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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae]

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Shimada Akio
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptyDim 7 Jan - 17:06
Crépuscule pluvieux. Gemmes ternes caracolant sur les tuiles d'ardoise, un de ces soirs sans saveur où le monde entier se pare de nuances de gris, où chats et souris portent le même pelage, où les nuages muraillent opaque la lueur des soleils qui n'ont d'autre choix que de tirer leur révérence dans la plus triste indifférence. Les rues de la Cité de Ryoshima ont quant à elles fleuri de parapluies de papier plus ou moins chatoyants et de larges chapeaux de paille, cohorte basse de travailleurs tardifs sur le chemin du retour ou de dames sorties dîner, de vieillards nonchalants ou d'enfants que l'heure sombre presse de rentrer chez eux.
Parmi ces silhouettes affairées, blotti sous son ombrelle d'un vert fougère qu'il a rehaussé de motifs floraux de kudzu, Shimada tranche la foule en direction du port aux claquements de ses sandales sur le pavé mouillé. Du peintre il a troqué les vêtements confortables, un brin trop précieux, contre deux kosode sans histoire, grège serré sous anthracite plus lâche, tandis que ses cheveux attachés haut par une pique de métal à l'arrière de son crâne tracent son indistinct sillage. Rien d'autre à son flanc que les cordons de sa ceinture, seul le fond de ses manches dissimule quelques sous et son éventail, quand dans sa bouche l'extrémité de sa langue s'assure que la fausse prémolaire chargée d'aconit tient toujours bien en place. Pour lui ou un autre — l'avenir le dira — puisqu'il est de ces soirs où il n'est jamais sûr d'en revenir et qu'il vaut mieux emporter ses secrets dans l'outre-monde plutôt que de les voir dérobés.

Ses pas lestement le rapprochent du bord du Bloc, quittant les ruelles plus résidentielles pour l'amas commerçant et guère famé du quartier portuaire, là où izakaya de piètre fréquentation et manufactures insomniaques drainent leur populace sous une centaine de lanternes borgnes. C'est non loin de ces radoubs ordinaires que l'espion s'arrête, devant l'ébène solitaire de l'office douanier. Ici le vent souffle plus fort, remontant des rives escarpées de Ryoshima, et dissuade les travailleurs de s'attarder dehors s'ils n'ont rien à y faire ; la porte d'entrée du bâtiment est aussi étroite que celle d'un fond de cale, de même que l'issue opposée dont Shimada inspecte la praticité en faisant un tour de reconnaissance du bâtiment — dérangeant au passage un chat pelé qui cherchait à s'abriter des éléments. En cas de nécessité, l'endroit regorge de cachettes sûrement préférables à une course dans ce labyrinthe de bois et de débris, et il le note comme pense-bête pour plus tard. Là-haut à l'étage, une faible lumière jaunâtre bave sur une vitre à quatre carreaux : oubli ou présence malvenue ? Quoi qu'il en soit, c'est bien là qu'on lui a préconisé de venir s'il souhaitait des renseignements sur les transports en caravelles, car on y consigne systématiquement une copie des registres de fret, des documents marchands et la liste des passagers. Le responsable en chef a paraît-il la mémoire absolue et un sens aigu de la transaction, sans affiliation politique autre que le respect des horaires et des répertoires, aussi n'hésitera-t-il pas à exhiber tous les documents possibles pour prouver sa bonne foi si l'on venait à lui faire remonter une possible erreur.
Et ça, ça arrange beaucoup Shimada.
L'idée n'est cependant pas de lui voler dans les plumes trop vite. Zane recommande toujours la discrétion avant la négociation — et s'il est possible de mettre la main sur ces informations sans avoir à montrer son visage, c'est un avantage à ne pas laisser échapper, d'autant que s'intéresser de près à la présence d'un noble ryoshimais sur une caravelle de retour de Tolenca pourrait mettre la puce à l'oreille de bien des autorités. Par conséquent, c'est avec une vigilance accrue que l'espion se dirige vers la porte arrière, replie ensuite son parapluie puis fait lentement coulisser le battant de bois afin de se faufiler dans l'office. Que le verrou ne soit pas mis indique bien la présence d'une personne, même si la pièce principale, au rez-de-chaussée, est plongée dans une pénombre jaunie par les lampions à l'extérieur et qu'aucune trace d'eau n'est visible sur les lattes du plancher. Aucune, sinon celle que laisseront ses semelles et la pointe de son ombrelle au pied du meuble où il s'en déleste.
Asari Fusae
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptyLun 8 Jan - 18:53
Mettre la main sur les registres de l'office des douanes. Discrètement. Une tâche à laquelle elle est la mieux adaptée de tous l'équipage de la Nef des Fous. Au grand dam du second Omiro Kyriakos d'ailleurs. La subtilité n'est pas le fort des loups des vents. Sous ce temps de merde habituel de la saison des pluies, Fusae rôde autour des radoubs battus par le vent. Une silhouette  suspicieuse qui fait le tour du bâtiment la devance visiblement dans ses intentions.

