille, Père en dit beaucoup de bien.

Un joli sourire, quelques mots doux et le tour est joué. Alexander va pouvoir entrer en scène. Et il a intérêt à bien jouer, Astrance a trop investit en lui pour que ce ne soit pas le cas

Violet avait ce soir-là le rôle de la parfaite petite noble à tenir, et ce n’était pas une mince affaire tant elle avait parfois envie de rire devant l’air pincé de son frère même quand il souriait. Il aurait eu un peu d’humour, elle aurait peut-être mis un peu de poil à gratter dans sa veste, mais si elle faisait cela, elle n’osait pas en imaginer les conséquences. Alors que chacun venait peu à peu présenter ses félicitations à l’heureux couple, Violet restait sagement muette, chaperonnée par Percival (qui était lui, tout à fait à son aise mais avait tendance à “oublier” d’introduire sa cadette) non loin du couple qui occupait toutes les attentions. Leurs parents étaient également dans le périmètre, et elle voyait très bien la surveillance discrète qui s'effectuait côté Jenkins sur les York.

Par tous les dieux, comme elle les détestait.

Et soudain, introduites par sa sublime et altière belle-sœur dont la robe provoquait la fascination de Violet (elle espérait réellement parvenir à discuter un peu avec elle à l’occasion …) arrivèrent une belle paire de bottes de cavalerie surmontée de leurs longues jambes fuselées dans un pantalon noir du meilleur goût. Celui-ci était tout à fait assorti au veston noir parfaitement taillé qui mettait en valeur un torse à la fois fin et athlétique et des épaules musclées en soulignant ce que la chemise immaculée était là pour dissimuler. Sur l’épaule droite, une veste courte dont les fils d’argent se mêlaient au reste de la fabrique et rappelaient agréablement la chaînette d’argent qui reliait l’élément de costume à l’autre épaule. Ce choix de couleurs faisait tout particulièrement ressortir la peau pâle du jeune homme qui s'avançait en souriant vers le couple, alors même que ses cheveux blonds, mi-longs, dont des mèches folles s’échappaient malgré l’ordre qu’on avait tenté de leur imposer venaient contredire l’impression de proprette respectable mise en oeuvre par le costume. Evidemment, le bandeau noir qui dissimulait l’oeil droit du jeune homme n’était pas en reste sur les contrastes que le nouveau venu donnait à voir.
Pourtant, ce ne furent ni sa beauté, ni son charmant exotisme boucanier qui donnèrent des palpitations à Violet. Ce garçon n'était autre qu’Alexander, l’homme qu’elle avait rencontré quelques semaines plus tôt après avoir échangé avec lui des pamphlets enflammés et qu’elle avait laissé entre les mains de Rosalie ! Bon sang, que faisait-il là ?! Elle avait, certes, perçu qu’il venait de la bonne société au vu de ses manières comme de ses moyens, mais ne s’était pas un instant imaginé le recroiser lors d’un rassemblement comme celui-ci et soudain, elle perdait ses moyens alors que son cœur s’emballait.
Par chance, l’étiquette l’autorisait (ou plutôt lui imposait) de garder les yeux baissés jusqu’à ce qu’on la présente, ce qui lui permit de reprendre un peu ses esprits et sa contenance alors qu’elle sentait l’odeur de sa mère se rapprocher: les parents Jenkins avaient vu un jeune homme célibataire et voulaient voir si le poisson était intéressant à ferrer.

“Mon cher Edmund, Lord Jenkins, Lady Jenkins, je vous présente Monsieur Alexander Galloway.” fit Astrance décidément très près de Violet, qui sentait avec une acuité toute particulière le parfum légèrement piquant de sa belle-soeur, dont certaines notes lui rappelaient ces produits qu’on donnait en cas de rage de dent. “Alexander est un associé actif des affaires de notre famille. Il s'est montré particulièrement efficace, surtout dans la gestion de certaines petites choses du côté des colonies.” l’introduit-elle.

In petto, Violet jura: il s’était présenté sous son vrai nom ! Bon sang, elle avait tenté de le recruter dans une organisation complètement clandestine, elle l’avait appelé Alexander toute une soirée, elle s’était approchée suffisamment près pour sentir la tiédeur de son souffle, et il lui avait donné son vrai nom en plus de ça ! Qui faisait ça, par tous les dieux, qui, qui était si sûr de lui, si imprudent ? C’était bien un homme pour jouir de tant de libertés, de tant d’impunité !
La jeune fille sentait son sang commencer à bouillir, se maudissant de s’être mise ainsi en danger, mais le maudissant lui, aussi, ses beaux mots, ses belles manières, et sa putain de liberté qu’il lui frottait au visage sans le vouloir. Elle, elle devait faire des pieds et des mains, se déguiser, se dissimuler, mettre en place mille mensonges, mille et une stratégies, construire des châteaux de carte successifs dissimulés par un savant arrangement de paravents et lui … Lui se permettait de se balader ainsi, à découvert, pavanant ? Risquant de plus de la reconnaître, de la mettre dans l’embarras, voire même de la mettre en danger même involontairement ? Ou de lui faire du chantage, s’il était malhonnête ? Non, c’était intolérable !
Et soudain, quelque chose dans ce que venait de dire Astrance la frappa. Il avait géré des “petites choses” du côté des colonies.

