Graines de champion - PV Violet

Invité à un enième évènement à la veille d'une course,  Escanor s'y est rendu pour connaître les nobles et possibles futurs sponsors. S'il apprécie ces moments qui lui permettent d'étaler son succès social, il doit en payer la rançon : il est fréquent que les nobles essaient de se servir de son aura d'une manière ou d'une autre. La tactique la plus commune est l'alliance matrimoniale s'ils sont prêts à laisser un roturier dans leur famille de sang-bleus.

Exactement comme dans le cas présent, où il discute avec un baron désireux de lui présenter sa fille. Pour qu'ils fassent plus ample connaissances. Escanor discute poliment, pour ne pas froisser ces membres de lignée de sang bleu capable de dérouler la liste de leurs ancêtres. Il est à peu près que si on leur ouvre les veines, on le découvrirait bel et bien rouge. Ne leur en déplaise. Après avoir réussi à éviter de promettre à demi-mots le mariage, un autre écueil se présente.

Un sponsor qui veut que son griffonnier apprenne de lui. Comme si ses conseils seraient la panacée pour atteindre les plus hautes récompenses. Comme si ses lèvres peuvent proférer les mots d'une pythie à un futur souverain des airs. Escanor se demande si ce jeune homme a la mentalité nécessaire alors il échange un peu avec ce dernier. Et lui souhaite bonne chance avec une claque dans le dos.

Son geste ferait parler un moment ceux qui en ont été témoins puis ils laisseraient couler. Après tout un champion roturier pouvait avoir ses excentricités. Le sponsor serait content et l'interpréterait comme un bon signe. Sans avoir vu la bête, il n'est pas certain que le succès soit au rendez-vous. Escanor s'éloigne vers le balcon pour prendre un peu d'air frais. Il sort un cigare qu'il entend fumer avant de retourner à l'intérieur.

"Merde alors."

Une coupe finement taillée d’un cocktail pétillant et doux à la main, Violet échangeait quelques mots avec un ami de ses frères. Elle voyait parfaitement le regard dont il la couvait, et faisait bien attention à ne pas lui donner trop d’espoirs (sans tout à fait non plus couper court à ses espérances, elle n’était pas sauvage).
Si elle était là, c’était grâce à lui: il était le fils d’un des plus gros sponsors de ces courses, qui était un ami de leur père, et les stades étaient son terrain de jeu depuis l’enfance. Il connaissait les champions, leurs performances, et était un roi des paris. Edmund et Percival le cotoyainet depuis longtemps, et Violet le connaissait puisqu’il venait souvent sur le domaine familial et aimait à se vanter des incroyables courses qu’il pouvait voir.
Un jour, elle avait manifesté son intérêt: il devait être grisant d’assister ainsi à ces compétitions, si près des terrains, si près des griffons ! Ce n’était évidemment pas tombé dans l’oreille d’un sourd et fort peu de temps avait passé avant qu’elle ne reçoive sa première invitation. Bien évidemment, ses frères étaient là pour la chaperonner, et tout était très convenable, mais Violet était ravie.
Un tel rassemblement de riches oisifs n’était pas si courant en dehors des bals et des salons, et c'étaient de nouveaux profils qu’elle découvrait ici. Fort souvent, elle ne pouvait assister aux discussions des hommes: celles-ci se tenaient en salon autour d’un verre d’alcool fort et dans un nuage de fumée de cigare. Ici, ils étaient partout, et les demoiselles étaient de tels objets d'apparat que personne ne se gênait pour parler devant elle: qu’y comprendraient-elles de toute manière ?
La jeune femme laissait donc traîner ses oreilles, n’écoutant que très distraitement à vrai dire son interlocuteurs. Elle parcourait régulièrement la salle du regard, se laissant emmener du groupe en groupe pour être introduite à ceux qu’elle ne connaissait pas. Etonnamment, peu de champions lui furent présentés. Sans doute que leur activité ne devait pas les rendre suffisamment convenables pour parler à une jeune fille de son rang, se dit-elle dans un sourire.
Cette expression s’accentua lorsque l’un des concurrents les plus en vue donna une grande claque dans le dos de l’ami des Jenkins, avant de s’éloigner. Par chance, cette interaction occupait suffisamment son cavalier pour qu'il ne prête plus attention à elle, ce qui lui permit de s’échapper. Elle allait pouvoir aller sur le balcon, admirer la vue et assister à d’autres types d’interactions, peut-être récupérer d’autres informations.
Elle y reconnut la tignasse auburn du champion qui venait de lui offrir involontairement ce moment de liberté, et elle ne put s’empêcher de rire lorsque celui-ci lâcha un juron bien senti.

“Attention, de chastes oreilles pourraient vous entendre !” glissa-t-elle sur le ton de la plaisanterie en s’approchant de lui.