Elle préfère attendre de voir ce qui va se passer. Elle-même ignore ce qui l'attend à l'intérieur. Est-ce que l'individu est armé ?  Si c'est le cas,  ses deux surins, arme facile à cacher dans les replis des vêtements, auront raison de lui. Le corps ? Même pas un problème pour s'en débarrasser. Elle n'est pas loin du bout du bloc. Il lui suffit de le traîner jusqu'à là et de le balancer.  Le lendemain, quelqu'un constaterait la disparition d'un ami ou elle ne sait quel autre lien d'attaches.

Voir ce qui va se passer, se rapprocher pour déceler et entendre ce qui peut se passer  est sa position actuelle vis-à-vis de la situation.
Shimada Akio
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptyVen 12 Jan - 12:02
Chaque pas exige un temps infini pour être déployé dans le silence, évitant ainsi de faire grincer les vieilles lattes de bois sous ses tabi. Sans lanterne ni lueur autre que celle projetée par l’ouverture du premier étage, Shimada se dirige quasi à l’aveugle en direction d’un meuble mille-tiroirs, celui-là qu’il avait repéré lorsqu’il était passé un jour précédent devant le bâtiment, alors ouvert, pour préparer sa venue de ce soir. C’est à l’intérieur que l’officier compile les documents afférents aux déplacements des caravelles en cours, avant qu’il ne les compile dans les archives une fois les opérations achevées et les marchandises débarquées. Si un espion souhaite connaître la nature des biens en partance de Ryoshima, cet endroit est une mine d’informations soigneusement empaquetées — et comme personne n’imagine que des registres puissent avoir de la valeur pour un quelconque voleur, elles ne sont pas mises sous scellés. Shimada n’a donc qu’à trouver, l’œil collé aux étiquettes — mai 153, juin 153 — ha, juillet 153, mois du départ — et ouvrir le tiroir correspondant pour en sortir l’enveloppe propre au trajet recherché. Forcément, comme il y a eu de nombreux départs ce mois-ci, il doit ensuite dénicher la bonne, puis éplucher les feuillets qui la composent, et ce faisant il remercie en pensée le vieux responsable de se montrer aussi consciencieux dans ces formalités : quel bonheur de tomber aussi simplement sur l’objet de ses recherches !

Kotohara Shigeru, 32 ans, et son père Kotohara Kentarō, 56 ans, ainsi qu’une dizaine d’assistants et domestiques. Descendants de miroitiers de renom à la cour impériale, ils appartenaient au kuge depuis que leur aïeul, proche de l’antépénultième empereur, avait obtenu la main d’une noble d’à lors ; leur influence dans la profession était telle qu’il était rare de ne pas trouver dans la Cité un miroir qui ne porta pas le sceau de leur clan, et quiconque traitait le verre sur l’ensemble du bloc savait avoir affaire à eux au sommet de la hiérarchie. Leur voyage à Tolenca devait être dicté par des impératifs commerciaux, à n’en pas douter, d’autant qu’il était à prévoir que les échanges auxquels ils avaient procédé là-bas les eurent rendu encore plus riches. Leur caravelle croulait à coup sûr de couronnes d’or, de cadeaux et de matériaux précieux, en plus de leurs propres biens d’aristocrates. Quant à dénicher le renseignement qui offrirait à Zane matière à les faire chuter de leur piédestal... Voilà qui était du ressort de Shimada.
L’avantage de vivre sur un bloc qui jure d’abord par la réputation.