“Nous sommes très heureux de vous rencontrer, Monsieur Galloway”, entendit-elle son père répondre aux présentations d’Astrance. “C’est toujours un honneur que de faire connaissance des proches de notre bien-aimée belle-fille et de sa famille, n’est-ce pas ma chère ?
- C’est évident, mon cher, c’est évident.” répliqua Lady Jenkins dans un sourire que Violet imaginait sans peine carnassier: elle venait de découvrir qu’elle perdait son temps, le beau garçon n’avait pas de titre de noblesse et elle ne tarderait pas à retourner chasser. “Avez-vous rencontré nos enfants ?” demanda-t-elle ensuite par pure politesse, autant que pour pouvoir s'éclipser, en s’écartant pour qu’Alexander Galloway puisse voir Percy, au bras duquel se tenait Violet, le regard toujours vers le sol.
“Lord Percival Jenkins, mon cadet,”, enchaîna Edmund, insistant sur le statut de Percy, diminué à vie par les deux minutes de retard qu’il avait prises à s’extraire des entrailles de leur mère. Quelle injustice !

Des “petites choses” du côté des colonies … Alexander était-il plus efficace que ce qu’elle avait imaginé ? Astrance et mieux, les York, faisaient-ils partie du réseau d’alliés et d’amis qu’il lui avait évoqués ? Peu à peu, la colère de Violet retombait alors que dans son cerveau tous les rouages s’enclenchaient et que son coeur battait plus fort que jamais.

“Et notre benjamine, Lady Violet Jenkins.” finit par la présenter Edmund après que les deux hommes se furent salués.

A ces mots, Violet fit ce qu’on attendait d’elle: elle fit une révérence et releva la tête, priant de toutes ses forces pour que ses talents en travestissement lui sauvent la mise. Il existait des centaines de jeunes filles aux yeux bleus, n’est-ce pas ? Et c’était bien là la seule chose qui la reliait à Veronica Jones …

Astrance est très satisfaite de la performance de son poulain, et c'était une bonne chose pour lui. Autrement, elle n'aurait pas hésité à le déchiqueter méticuleusement plus tard, en privé, quand elle ne serait plus pendue au bras d'Edmund Jenkins à jouer les délicates et délicieuses lady. Ce qu'elle ferait aussi si jamais elle apprend qu'Alexander Galloway a eu la brillante idée de se présenter sous son vrai nom auprès d'une organisation de rebelles. Il n'y aurait rien à retrouver de son corps ce jour là.

Les présentations se déroulent sans accroc, c'est bien très bien. Même si l'éclaircissement sur la station d'Alexander semble avoir provoqué le désintérêt subit de Lady Jenkins, si elle savait.

Si elle savait lire dans l'esprit de Violet, elle l'aurait rejoint dans sa colère et son indignation. Elle aime bien Alexander, mais il est vrai que la liberté innée et décomplexée dont il jouit en tant qu'homme à Alryon l'a plus d'une fois énervée. De la jalousie ? Peut-être, mais surtout de la colère. De la rage face à son manque de prudence, son côté tête brûlée sans que les conséquences ne semblent jamais venir. Elle lui envie de luxe de pouvoir vivre comme il l'entend. Pas qu'Alexander soit responsable de ces privilèges, ils ne sont pas moins présents.

Mais Astrance ne connait pas encore assez Violet Jenkins pour ça, pour deviner les mondes et les fureurs qui se cachent sous sa jolie tête blonde qu'elle tient baissée et timide. Pourtant, elle ne peut qu'aimer ses tempêtes et les mers déchaînées qui s'y trament. Pour le moment elle ne connaît qu'à peine la facade vernie que la jeune femme présente au monde, une semblable à la sienne. Elle se doute bien que d'autres choses se cachent dessous sans pour autant pouvoir dire quoi exactement. C'est ce qui l'intrigue le plus pour le moment chez les Jenkins, la petite benjamine au visage d'ange et apparemment absolument parfaite. Trop sans doute.

La princesse était là pour une raison bien précise : présenter ses félicitations au jeune couple avec tous ses voeux de bonheur. Et bien sûr continuer de jouer sur l'échiquier de la noblesse alryonnaise, plus ça qu'autre chose en fait.

C'est Samira qui vient lui glisser à l'oreille un élément intéressant alors qu'elle se dirigeait vers les tourtereaux célébrés ce soir-là.

-Princesse, l'homme blond, il était à l'inauguration de Fukinokawa. C'est lui qui nous a donné le masque du fuyard.

Oui, il lui semblait bien que le grand blond à l'unique oeil azur lui disait quelque chose. Il n'avait pas un physique passant facilement inaperçu. Et Nehir se rappelait bien qu'il était venu se présenter auprès d'elle et de Takeo avant le début de la pièce, elle ne l'avait pas vu depuis.

-Effectivement, il s'était proposé de me présenter Astrance York.