Le champion aux cheveux d'auburn, qui s'est éclipsé en laissant d'autres jaser sur sa petite entorse aux normes sociales pour fumer un cigare sur le balcon, entend un rire. Escanor comprend qu'il n'est plus seul là où il vient de se réfugier. Une jeune femme blonde vient de sortir de la salle de réception pleine de futures graines de champions et leurs sponsors. Pas perturbé pour un sou qu'une noble puisse avoir entendu une grossièreté, le New Creshillois se paie le luxe de répondre avec franchise en grommelant des jurons.

"Par la longue chevelure d'Aëlia, trop chastes pour entendre des choses mais pas trop pour être mariée. Que le vent m'emporte ! Quelque chose me dit que vous avez entendu pire que ça. Et Alizée en connaît sûrement bien davantage. Je ne crois pas vous avoir été présenté, mademoiselle. Je suis Escanor Aloysius Eventide, champion de New Cresthill. Le..."

Le maître ?

Non.

"... griffonier d'Alizée."

Il est curieux de connaître l'étendue du savoir sur les courses de la jeune femme sans que ses chaperons ne puissent intervenir pour répondre à sa place.

"Que savez-vous des courses de griffons, mademoiselle ... ?"

Quel est son nom, tiens, histoire qu'il puisse la visualiser dans l'échveveau complexe des sponsors de courses de griffons. Peut-être est-elle une parente d'un sponsor bien en vue ?

Assortissant sa réponse d’une nouvelle bordée de jurons, Escanor Eventide (car c’était bien lui, elle l’avait reconnu) parvint à accentuer le sourire de Violet. La présentation du champion était bien inutile, mais elle n’en dit rien. Après tout, passer pour une naïve noble inculte avait bien souvent ses avantages. Elle se contenta de poliment le saluer de la tête, prenant un air presque surpris lorsqu’il mentionna Alizée, feignant d’ignorer que ses frères avaient déjà parié sur ce duo détonnant.

“Violet Daphne Rose Danaé Rosalyn Jenkins, soeur d’Edmund et Percival Jenkins d’Alryon,” se présenta-t-elle, terminant la phrase du griffonnier. et lui indiquant ainsi qu’elle n’était pas mariée contrairement à ce qu’il semblait croire. “Et je n’en sais que ce qu’ils veulent bien m’en expliquer, Monsieur Eventide, et ce que je parviens à en comprendre. Ce qui est fort peu, je le crains …” compléta-t-elle modestement, un air de demoiselle naïve sur son charmant visage où battaient ses longs cils. “... Mais je suis persuadée que vous pourriez beaucoup m’en apprendre.”

Elle lui sourit, presque tendre, s’approchant du balcon en bas duquel on distinguait le terrain de course. Comme ils étaient seuls sur ce balcon, cette position, face à la porte fenêtre, lui permettait également de s'assurer qu'aucune infamante rumeur ne pourrait courir: ils étaient à la vue de tous.

“Mes oreilles sont peut-être donc bien plus chastes que vous ne l’imaginez.” glissa la jeune fille. “Quoi qu’il en soit, vous faites partie des hommes du jour, monsieur Eventide ! C’est un honneur que d’avoir ainsi droit à une entrevue privée avec un de ceux vers lequel tous les regards convergent. Tout ça car vous êtes trop poli pour fumer votre cigare à l’intérieur …” sourit-elle. “Dites-moi, connaissez-vous la cote des paris de demain ?” enchaîna-t-elle, feignant de s’intéresser aux courses et à leur vocabulaire.

Le mot "entrevue" si discret, si bien placé dans la conversation allume la lampe solaire qui sert de cerveau à Escanor Eventide. Il a l'habitude de de ce type d'interaction avec les journalistes. Quand ce n'est pas une réunion pour parler d'affaires. La manière dont elle l'a abordée ne cadre pas vraiment avec l'image qu'elle souhaite lui renvoyer. Cette demoiselle a plus de caractère que ses chaperons l'imaginent. Qu'Aelia aient pitié d'eux ! Escanor fait un rictus amusé en inhalant la fumée de son cigare. Les côtes de paris sont un sujet sur lequel il y a énormément d'enjeux. Il exhale.

"Les côtes des paris, hein ? Je sais que celles qui rapporteront le moins mais aussi le plus sont celles qui me concernent. Parier sur ma victoire revient pratiquement à conserver sa mise de départ. Mais parier sur la deuxième place ou la troisième place voire plus bas, le retour sur investissement peut devenir très intéressant."

Une question intéressante : est-ce de la pure malchance sportive ou du trucage de courses qu'un grand champion de courses intercités perde une course alryonaise ?

"Pour mes concurrents, les côtes des paris sont beaucoup plus complexes.  Pour certains, ils n'ont pas d'historique de courses gagnée à leur actif,  pour d'autres, ils ont une bonne lignée de griffons entre leurs mains.  Mais le plus important reste l'état connu de leur griffons. S'il est en moins bonne santé, cela joue sur leur côte."