L’œil de l’espion passait ainsi en revue les lignes de marchandises à l’export, consciencieusement. Le silence, naguère froissé par le bruit des papiers manipulés, était retombé sur l’officine tandis que, dehors, une seconde silhouette d’ombre s’approchait à pas rapides du bâtiment, les mouvements empreints de suspicion.
Asari Fusae
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptyDim 14 Jan - 18:41
Plutôt que de faire le tour du bâtiment comme les autres individidus suspicieux, Fusae s'assure que personne d'autre n'interférera avec ce qui se déroulera dans la bâtisse. Il est évident que ce ne sont pas un voleur normal puisque les seuls objets d'intérêts sont les  registres de fret. Elle craint surtout que l'occasion de consulter ces documents ne s'envole suite à cela. Après avoir confirmé qu'il ne semble pas avoir d'autres ombres humaines se faufilant sous la pluie et les lourds nuages gris chargés de vapeur d'eau condensées, la pirate s'introduit à l'intérieur.

Sur le sol de la pièce, deux séries d'empreintes mouillées de pas l'accueillent dans la pénombre. Ils tracent un chemin qu'elle n'a qu'à suivre pour connaître leur objectif. Prudente, elle tire une dague d'autodéfense pour être prête à frapper si le besoin se fait sentir. L'autre poignard reste caché, pour surprendre un adversaire la croyant désarmée après une clé de bras. De quelle scène va-t-elle être témoin ? La pirate n'en sait rien, il lui faut encore atteindre la pièce où le futur drame se déploiera.

Laissant derrière elle des traces d'eau et faisant le moins de bruits possibles, Fusae avance dans le bâtiment. Soudain un éclair illumine la fenêtre, le flash attire les yeux de Fusae sur les deux silhouettes dans la pièce. Bientôt, le grondement de tonnerre se réverbera  dans tous le bloc. Point d'orgue d'une tragédie digne des théâtres de Fujinokawa ? Ou d'une négociation entre deux individus louches ?
Shimada Akio
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptySam 20 Jan - 14:47
La liste des biens transportés par Kotohara père & fils s’éternisait. Outre leurs accessoires personnels et le nombre presque aberrant de kimonos qu’ils emportaient — de quoi se changer deux fois tous les jours, à vue d’œil —, il fallait compter les possessions des dix domestiques qui les accompagnaient — loin d’être aussi nombreuses que toutes celles des deux nobles réunis — et, enfin, tomber sur les marchandises en tant que telles, en troisième partie du registre, juste après les chargements de nourriture. Là, le regard de Shimada s’attarda. Un palanquin en pièces détachées. Un coffre d’ébène. Deux porte-kimonos. Des tissus et des vêtements. De la vaisselle par plateaux entiers. Même une boîte de cosmétique. Si Kotohara junior avait prévu de se marier à Tolenca, il n’aurait pas emporté autre chose pour étaler sa richesse aux yeux de sa future dulcinée. Mais cette hypothèse n’avait pas de sens, puisque le célibat du commerçant était chose publique et si jamais il avait eu l’intention de se fiancer prochainement, il était certain que l’information se serait répandue dans toute la Cité comme pétale au vent. Surtout à une étrangère, pensez-vous donc. Pourquoi, alors, emmener ces objets sur un autre Bloc ? À moins qu-