Et elle avait retenu l'irritation qu'il assume qu'elle n'avait pas encore établi de contacts parmi les profils les plus intéressants de la future génération de nobles qu'elle allait devoir gérer. Enfin, si elle devenait toujours reine même avec la disparition du prince héritier. Un événement des plus irritants pour elle, il fragilisait sa position. Cela dit, il semblait que le blond n'avait pas menti sur ses connections, ou bien avait une chance de pendu. En tous cas elle ne s'attendait pas à le trouver ici.

Elle était là avant tout pour interagir avec les Jenkins et York. Elle avait déjà quelques contacts avec les York, Astrance avait fait la promotion, efficace, des talents de ses soeurs. Aussi elle portait une création de Crocus York ce soir-là, et elle avait commandé une composition à Daphné York. Quant aux Jenkins, elle avait surtout eu des échanges de surface avec eux, elle connaissait la composition de la famille et les perspectives d'avenir pour les deux fils aînés, ainsi que la fille était apparemment une des jeunes lady les plus en vues de la noblesse, mais autrement… Oui, c'était un cruel manque, qu'elle entendait bien corriger.

Samira s'était remise en retrait au même niveau que Dalal, ombres protectrices et fidèles, quand Nehir arriva devant le groupe. Une fois qu'elle eut reçu les salutations de circonstances elle prit la parole.

-Je tenais à présenter personnellement mes plus chaudes félicitations au jeune couple. Il s'agit indéniablement d'une splendide alliance entre deux des plus honorables et estimées familles d'Alryon. Je ne doute pas que cette union bénéficie des plus belles augures.

Ses mots étaient doux et chauds, accompagnés de son plus joli sourire. Du miel et du lait.

-J'en profite pour vous présenter dès maintenant mes cadeaux pour célébrer de si belles fiançailles.

Elle fit un geste de la main et Chirine et Badiah s'approchèrent avec des paquets dans les bras, deux chacune. Badiah tendit les siens à Astrance et au couple Jenkins, tandis que Chirine faisait de même mais avec Edmund et le couple York.

-Il m'a semblé important pour ce soir de célébrer autant les heureux fiancés, que leurs parents. J'espère que ces intentions sauront vous convenir.

Les deux fiancés reçurent chacun une broche sertie de pierres précieuses assorties représentant les emblèmes de leurs familles ensemble. La licorne des York en diamant et opale pour évoquer sa robe immaculée, sa corne fière en or rehaussée d'argent. Le colibri des Jenkins au corps d'or décorés d'émeraudes soigneusement taillées pour reproduire les plumes irisées, les ailes en alexandrite avec quelques rubis, le bec en onyx.

Le couple York reçu un service à thé en argent et cristal à la mode jhareelaise, Chirine précisant que la calligraphie sculptée sur la théière était un voeux protection et d'hospitalité traditionnel de Jhareel de la part d'un hôte à ses invités. Une sorte de bénédiction sur le foyer alors qu'on partageait le thé. Cela sembla fasciner immédiatement William york qui bombarda la jeune femme de questions.

Mais ce qui intéressait le plus Nehir, était la réaction des Jenkins face à leur cadeau, elle y avait réfléchi avec beaucoup de soins. Ainsi le couple découvrit non seulement une magnifique boite en acajou verni, qui était clairement la soeur de celle contenant le tout nouveau service à thé des Yorks, à l'intérieur tapissé d'un velours rouge éclatant. Et là reposant sagement dans l'étreinte de l'écrin il y avait deux magnifiques dagues de cérémonie jhareelaises. Leurs fourreaux recourbés étaient en or, trois grosses émeraudes ayant été serties le long de chacun d'eux. Leurs manches témoignent d'un travail d'orfévrerie absolument exquis sur de l'ivoire, de minuscules diamants venaient réhausser la sculpture des motifs traditionnels jhareelais. Si les Jenkins avaient la fantaisie de tirer une des dagues de son fourreau ils constateraient que la lame n'avait rien de cérémoniel, mais était du plus bel acier alryonnais et surtout, parfaitement aiguisée. Comme l'avait été la lame qui avait défiguré la petite princesse durant son enfance. Badiah leur indiquerait aussi la signification de la calligraphie gravée sur la lame, un autre proverbe jhareelais. Elle leur préciserait qu'il était tiré du plus beau recueil de poèmes d'une grande poétesse jhareelaise, et qu'on pouvait le traduire par "Le sang n'oublie pas la main qui l'a versé".

Nehir continuait de sourire sereinement, délicieuse et fraîche princesse qui était en cet instant le visage même de l'innocence. Mais elle ne manquait rien de ce que pouvait trahir les Jenkins face à cette surprise. Elle avait pris beaucoup de soin à choisir chacun de ses présents.


Ceci observé elle se tourna vers l'autre participant de la conversation.

-Messire Alëcjander, voici une agréable surprise de vous retrouver ici. J'espère que vous ne prendrai pas ombrage du fait que j'ai fait la connaissance de mademoiselle York, ainsi que de sa charmante famille, avant que vous ayez eu l'occasion de nous présenter.