Elle l’amusait, c’était évident. Etonnamment il paraissait y voir relativement clair dans son jeu, même s’il se garda bien de le clamer. Se décalant légèrement pour éviter la fumée lourde du cigare, elle écouta sa réponse, concentrée sur son visage expressifs, aux traits mobiles. Il n'était pas noble, tout en lui le clamait, et il n’avait manifestement aucune intention de se faire accepter dans ce type de cercles, ou bien il ne se comportait pas ainsi. C’était assez intéressant; en tous cas cela piquait la curiosité de Violet. De plus, il ne tenta aucune explication bêtifiante autour des paris, se montrant étonnamment factuel.
Elle lui sourit en battant un peu des cils. Ce qu’il lui racontait n’avait rien d'une découverte, mais il était intéressant de voir ceci décortiqué de l’intérieur. Elle hocha la tête, voyant se dessiner par contraste la question du trucage des courses, sans qu’il ne l’aborde frontalement.

“Je vois …” émit-elle. “Et vous, qu’en pensez-vous ? Qu’estimez-vous de vos chances pour demain ? Et comment se porte … Alizée, c’est bien ça ?”

Elle jeta un oeil par dessus le balcon, se demandant assez nettement si le griffon se trouvait dans les écuries du stade, à cette heure, ou bien était ailleurs.

“Ne vous inquiétez pas, je n’ai pas l'intention d’utiliser ces informations pour parier, les jeux d’argent ne sont pas pour moi ! Quant à les dévoiler à mes frères … je crois bien qu’ils n’en tiendraient nullement compte tant ils seraient incrédules face à ce savoir soudain !” plaisanta-t-elle poliment.

D'ordinaire, le propos est plutôt avec l'assurance qu'il gagnerait que l'incertitude. Il aime ça le New Cresthillois. C'est moins flatteur mais aussi plus humble face aux aléas de la maladie, de la météo, des nuages et aux concurrents tout aussi désireux que lui de gagner. Ses chances de gagner sont bonnes sur ce terrain dont il connaît bien les repères du sol. Très bonnes par ciel dégagé. Encore meilleure avec un autre temps puisqu'il connaît bien la route.

"Je pense que mes chances sont bonnes. Honnêtement, Alizée n'est plus toute jeune pour un griffon mais elle a encore de l'énergie à revendre. Je crois en elle. Je ne participerai pas avec Alizée si je pensais que cela mettrait en danger sa santé."

"Vos frères parient ? Vous en avez de la chance d'avoir une fratrie. Je n'ai pas eu cette chance. Je suis orphelin. Il est regrettable qu'ils n'écoutent pas une jeune femme aussi intelligente que vous. Ma mère disait toujours que la voix d'Aelia passe par les femmes."

Il passe un regard  mélancolique sur l'environnement préparé pour la course. Il connaît assez bien le déroulement des courses pour en imaginer les caravelles placées pour permettre aux spectateurs de voir l'ensemble de la course. Sa mère, une présence disparue au lendemain du soulèvement de New Cresthill. A-t-elle été tuée dans la fureur des combats ? Emmenée sur Kharzem avec les rebelles, les insurgés  ?

Escanor n'est pas sûr après tant d'années. La prison des Cinq Cités a une réputation terrible au point qu'il pense qu'il y a des chances qu'elle soit décédée là-bas. Son père a renoncé à s'occuper après sa disparition. L'a refourgué aux bons soins d'un de ses amis éleveurs.

Sa confiance en lui fit sourire Violet. Il paraissait parfaitement au fait de ses propres chances, et surtout, très attaché à Alizée. Le champion était peut-être plus tendre qu’il n’y paraissait … Violet hocha poliment la tête à ses paroles, avant de la relever un peu, piquée par ce qu’il disait sur le fait d’avoir ou non une fratrie. Elle lutta légèrement pour ne laisser filtrer aucune amertume sur son visage, et garder l’expression douce qui lui était consacrée dans ce contexte.
Le champion, lui, ne se donna pas cette peine. Sur son visage filtraient tristesse et mélancolie alors qu’il regardait l’endroit où il courrait le lendemain. Peu habituée à ce type d’interactions alors qu’elle était sous son identité de noble, Violet en fut un peu désarçonnée. Comment réagir ? Son instinct lui disait de se rapprocher de lui, et de se montrer compatissante. Cependant, ce n’était pas ce que l’on attendait d’une jeune femme noble, qui aurait du poliment ignorer cet accès d’émotion et rester sur des sujets de surface, surtout en discutant seule à seul avec un homme tout aussi célibataire qu’elle (après tout, il n’avait pas d’alliance). Elle craignait un peu les conséquences de cette entrevue, mais ne pouvait pas, décemment, ignorer complètement ce qu’il venait de lui dire.
Violet se rapprocha donc un peu d’Escanor, tout en restant à une distance honorant la pudeur qui était de mise pour une jeune femme comme elle. Discrètement, cachant cela à la salle par son propre corps, elle lui posa une main légère sur le bras.

“Vous savez … je ne devrais sans doute pas vous dire ça, mais le rapport à la famille et à la fratrie en particulier chez les nobles alryonnais n’est sans doute pas celui que vous imaginez.” lui confia-t-elle avec un sourire doux. “Je suis sincèrement désolée pour vous parents.” ajouta-t-elle.

Elle allait pouvoir lui dire qu’elle aussi avait connu cette douleur, mais c'était bien évidemment impossible. Après tout, Lord et lady Jenkins étaient bien vivants, et de manière officielle, elle était la fille de cousins de la famille: elle était donc née dans le satin et la soie et y avait toujours été choyée, après tout.

“Votre mère m’avait l’air bien sage,” continua-t-elle dans un sourire, destiné à contrer la tristesse qui tordait le visage du griffonnier. “Auriez-vous besoin d’en parler ?” proposa-t-elle sur un ton doux.

Violet défiait là un certain nombre de règles tacites de son rang … Mais elle pourrait toujours se justifier a posteriori en mettant en avant cette incartade comme une volonté de se rapprocher du champion en vue, qui devait rouler sur l’or et pourrait lui permettre des accès facilités à certaines sphères lui permettant d’approcher des jeunes hommes aussi puissants que célibataires; ou bien comme une preuve de ses qualités humaines de future épouse, prête à écouter son mari. Elle était de toute façon connue pour sa douceur, son empathie, pour prêter une bonne oreille aux autres. Elle avait tellement travaillé cela … Mais actuellement, sa démarche était sincère, il fallait l’admettre.

Il n'en doute pas. Il a suffisamment interargi avec les nobles ces dernières années pour savoir que les codes familiaux, sociaux sont très différents des roturiers. Honneurs, Pouvoirs, Fortunes, Alliances. Escanor aurait pu les comparer à des griffons fiers et puissant qu'il convient de flatter, de cajôler et de patiemment dompter. Des relations qui ne se construisent pas en un seul jour. Cela, il ne le dira certainement pas à une noble.

En parler ? Le champion New Cresthillois inhale une nouvelle bouffée de son cigare, l'exhale en rassemblant ses souvenirs de sa mère. Elle avait disparu à son dixième anniversaire, un âge assez avancé pour s'être fait pleins de souvenirs d'elle.

"Ma mère, Aliénor, était une apprentie novice d'un monastère dédié au culte d'Aelia. Mon père, Escavalon, était un petit négociant en textile qui vendait de l'équipement aux griffonniers. Des selles, des fontes, de la toile cirée pour se protéger de la pluie. Enfant, je croyais qu'elle était une princesse délivrée par mon père d'un château en ruine couvert de lierres et camouflé par des nuages sur un bloc sembable à New Cresthill. Je crois que mon père l'a rencontrée lors d'une escale sur un bloc-monastère et il est reparti en promettant de l'aimer peu importe ce que les vents d'Aëlia sur leur vie commune."

"Elle s'est installée avec mon père sur New Cresthill et s'est mise à travailler comme institutrice. Elle savait lire, écrire et aimait enseigner aux enfants de New Cresthill. Je me souviens particulièrement du temps passé à anônner les lettres et des soirs à la lueur des chandelles des prières adressées à Aëlia. Elle avait gardé l'habitude de prier pour que les courants aériens soient favorables aux voyageurs. Et puis un jour, un vent de feu et de sang s'est soulevé sur New Cresthill. Les orages me rappellent encore aujourd'hui le sons des mousquets."

"Au lendemain, lorsque ce vent destructeur est parti, elle n'était plus là. Elle avait disparue. Mon père a commencé à boire, à cesser de prendre soin de lui. Il faut lui reconnaître qu'il a trouvé l'énergie de me confier à un de ses amis, éleveur de griffons avant de complètement sombrer dans l'âbime. Cette épreuve est le vent qui m'a mis sur le chemin d'Alizée. Cette rencontre merveilleuse qui m'a apporté tout ce dont un enfant rêve. La gloire de remporter des courses. L'or des victoires."

Peut-être est-ce une histoire douce-amère au fond. Est-ce que tout ce qu'il a reçu après la perte de sa mère est une forme de compensation divine ? Il ne saurait le dire. Le penser serait d'une arrogance extraordinaire envers les desseins des dieux.