Lorsqu’Alexander lui déclara combien il était enchanté de faire sa connaissance, Violet eut envie de rire sèchement alors même que leurs mains se détachaient. Elle était presque sûre qu’il ne l’avait pas reconnue, et cela lui allait parfaitement. Aussi charmant qu’il soit, elle n’avait aucune envie de se retrouver à devoir fuir dans ses bras à cause du faux-pas d’un homme qui ne se sentait menacé par rien.

Heureusement, une nouvelle venue vint les distraire, et permettre un instant à Violet de relâcher son sourire de façade qui se crispait face à Alexander Galloway. Car ce n’était pas n’importe quelle invitée qui arrivait telle une nuit étoilée de diamants étincelants: c’était la princesse de Jhareel en personne et nulle autre qui venait présenter ses félicitations et ses présents aux futurs mariés et à leurs familles. L’avantage de ce type de personnalité, c’est qu’elle éclipsait tout ce qui se passait autour d’elle. L’avantage de ce type de beauté, c’était qu’elle éclipsait toutes les autres.
Double éclipse au rapport, autant dire que Violet eut l’assurance pour quelques minutes qu'Alexander Galloway ne la regarderait même pas. C’était un beau soulagement, et, sans la connaître, la jeune Jenkins remercia la princesse Syed de cette apparition providentielle, une suite impressionnante l’accompagnant. Sa propre attention se tourna d’ailleurs tout naturellement vers elle dont la voix chaude lui paraissait envoutante, plus encore que tous les bijoux dont elle paraît sa splendeur.
Il allait sans dire que la princesse leur faisait une démonstration de diplomatie, de richesse, d’influence et de puissance des plus impressionnantes, et qui ne laissa pas Violet indifférente. Les broches étaient superbes, et le service à thé magnifique, mais les couteaux étaient nettement plus intrigants. C’était un bien étrange cadeau, et si Violet savait que les dagues étaient un objet cérémoniel à Jhareel, elle ne pouvait s’empêcher de soupçonner un message caché dans le choix de la citation qui ornait les lames parfaitement aiguisées, un peu trop pour des dagues cérémonielles selon la jeune noble, que son père venait de tirer au clair.
Il lui sembla percevoir une ombre de surprise dans le regard d’Edmund et elle fut certaine d’avoir senti un petit tressaillement de percival qui la retint d’ailleurs fermement mais avec un certain accent protecteur lorsqu’ils sentit le corps de Violet, curieuse, se pencher de lui-même vers l’étonnant présent.

Lord et Lady Jenkins, eux, semblaient plus habitués que leurs enfants, finalement, aux jeux curiaux (car Violet ne pouvait pas croire qu’ils n’aient pas vu eux aussi une étrangeté dans ce présent, ces choix) et eurent la réaction parfaite: émus et touchés par une si belle offrande, surtout d'un tel prix, ils remercièrent aussi chaleureusement que l’étiquette et leurs positions respectives le leur permettaient, la princesse étrangère. Ainsi, leurs enfants aussi remercièrent la princesse,qui très vite, se tourna vers Alexander dont elle écorcha le nom, faisant sourire discrètement Violet. Lorsque cependant il ne la corrigea pas, elle sentit s'allumer en elle une lueur d’intérêt. Le fait qu’il soit manifestement sous le charme indéniable de la princesse ne suffisait pas à expliquer cela, selon Violet, surtout au vu de ce qu’elle savait du personnage, et elle commençait à se demander s’il n'avait tout de même pas plusieurs identités. mais dans ce cas … Comment choisissait-il lesquelles utiliser ? Comment d’alias cachait-il, et dans quoi trempait-il exactement pour penser que se présenter sous son vrai prénom (ou en tous cas son prénom social) à une organisation de rebelles était une bonne idée, mais qu’il vallait mieux en donner un autre à une princesse qu’il serait sans doute amené à recroiser alors qu’il évoluait sous une autre identité (et ce sans l'informer de ce petit jeu) ? décidément, il était très intrigant …
… Et elle piqua du nez en rougissant légèrement. Elle n’avait pas fait suffisamment attention, et s’était laissée aller à le regarder. Il avait tout naturellement croisé son regard et lui avait souri. La surprise lui faisait décidément perdre tous ses moyens. Et manifestement ses moyens n’étaient pas tout à fait prêts à revenir …

L’orchestre avait reçu un signal (d’un York ? d’un Jenkins ? d’une horloge ?) et le bal de fiançailles commençait, comme le signalaient les violons qui égrennaient leurs premières notes. Evidemment, chacun suivit les codes associés à ce type de cérémonie, et Edmund se lança en premier sur la piste avec sa fiancée toute neuve. Violet ne put qu’admirer la grâce et l’aisance de celle-ci, formant un étonnant contraste avec la raideur de son aîné. Puis, les couples York et Jenkins vinrent prendre place près d’eux, et bientôt ce serait à leurs frères et soeurs de les rejoindre avec leurs cavaliers et cavalières respectifs. Si Percival avait sans doute prévenu de faire danser Violet ou une des soeurs York, il n’en fit strictement rien, s'inclinant soudain vers la princesse Nehir Syed à laquelle il tendit la main.
Si elle acceptait, il ne resterait que bien peu de choix de cavalier à Violet, et cette évidence lui donnait une envie soudaine de remonter ses jupes et de fuir. Ce n’était malheureusement pas dans ses possibilités, aussi, elle attendit sa sentence en souriant, parfaite petite noble.