Inspirant et expirant sa fumée, le champion semblait ressasser ses souvenirs tout en faisant piquer les yeux de Violet. Etonnamment, il se livra avec une facilité qui déconcerta Violet. Par ces confessions, il ne respectait aucun code associé ni à la masculinité, ni à ce type d'événements, ni à une discussion avec une jeune noble, et encore moins au comportement attendu par le moindre aristocrate. Évidemment, ce dernier point ne le concernait pas, mais Violet était bien rarement confrontée à un comportement à ce point détonnant alors qu’elle était dans son propre rôle de noble. Cela la désarçonner quelque peu. Sous un autre rôle, elle l’aurait sans doute mené à l’écart, proposé de s’asseoir. Peut-être lui avait-elle proposé de lui payer un verre, caresser le dos, échangé quelques confessions.
Malheureusement, Violet Daphne Rose Danaé Rosalyn Jenkins n’avait pas ce loisir. Pourtant, elle sentait sa gorge nouée par ce qu’il lui racontait, et son sang bouillir à l’idée de ces révoltes si violemment et injustement réprimées alors que ces gens n’aspiraient qu’à plus de liberté. Les nobles étaient vraiment des pourritures auxquelles seuls leur pouvoir et leur domination absolue importaient. Mais ça encore, elle ne pouvait le formuler à voix haute …
Cherchant quoi dire, quoi faire qui corresponde à son rang, elle ne put que lui sourire et presser légèrement son bras de sa main, signe de soutien et de tendresse. La soie ocre se plissa légèrement sans un crissement doux aux oreilles de Violet, alors que le tissu semblait liquide sous la pulpe de ses doigts. Il s’était habillé pour l’occasion … Son geste fut accompagné d’un sourire appuyé, exprimant une certaine sympathie. Après quoi, elle le lâcha: les contacts trop prolongés de femmes célibataires avec un homme étaient mal vus, et elle ne tenait pas à voir d'infamantes rumeurs courir à son sujet. Sa réputation impeccable était son meilleur paravent et elle tenait à le garder en parfait état.

“Je suis absolument désolée. Toutes mes condoléances. je ne peux qu’imaginer la douleur de ces pertes, et la peine associée à ces souvenirs.” la dit-elle d’une voix douce. “J’ai entendu parler de ces révoltes, mais je n'étais pas encore née à cette époque. Je … Je suis sincèrement peinée de tout cela.” Elle aurait voulu préciser que le résultat de ces révoltes et leur répression la désolaient bien plus que les révoltes elles-mêmes qui étaient plutôt une bonne chose à ses yeux. Malheureusement, elle n’en avait pas vraiment le loisir. “Mais de ce que j’en entends, ces dures épreuves vous auront permis de trouver votre voie, et ce qui fait votre bonheur.” tenta-t-elle de la rasséréner. “Quel âge a Alizée ?” demanda-t-elle ensuite. “Cela fait longtemps que vous êtes aux côtés l’un de l’autre ?”

Oh, ces informations étaient très certainement présentes dans des articles de journaux détaillant les différents concurrents, mais Violet ne s'intéressait pas assez aux courses pour cela d’une part. D’autre part, et c’était là le principal argument à mettre en avant, elle était à peu près certaine qu’Escanor pourrait lui apprendre sur lui-même et son griffon bien plus et de manière bien plus intéressante que n’importe quel journal. Le jeune homme proposait un tel contraste avec tous ceux qu’elle fréquentait sous son costume de noble qu’elle avait envie de prolonger un peu l’instant, avant qu’on ne finisse, immanquablement, par venir la chercher et la remettre sur le droit chemin.

Escanor est très certainement un formidable provocateur, adepte de casser les codes avec une efficacité redoutable. De lui, on dit souvent qu’il est grossier, qu’il est un excentrique à qui l’on passe ses manies en raison de sa célébrité. Paradoxalement, il est loin de revendiquer en tant que tel cette notoriété. Le champion new cresthillois peut sentir la main de Violet brièvement passer sur la manche de sa veste de soie ocre avant de se retirer. Un bref contact, un sourire triste marque de sa sympathie. Son intuition ne l’a pas trompé, cette femme est plus qu’elle n’affecte réellement de l’être.

En société, il ne fait pas bon de dévoiler les masques d’autrui en faisant le savoir de manière frontale. Ces révoltes comme elles les appellent font aujourd’hui partie de l’Histoire. Enseignée à l’école. Racontée par les anciens et ainés qui l’ont vécus et portent en eux cette mémoire. La jeune noble insiste sur le positif de l’évènement. Alizée est certainement la meilleure chose qui lui soit arrivée. Sa main libre s’en va disperser la fumée dans le sens opposé de la jeune femme qui lui pose des questions sur son griffons.

« Elle a dix-neuf ans. Et nous en avons partagés quinze de ces années ensemble. Chaque jour est une bénédiction d’avoir son affection. Les récompenses ne sont que secondaires à côté de ça. »

Son discours est étonnamment court pour un homme si à l’aise avec la parole.

Après avoir dissipé la fumée de son cigare, ce dont Violet lui fut immédiatement reconnaissante, le champion lui donna une réponse étonnamment courte. Malgré le peu de mots, pourtant, il y transparaissait très clairement l’affection qu’il portait à sa monture, l’amour qu’il avait pour elle, et tout ce qui pouvait composer ce lien indescriptible qui les liait l’un à l’autre. Elle retint une expression triste lorsque lui vint la pensée que personne ne l’avait jamais aimée comme cela et qu’elle-même n’avait jamais aimé personne comme cela; le visage de Rosalie vint alors chasser les nuages dans son esprit. Leur lien aussi était indescriptible, fort bien au-delà des mots.

“C’est très beau, ce que vous dites, Monsieur Eventide.” confia Violet. “Pardonnez-moi pour cette question désagréable, mais le jour où il faudra mettre Alizée à la retraite, pensez-vous continuer les courses avec un autre griffon, ou bien vous aussi cesser ces concours ?”