La visite de la princesse Syed venait d'éclipser tout le reste, en quelques secondes la jeune femme avait redirigé toute l'attention sur elle. On en aurait presque oublié les personnages principaux de la soirée : les heureux fiancés. Qui pourtant ne manquèrent pas de remercier chaleureusement et en abondance la princesse qui venait jouer les bonnes fées marraines sur leur union. Elle n'avait pas lésiné sur les moyens, les broches pouvaient certainement faire tourner leurs demeures familiales pour un an ou deux à elles seules. Astrance ne manquerait pas de s'en rappeler, elle entendait bien garder les licornes mais les colibris… Non. Pas plus que nécessaire, cela dit les broches feraient un merveilleux héritage familial pour les générations suivantes.

Une marraine la bonne fée qui faisait aussi d'étranges cadeaux. Peut-être ne devait-on y voir qu'un banal décalage culturel, mais peut-être pas. Astrance est assez proche d'Edmund, son bras pressé contre le sien dans une étreinte qui veut se paraître aimante. Garde tes amis près de toi et tes ennemis encore plus. Elle sent comment il se tend. Intéressant, il y a quelque chose sous cette histoire. qui mérite d'être creusé. Mais pas dans l'immédiat, la situation réclame qu'on laisse place à la danse. En espérant qu'Edmund Jenkins parvienne à se détendre assez pour enchaîner quelques pas souplement.

Elle n'est sûr d'aimer l'étincelle dans les yeux de son poulain, pas alors qu'il est aussi près d'une princesse. Qu'est ce que cette tête brûlée va encore faire ? Mais elle ne peut pas agir pour le moment, pas même lancer un regard de mise en garde. Trop d'yeux potentiellement indiscrets autour d'eux. Astrance a un rôle à tenir, pour le meilleur et le pire.

Alexander reçut un sourire chaleureux de Nehir. Elle ne savait pas quoi penser de cet étrange personnage, mais il était clair qu'il méritait son attention.

-Excellent, je vous remercie. J'ose espérer qu'il en a été de même pour vous.

Elle ne perdit pas une miette de la réaction de chacun. Les parents York semblaient baigner dans une ignorance bien-heureuse, savourant l'exotisme de ces présents et la richesse culturelle qu'ils représentaient. S'ils réalisaient qu'il y a avait potentiellement un message caché dans l'or et les pierreries ils n'en montraient rien. Ou bien plus simplement n'en avaient-ils rien à faire. La politique n'avait jamais été le cheval de bataille de William York après tout, et son épouse s'était largement consacrée aux affaires commerciales sans trop se soucier des salons. Qui lui auraient fermé leurs portes ou bien traité comme une simple bonne s'y eut-elle aventurée sans la présence de son époux.

S'il n'y avait rien à lire sur le visage des aînés Jenkins, l'attitude des enfants était bien plus intéressante. Qu'ils sachent quelque chose ou non, le présent ne les laissait pas indifférents. Intéressant.

Tout comme il était intéressant que le puîné s'empresse de lui proposer une danse. Il avait les dents qui rayaient le plancher celui-là. Et certainement une certaine audace s'il réalisait que la princesse n'était pas aussi bienveillante envers sa famille qu'elle pouvait le laisser paraître. Cela amusait Nehir, à quel point Percival et elle jouait sur le même plateau était une question qu'il serait distrayant de déterminer. Elle n'avait pas d'engagement pour sa première danse, et aucune raison de décliner la proposition (audacieuse) du jeune homme. Aussi Nehir lui offrit un sourire des plus charmants en prenant la main du Lord.

-Je mourrais justement d'envie de danser. J'ose cependant espérer que vous me pardonnerez de voler ainsi votre cavalier, Miss Jenkins.

Une petite parole contrite et bienveillante envers la cadette de la fratrie ne lui coûtait rien, et elle avait bien remarqué à quel point la jeune demoiselle s'était tenue en retrait durant tout l'échange. Nehir voulait voir comment elle réagirait en étant impliquée directement.

“Que vous permettiez à un membre de notre famille de partager cette danse avec vous est un honneur, Votre Altesse.” répliqua Violet d’un ton doux aux excuses de la princesse, dans un sourire plein de grâce.

Et c’était vrai. C’était d’autant plus vrai au vu des cadeaux qu’elle venait de leur offrir, et encore plus vrai en comptant qu’elle lui permettait de ne pas danser avec son frère, ce qui était un réel plaisir en soi. Non que Percy soit mauvais danseur, bien évidemment ! Au contraire, même, mais elle dansait toujours avec lui, et c’était sans plaisir ni surprise. Cependant, la joie de changer de partenaire était un peu douchée par le partenaire lui-même dont le charmant exotisme boucanier ne suffisait pas à effacer l’angoisse qu’éprouvait Violet à partager un tel moment avec lui.
Lui-même cependant ne lui semblait pas ravi de voir la sublime princesse s’éloigner au bras de son frère. Intéressant … Cela avait été fugace, mais Violet était certaine d’avoir aperçu sur son visage une ombre étonnante. Gardant pour elle cette information dont elle ne savait encore que faire, elle se jura d’y réfléchir. Si le bougre était amoureux d’une princesse ou avait un lien avec elle, il risquait de ne pas être l'allié espéré …
Au moment où elle se disait cela, Alexander s’avança vers elle et son coeur loupa un petit battement qu’elle ne put qu’attribuer au croisement de leurs regards: elle avait tellement peur qu’il la reconnaisse ! Se forçant à reprendre son calme alors qu’il s’inclinait, elle ne put pourtant s’empêcher de rosir, et mit sa main dans celle d’Alexander très rapidement afin qu’on ne puisse en noter les légers tremblements tout en effectuant une légère révérence.