Il lui semblait que les deux cas de figure existaient, et elle se demandait réellement de quelle trempe était le champion. Et puis, cela lui permettait de faire la conversation encore un peu plus longtemps et ainsi d’échapper aux rencontres que lui imposaient ses frères. Face à elle, elle n’avait pas la sensation d’avoir un masque, et c’était plutôt rafraichissant dans ce contexte.

La retraite de Alizée… Voilà un sujet bien fâcheux pour le champion. C’est une question qui commence à se poser à mesure qu’ils prenaient de l’âge tous les deux. Être lié aussi longtemps et avoir remporté des épreuves rend difficile d’envisager de participer sans Alizée. Il a déjà concouru avec d’autres bêtes que Alizée parce qu’il est difficile de maintenir un tel rythme de victoire sans disposer d’au moins plusieurs griffons. Effectivement, la retraite de son griffon favori peut signifier aussi la sienne par extension.

Il sait bien qu’Alizée sera encore là à l’attendre à l’écurie et qu’ils pourront encore voler ensemble dans un autre contexte que les courses de griffons. Comme un vieux couple qui ont bien vécus et qui s’adonnent à la promenade après une vie effrénée. L’image ne lui semble pas si mal. Dans le cas inverse, s’il continue les courses, combien de temps peut-t-il encore maintenir ce rythme ? Encore combien d’années ? En tout cas, cette jeune noble mérite une réponse tout aussi honnête et franche que les précédentes.

« C’est une question difficile que vous me posez-là. Nous avons partagés tant que choses depuis si longtemps qu’il m’est difficile de penser à continuer sans Alizée. Je réfléchis davantage à cette question ces derniers temps. Je me suis aperçu que nous ne rajeunissions pas tous les deux. »

« Ce que j’envisage c’est de choisir à un moment de participer une dernière course ensemble. De préférence une course inter-cités pour que le rideau qui se refermera sur notre pièce de théâtre soit le plus éclatant possible. De faire rêver à jamais les gamins de suivre mes traces comme je le faisais enfant avec les grands griffonniers du passé. »

« Mais que foutre à la retraite avec Alizée ? Voilà une meilleure question à laquelle je n’ai que des débuts de réponse. Il tombe sous le sens que je continuerai mes activités d’éleveurs, peut-être même me proposerai-je comme mentor et sponsor d’une future étoile. »

Et quoi encore ? Se lancer en politique ? S’acheter une charge de la noblesse ?

« Ce serait pas mal l’anoblissement comme fin de carrière. »

La champion n’aurait pas tenu dix minutes dans le jeu de pouvoir des nobles, mais être face à un visage qui exprimait ses pensées et émotions de manière aussi ouverte avait un certain charme. Ou bien il était très bon manipulateur, et savait parfaitement jouer de cela, ce qui en ferait un petit génie du jeu aristocratique au contraire. Amusée par cette idée, Violet ne laissa pour autant percer aucun sourire, son attention focalisée sur le champion et ce qu'il lui expliquait. Elle comprenait à peu près la difficulté d’envisager la retraite: c’était quelque chose d’assez éloigné d’elle, qu’elle n’aurait sans doute jamais à vivre … sauf qui on considérait que se marier était se retirer du monde lorsqu’on était une femme, ce qui était souvent une certaine forme de vérité.
Lorsqu’il évoqua ses projets, ou plutôt leur absence, elle eut cette fois un vrai sourire.

“Ce sont de belles perspectives que vous évoquez, monsieur Eventide. Soyez certain que je serai là pour assister à votre dernière course, dans ce cas, et que je vous supporterai peu importent les paris de mes frères.” lui assura-t-elle. “Vous feriez sans aucun doute un mentor très demandé … Quant à l’anoblissement … Vous n’êtes sans doute pas sans savoir qu’Alryon accorde fort rarement ce type de titres à la légère, ou du moins, pas des titres dignes d’un grand intérêt. Et vous méritez sans doute mieux qu’un titre honorifique de chevalier !” glissa-t-elle dans un sourire.

Elle sembla hésiter un peu à dire la suite, alors même qu’intérieurement, elle s’amusait énormément dans ce personnage de jeune noble un peu naïve, un peu prude.

“J'imagine que vous savez que le moyen le plus simple d’accéder à un titre de noblesse qui vaille cette appellation est d’épouser la fille d’un noble. Et que le calcul le plus efficace serait sans aucun doute l’aînée d’un noble sans fils: celui-ci fera tout pour vous faire anoblir à sa mesure, je vous l’assure.” glissa-t-elle dans un sourire des plus innocents. “Oh, ne me pensez pas impudente: ce n’est en rien une manière de vous suggérer de vous intéresser à ma personne ! Aussi en vue que vous soyez, aussi riche que vous soyez, je pense que mes chers parents n’accepteraient aucun mariage en dessous de notre condition pour leur unique fille.” ajouta la jeune femme avec un sourire charmant.