“Ce sera un réel plaisir, Monsieur Galloway.” lui confia-t-elle en le suivant vers la piste.

Un plaisir, oui, bien sûr. Des nèfles.

Pourtant, la douceur avec laquelle il la mena vers la piste la toucha. Il n’avait rien de ces hommes arrogants qui péroraient avec leurs cavalières, non. Il semblait la considérer comme précieuse en tant qu’elle-même, et non comme un atout dans sa manche, un diamant à son poing, non en fonction de ce qu'elle pouvait lui apporter. Il n'avait pas la brusquerie dont faisaient souvent preuve ses frères à son égard, ni l’ambition qu’elle sentait dans les gestes de ceux avec qui souvent elle dansait. Elle n’était pas une proie, pas un titre à décrocher, pas une course à gagner. Elle était une personne à son bras et c’était extraordinaire, même si son coeur battait à tout rompre et qu’elle se sentait désespérément crispée.
Rapidement, ils se mirent en position, et la main de Violet s’envola presque sans trembler jusqu'au cadre porté par le bras d’Alexander dont la main reposait, légère, sur sa taille à la finesse inhumaine. L’autre main dans celle, gantée, du jeune homme elle tentait par tous les moyens de ne pas rougir mais ne pouvait empêcher le rose de s’étendre sur ses joues alors qu’elle tentait de ne pas trop croiser son regard.

Il allait la prendre pour une midinette folle amoureuse, tombée sous son charme, c’était presque certain.

Si cette idée avait tout pour la faire ruer à première vue, la jeune noble réalisa que ce n’était peut-être pas une si mauvaise chose. Cela distrairait sans aucun doute son attention de sa véritable identité, l’éloignant complètement de Veronica Jones, en plus de flatter son ego (ce qui, avait-elle appris, était généralement efficace pour endormir la méfiance, particulièrement celle d’un homme). Et puis, Veronica Jones avait des rondeurs plus affolantes que les siennes, un visage constellé de tâches de rousseur et une cicatrice là où sa peau avait la pureté nacrée du lait. On n'aurait pu faire plus éloigné de la pâle blondeur de Violet que la chevelure d’ébène de Veronica, et on ne pouvait guère dire que leurs styles vestimentaires se rejoignent. Elle avait même pris soin de ne pas porter le même parfum, comme elle le faisait toujours ! Non vraiment, seuls son regard, sa taille et sa voix pouvaient la trahir. Or, elle n’était pas loin du mutisme depuis qu’il était entrée en scène, et il y avait sans aucun doute de centaines de jeunes filles de sa taille et aux yeux bleus.
Alors que le parfum aux notes de pin du jeune homme lui chatouillait agréablement les narines, l’emmenant en voyage en forêt, elle parvenait à relativiser le danger, à calmer ses envies de fuite, et à se détendre un peu entre ses bras. Il fallait admettre que, dès les premiers pas, il lui prouva qu’il était bon cavalier et assez rapidement, elle se glissa souplement dans sa manière de mener. c’était si … différent de Percival ou Edmund ! Il dansait d'ailleurs mieux que nombre de ses cavaliers précédents, et c’était, sans nul doute, un bon point pour lui (même si cela n’aidait en rien la cause rebelle, concentre-toi Violet, on se fiche de sa manière de danser).
Elle le sentait tellement différent … C’était troublant. Oui, troublant, c’était le mot exact. Il avait quelque chose de singulier dans la manière dont il la tenait, la guidait, la regardait aussi, et si Violet ne parvenait pas à définir ce petit quelque chose, elle ne manquait pas de l'apprécier, cessant peu à peu de maudire le jeune homme. Un instant, même, elle oublia un peu où elle se trouvait, qui dansait autour d’elle. Elle oublia que ses frères pavanants l’entouraient, elle oublia que ses parents la regardaient à chaque tour, elle oublia qu’il y avait très certainement onze soeurs York en plus de sa belle-soeur qui dansaient aussi, elle oublia qu’il y avait la foule et les fiançailles. Elle oublia qu’en face d’elle se trouvait l’homme avec qui elle avait échangé l’un des plus gros secrets de son existence quelques soirs plus tôt, et releva légèrement la tête assez pour croiser son œil unique au détour d’un tour.
Ce fut suffisant pour qu’une nouvelle vague de rose teinte légèrement ses joues et que son cœur se remette à battre un peu plus vite que le rythme de la valse sur lequel il s'était un peu synchronisé. Mais cette fois, elle n’eut pas envie de lui vomir sur les chaussures et lui adressa un sourire doux où transparaissaient une certaine aisance, mais aussi un peu de gratitude et de surprise.