Ceci dit, sous ses airs de demoiselle innocente, elle venait d’énoncer plusieurs vérités.

Il se retourne pour s'accouder au muret du balcon qui s'élève à la hauteur de ses hanches. Le New Cresthillois garde cependant un bras libre pour continuer à savourer son cigare et éloigner la fumée par intermittence quand elle commence à être trop adondante.

"Je vous enverrai un courrier quand ce sera effectivement le cas mademoiselle Jenkins. J'espère que vous arriverez à convaincre vos chaperons de vous laisser la voir."

En effet, un paradoxe fâcheux. Le mariage est la voie la plus simple et facile aux regards des lois alryonaises concernant l'annoblissement. Choisir la partenaire qui deviendra la maîtresse du domaine Eventide n'est pas une chose qu'il peut faire à la légère. La durée de son célibat s'allongeant, les gens s'intéressent de plus en plus à son cas d'autant plus que sa réputation est importante.

"Je croule sous les demandes de mariage de familles nobles à vrai dire. Je ne peux pas choisir comme ça en choississant une lettre au hasard et accepter la demande. Je ne compte pas me marier juste pour un titre. C'est quelqu'un qui partagera ma vie, s'occupera de mon domaine, dirigera les domestiques que j'emploie. Surtout lorsque je suis absent."

Il ne peut résister à l'envie d'ajouter une plaisanterie.

"Ah bon ? J'ai failli me laisser y prendre. C'est fort dommage que vos parents seront sûrement contre. Tout comme vos frères. Peut-être devrais-je vous présenter mes amis célibataires nobles de mon cercle. Ils sauront certainement écouter une femme aussi intelligente que vous."

Sur ces derniers propos, il est beaucoup plus sérieux. Et curieux de voir ce qui se passerait.

Gracieusement, elle le remercia d’un signe de la tête assorti d’un sourire. Sa proposition était généreuse, et elle avait les mêmes espoirs que lui à ce sujet. La suite, cependant, l’amusa beaucoup, et son sourire se fit moins poli et plus franc alors qu’elle avait envie de rire. Evidemment, elle se retint: une jeune femme noble célibataire, sans chaperon, qui riait à gorge déployée avec un roturier célibataire fumant le cigare ? Quelle indécence ! Ce qui pétillait dans son regard se fit étincelle lorsqu’il plaisanta avant de lui-même lui proposer de jouer les entremetteurs.

“C’est fort flatteur, Monsieur Eventide, mais je crois que vous confondez épouse et intendante !” se moqua-t-elle gentiment. “Si vous le souhaitez, il existe des journaux tout exprès pour passer des annonces de recherche de ce type de poste” ajouta-t-elle, un peu mutine. “Je puis cependant vous assurer que je ne correspond pas à ce que vous cherchez: mes capacités de gestionnaire seraient pour vous une bien grande déception ! Peut-être vos amis sauraient-ils s’en satisfaire ? Bien plus nombreux sont les hommes intéressés, je le crains, par l’allure, le rang et la dot de celles qu’ils courtisent que par leur culture, leurs compétences ou leur conversation.”

Elle se retint d'ailleurs de justesse d’ajouter que sans cela, fort peu de nobles se marieraient … Cela sortirait bien trop de son rôle. Elle se sentait déjà à la limite. Pourtant, Violet avait la sensation qu’Escanor Eventide la testait, et ne tenterait pas de lui nuire pour ce petit débordement. La jeune noble assortit d’ailleurs sa dernière phrase d’un sourire entendu, avant d’ajouter:

“Êtes-vous d'ailleurs certain que ma famille n’a pas déjà repoussé les avances de vos amis à mon égard ? Cela fait partie de leurs habitudes ! ne répétez pas ce que je m’apprête à vous dire, mais je serais fort curieuse de découvrir ce fameux cercle, s’ils apprécient les femmes intelligentes, ils sont très certainement plus intéressants que la majorité de ceux qui peuplent ces réceptions.”

Escanor Eventide était encore plus bavard qu’elle ! Voilà un constat auquel elle ne s’attendait pas avant de le rencontrer. Lorsqu’il lui dicta l’annonce du journal, elle fut forcée de se tourner dos à la salle, face au vide pour pouvoir réellement sourire, et rire un peu, tant cela l’amusait. Il fallait admettre qu’elle n’avait pas imaginé cela en venant à cette réception …

“Je crois que ce n’est pas Jack Burrows mais bien moi qui suis votre secrétaire ici, Monsieur Eventide !” plaisanta gentiment Violet. “Mais je suis certaine que votre annonce rencontrerait un grand succès.” lui assura-t-elle.

Hochant la tête à ses propos sur la presse, elle ne pouvait s’empêcher de songer à la puissance de ces publications. Puissance que son réseau avait bien compris comment utiliser, mais qui la fascinait toujours assez. Le champion avait tout à fait raison de les craindre: la presse pouvait s’avérer redoutable.
Le regard de la jeune Jenkins s’alluma un peu lorsqu’il lui confirma que ses amis étaient sans aucun doute bien plus intéressants que les riches idiots présents dans ce genre de réception. Elle se permit un sourire en coin.