Le fille Jenkins répondit avec une élégance tout à fait remarquable. Elle avait été clairement bien formée et était assez futée pour se dépatouiller dans une situation imprévue. Intéressant. La princesse lui adressa un sourire chaleureux.

-Je tâcherai de vous remercier convenablement pour votre bienveillance, Miss Jenkins. C'est une qualité que j'apprécie particulièrement.

Oui, et l'intelligence qu'elle devinait dans le regard clair de la jeune femme. Il lui rappelait celui d'Astrance, et la jeune femme qui dançait désormais au centre de la piste lui avait laissé une formidable impression. Ce n'était pas pour rien qu'elle s'était intéressée d'aussi près aux multiples talents de la sororité York. Un dernier sourire à Violet et la princesse était partie sur la piste.

Percival Jenkins se révéla être un danseur tout à fait acceptable. Il était clairement habitué à fréquenter les pistes de danse. Et dans l'art alryonnais de courtiser sans pour autant trop se mouiller. Pas qu'il soit particulièrement subtil dans son intention de séduire la princesse. Pour le moment cela amusait Nehir. Clairement le cadet Jenkins avait une haute estime de lui-même et de ses capacités de séduction. Ou alors il pensait que privée d'un beau prince blond, la pauvre princesse étrangère serait preste à se consoler dans les bras d'un fils de Duc. S'il avait pu hériter du titre, et si la route du Trône lui était définitivement fermée, oui peut-être que Nehir aurait pu s'en contenter. Un Duc restait une belle alliance, et elle n'était pas l'héritière du Califat de son père, c'eut été parfaitement envisageable. Mais à moins qu'un tragique accident ne touche l'aîné des Jenkins, Percival n'aurait jamais le titre de Duc. Il faudrait plus au blond pour apparaître au yeux de Nehir comme une potentielle alliance sérieuse. Elle n'avait pas non plus renoncé à la Couronne d'Alryon, elle était née pour la porter après tout. Il lui faudrait plus que la disparition d'un fiancé pour s'en détourner. Percival n'avait aucune chance.

Mais pour le moment, lui sourire et battre des cils, se montrer plus réceptive et ouverte qu'elle ne l'était réellement ne lui portrait pas préjudice. S'il pensait avoir sa chance, il serait plus vulnérable et peut-être la faille qu'il lui fallait dans l'armure des Jenkins. Nehir avait de fortes suspicions envers cette famille, assez pour qu'elle prenne des actions, mais pas encore de preuves. Percival pourrait bien être la clef, ou alors un bon outil pour la trouver.

Il lui sourit, et elle s’envola. Ses pieds quittèrent le plancher ciré alors que soudain, Alexander la tenait plus fermement, profitant de la volte pour la transformer en fleur éclose. Surprise d’abord, heureuse ensuite, elle ne le quitta pas du regard sans cesser de sourire.

Un instant, elle imagina Rosalie qui devait les regarder, et se demanda que diable sa sœur allait s’imaginer à présent, et ce qui en ressortirait dans leurs lettres.

Violet n’aurait pas imaginé cela lorsqu’il lui avait proposé une danse après s’être fait voler la princesse Jhareelienne sous le nez par Percival. Elle n’aurait pas non plus imaginé cela lorsqu’elle l’avait rencontré dans un salon, autour d’un thé et de macarons. Elle auraient encore moins imaginé cela lorsque, par jeu, elle avait répondu à ce premier pamphlet, ignorant encore tout de celui qui se cachait derrière la plume finement maniée qui avait attiré son attention.
Décidément, cet Alexander Galloway était plein de surprises, peut-être tout autant, peut-être même plus encore, que sa toute nouvelle belle-famille. Il lui paraissait bien plus intéressé par la personne avec qui il dansait que par tout le reste, la foule, les statuts, les titres, et c’était pour Violet une exceptionnelle exception. En douceur, il la guidait dans la valse, communiquant sans mots avec elle, simplement par le toucher, les regards. Et la demoiselle se laissait toute entière absorber au fil des pas, au fil des notes, le regard verrouillé à cet œil unique, perçant, au bleu plus souligné que les siens.
C’est d’ailleurs avec une certaine pointe de déception qu’elle entendit les dernières notes arriver. Elle aurait aimé, il est vrai, danser encore et encore. Le temps d’une valse, elle avait un peu oublié qui elle était, tous ses conflits internes, ces tiraillements, ses angoisses, ces regards permanents. Au moment où il la ramena à sa place, à sa famille, elle lui serra doucement, très discrètement les doigts avec un sourire. C’était un remerciement, sans mots. Pour ne pas se trahir, certes, mais aussi pour ne pas ruiner l’instant, et, dans une moindre mesure, pour rester conforme à l’étiquette. Mais son sourire, sincère cette fois, ne pouvait le tromper.
Puis, gracieusement, elle s’inclina dans une révérence parfaite, avant de retourner vers ses frères qui eux-mêmes remerciaient leurs partenaires sans se douter qu'une nouvelle surprise l'attendait.

L'usage alryonais veut que le partenaire masculin danse avec le consentement de la lady qu'il a invité. Escanor, n'ayant pas pu trouver la partenaire qu'il désire à temps, a fait la demande de la première danse à une autre jeune femme. Il n'est pas sûr de son identité : il y a de fortes chances qu'il s'agisse d'une des sœurs de la fiancée du jour.

Lorsque la première valse s'achève, il peut se libérer en remerciant poliment sa partenaire. Il a pu entrapercevoir au cours de la valse la plus jeun des Jenkins au bras d'une de ses connaissances. Ils avaient conversé sur la possibilité de lui présenter ses amis qui ne seraient certainement pas approuvés par le reste de la famille Jenkins.

Escanor suppose qu'il s'agit de l'influence des York qui les ont poussés à faire quelques compromis aux règles rigides imposées à Violet. Puisqu'une lady de sa classe ne devrait pas converser avec un vulgaire roturier, autant prendre avantage de l'absence de ses chaperons à ses côtés. Ils sont encore occupés à jouer le jeu des convenances sociales. Le champion fend la foule de danseurs qui remercient leurs partenaires et qui retournent à leurs places pour lui demander une danse.

"Bien le bonjour, lady Jenkins. Vous avez une robe ravissante pour l'heureuse occasion de votre famille. Puis-je vous prier de m'accorder l'honneur d'une danse ?"

Il peut déjà imaginer l'expression des chaperons quand ils se rendront compte qu'un vulgaire roturier vient de faire une invitation à danser à leur jeune sœur.

La danse finit, les dernières notes s'évaporant dans l'air, il y avait un battement entre les danses, pour permettre à chacun de se mettre en place. Nehir remerciat gracieusement Percival Jenkins pour la danse. Elle ne manquerait pas de se rappeler à son bon plaisir, peut-être même un peu plus tard dans la soirée. Mais pour le moment elle avait encore d'autres personnes à approcher.

Comme par exemple Alëcjander du clan Faye, qui était justement lui aussi libéré de sa première danse. La princesse s'approcha du groupe composé des deux jeunes gens blonds et d'un homme roux que Nehir ne remettait pas; Il ne devait pas faire partie de la noblesse alryonnaise, peut-être une nouvelle fortune au vue de sa manière de s'habiller.

-Messire Faye, permettez que je vous prenne comme partenaire puisque Miss Jenkins est demandée par Monsieur ici.

Elle avait déjà tendue sa main, indiquant qu'elle n'entendait pas vraiment laisser le choix à son cavalier. Elle avait déjà décidé pour lui.

Et là, alors qu’elle revenait vers ses chaperons, soudain devant elle se matérialisa un géant aux cheveux auburns, habillé dans des nuances de brun et au visage vêtu d’un grand sourire, les yeux pétillants. Alors qu’elle tentait de dissimuler sa surprise et sa joie amusée tout en ne laissant pas le temps à ses chaperons de venir faire leur loi, la princesse de Jhareel s’approcha et vint subtiliser Alexander, l’appelant par un nom bien différent de celui qu’on lui avait donné jusqu’alors. Sans réagir, Violet nota cela dans un coin de sa tête. Peut-être qu’elle avait contre lui plus d’armes qu'elle ne l’imaginait, finalement … Et voilà que déjà elle lui subtiliser son si doux cavalier, aiguisant plus encore l’attention de la jeune noble aux cheveux aussi blonds que la princesse était brune. Oui, il y avait quelque chose entre ces deux-là, quelque chose qu’il n’y aurait pas dû avoir elle en était certaine …
Mais ce n’était certainement pas le moment; il était temps de saisir sa chance, et celle-ci se présentait sous la forme d’un champion de courses, auquel elle fit une gracieuse révérence et confia sa main frêle.

“Ce sera un plaisir, Monsieur Eventide.” sourit-elle en le suivant déjà sur la piste.

Sa main dans celle du champion, la main de celui-ci reposant sur sa taille, il commença à la guider, à la faire tournoyer. Il avait un style de danse bien différent de celui d’Alexander dont elle apercevait parfois l’ombre du coin de l'œil, mais ce n’était pas désagréable, simplement différent. Elle était plutôt contente d’avoir trouvé ici le champion, car il lui avait fait fort bonne impression. Il lui paraissait franc, direct, et plutôt amusant, guère empesanti par les conventions sociales imposées à la noblesse. Elle sentait chez lui un petit parfum d’aventure et de rébellion mêlées à une ambition sous-jacente qui lui plaisaient. L’étincelle dans le regard céleste de Violet témoignait de cette amitié balbutiante. Avec lui, elle ne tremblait pas, malgré sa surprise. Elle avait hâte, à vrai dire, de savoir ce qu’il faisait là, qu’il lui en dise plus, peut-être sur ces amis qu’il comptait lui présenter. La jeune noble était plutôt heureuse, à vrai dire, de ce moment grapillé, presque volé, à ses chaperons, à sa famille qui peut-être ne l’aurait pas laissée danser avec un roturier, tout auréolé de prestige et riche qu’il soit.