“Au vu de votre manque de conventions, cela ne m’étonne pas vraiment. Ne prenez surtout pas cela comme un reproche, Monsieur Eventide: cela en est des plus éloignés, je vous l’assure.” lui sourit-elle. “Je serais ravie d’avoir la possibilité de rencontrer ces amis qui m’ont l’air fascinants.”

Violet aurait avec plaisir continué la conversation, mais la porte fenêtre s’ouvrit, révélant Edmund qui arborait un visage aussi fermé et inexpressif qu’à son habitude. Pourtant, elle était presque certaine qu’en la voyant seule sur un balcon avec un homme, loin de son rang qui plus est, il avait serré les dents.

“Ah, Violet, te voilà !” s’exclama-t-il en traversant à grandes enjambées la distance qui les séparait. “J’espère qu’elle ne vous a pas importuné, Monsieur Escanor; je suis désolé, ma soeur peut parfois faire preuve d’impolitesse.” s’excusa-t-il en la saisissant par le bras. S’il n’y avait aucune violence ou aucune rudesse dans le geste, il ne contenait aucune douceur non plus, et la manière dont les doigts de son frère s’enfoncèrent dans sa peau ne laissait aucune place au doute: elle n’avait rien à faire là, et il ne supporterait pas un autre entorse à l’étiquette. “Rentrons, Violet.” trancha-t-il.

Avec un petit sourire d'excuses, elle salua le champion d’une révérence, alors que son frère se fendait d’un simple signe de tête. Puis, Edmund l’entraîna à l’intérieur, après avoir assuré à Escanor qu’il serait de pouvoir échanger avec lui au sujet des courses … ce qui sous entendait: “sans ma gêneuse de petite soeur mal éduquée dans mes pattes.”.

“Tu ne dois pas te … balader sans chaperon, Violet ! Jamais, pas tant que tu n’es pas mariée ! Alors, tiens ton rang, et cesse de nous faire honte avec tes ... originalités et tes jacasseries: tu t’imagines un instant que quelqu’un comme lui pourrait s’intéresser à tes histoires de femme ? Il n’est pas de notre milieu, tu n’as absolument rien à faire avec lui. Reste à ta place, et ne t’éloigne pas de Percy ou de moi. Tu devrais le savoir depuis le temps !” tempêtait Edmund à voix basse près d’elle alors qu’il la ramenait au coeur des mondanités.

L’escapade était définitivement terminée, et Violet s’excusa une nouvelle fois platement,sans résister, baissa même la tête en signe de contrition. Retenant sa colère, comme toujours, elle plaque sur son visage un sourire doux et innocent, et se rangea près de son aîné alors qu’il commençait à discuter, parfaitement silencieuse jusqu’à ce qu’on l’introduise, image parfaite de l’éducation alryonnaise.

Ce qui lui change cette soirée, c'est qu'il est passé du plaisir à provoquer les bonnes moeurs de la haute société alryonaise au plaisir d'amuser une noble. Le champion New Cresthillois a été agréablement surpris de découvrir que Violet Jenkins a de l'humour et un sens de la répartie que les convenances sociales de la noblesse alryonaise ne permettent que peu aux femmes.

"Je vous en prie, mademoiselle Jenkins. Ce sera un plaisir de vous permettre de les rencontrer. Je trouverai bien un artifice."

A vrai dire, son secrétaire a déjà bien à faire avec son courrier. Il trie tout ce qui lui est destiné avant de lui apporter les lettres qu'il juge intéressante. La masse d'enveloppes qui arrive chaque jour peut être assez impressionnante. Souvent des demandes en mariage. Il s'apprête à lui raconter une anecdote savoureuse sur un voyage qu'il avait fait quand un Jenkins sauvage ouvre la porte-fenêtre. Le retour des conventions de la haute société. Au secours.

Monsieur Escanor ? Autant la jeune Violet a pris soin de l'appeler par son nom, autant le jeune Edmund Jenkins l'appelle par son nom. Sont-t-ils assez proches pour qu'il puisse se le permettre ? Il lève un sourcil ombrageux. Il manque peut-être de sens des convenances mais le New Cresthillois s'étonne que la politesse chevillée au corps de la noblesse ne l'aie pas retenu de l'appeler Monsieur Escanor. Parler de l'impolitesse de sa soeur en étant lui-même impoli. Escanor peut mesurer à quel point il est sans doute en rage devant ce manquement à l'étiquette.

Le geste de saisir sa partenaire de balcon n'a rien de doux, d'ailleurs. Pas violent non plus.

"Non, permettez-moi de vous assurer ce fut une fort charmante compagnie Monsieur Jenkins. J'ai apprécié beaucoup notre discussion. Que les vents d'Aëlia vous soient favorables, mademoiselle Jenkins."

Un amateur de pari sur les courses de griffons, hein ? Il saurait s'en souvenir.