Le son chuintant de la porte. Les clapotis de la pluie qui s’intensifient l’espace de quelques secondes, le temps que quelqu’un pénètre dans l’arrière-pièce. Le sang d’Akio qui se fige, une fraction infinitésimale, et le réflexe d’enfoncer la page qu’il était en train de lire au fond de sa manche, dans l’écho de la porte coulissante qui se referme. Trop tard pour chercher une cachette. Après tout, il y a quatre-vingt-dix-neuf pour cent de chance qu’il s’agisse de l’officier des douanes, qui d’autre ? Le un pour cent restant, c’était lui, l’espion, et voilà que cette probabilité s’était déjà produite. Alors deux fois dans la même soirée... N’empêche, quel responsable administratif passerait par la porte arrière de son propre lieu de travail, à une heure où il a tout à fait le droit d’y être trouvé ? Curieux.
« ...Qui êtes-vous et que faites-vous dans mon bureau ? »
Un ton ferme, sans être agressif. Une carrure modeste, mais un faciès parcouru de rides sévères sous un crâne à demi rasé sur lequel se projettent les reflets de la moindre lumière alentour. Droit devant le comptoir où il a refermé à la hâte le registre, Shimada saute à pieds joints dans son rôle, courbette à l’appui :
« Ah... Bonsoir monsieur, pardonnez-moi d’être rentré sans m’annoncer. Mon nom est Nakagomi Ritsu, je viens d’être engagé par la maison Kotohara pour remplacer l’un de leurs domestiques souffrant. Il avait été chargé de préparer le retour de mes maîtres... qui est prévu demain, si l’on m’a bien renseigné. »
La posture inclinée lui permet d’arranger en même temps la manche qui dissimule la feuille du registre, sous couvert de lisser son vêtement. Au cours de ses explications, il a pu voir le sourcil de son vis-à-vis se hausser de circonspection, tandis qu’il devina les embranchements pris par son cerveau pour décider de la marche à suivre. C’est qu’il peut presque la visualiser, cette toile d’araignée intellectuelle où se meut l’esprit à l’affût du meilleur croisement à adopter pour parvenir au centre, à l’objectif, sans se faire dévorer par la bête qui s’y déplace. Et s’il est familier de cet exercice discursif, c’est parce qu’il le pratique tous les jours assidûment.
« Êtes-vous le chef officier Hattori san ? », hasarde Akio, inconfortable, pendant que l’homme se rapproche d’un pas vif, et l’oblige à s’écarter du bureau s’il ne veut pas être touché quand il tend la main pour la plaquer sur le registre exposé, l’air de vouloir le protéger.
« Oui, c’est moi-même. Et ceci devrait être rangé. »

À la faveur d’un éclair, leurs prunelles se croisent — se jaugent. Le vert sombre, fébrile, cogne contre les deux gemmes de suie nerveuses qui le scrute. S’il s’agit bien du responsable, songe l’espion tout en mimant une nouvelle excuse, il se rendra compte tout de suite qu’il manque une page dans le registre s’il lui prend de le vérifier devant moi et il m’accusera. Je ne peux donc plus compter sur ça pour justifier ma présence ici... En vérité, il imaginait la personne plus âgée, peut-être plus austère aussi, tel un fonctionnaire fusionné avec ses lunettes et ses carnets, un rat de bibliothèque façon comptoir administratif, une belette en costume d’intendant des finances. Or, l’individu face à lui lui évoquait davantage un soldat réformé qu’un professeur tâtillon. Mais qui est-il pour juger au faciès, en sa présente qualité d’humble serviteur sans trop d’éducation ?
« Toutes mes excuses, Hattori san. Puisqu’il n’y avait personne quand j’ai frappé, j’ai cru être arrivé trop tard pour vous demander comment préparer l’arrivée de demain, et...
...donc vous avez préféré vous servir vous-même ? Y a-t-il une si grande pénurie de domestiques, pour que l’on en recrute d’aussi irrespectueux que vous dans le clan Kotohara ? Voilà qui m’étonne beaucoup, jeune homme. »
Akio baisse la tête, feignant l’embarras. Ou presque pas. Il ne feint rien du tout — il est ce pauvre serviteur impotent, malmené par des affaires qui le dépassent et dans lesquelles il a mis le pied sans trop savoir ce qui se passe. Son maître est un noble des plus estimables, sa famille d’extraction modeste, ses ambitions limitées au bol de riz qu’il pourra obtenir chaque soir et à la paye de chaque mois. Voilà tout ce qu’il est sur cette scène ombrageuse d’un soir d’orage, rien de plus, moins que rien.
« Hattori san... » reprend-il comme pour retenir l’aîné qui retourne vers les armoires de rangement, le dossier avec lui. Le grondement du tonnerre couvre quasi sa voix volontairement plaintive. Et le reste de la phrase demeure suspendu dans un second éclair, alors que son interlocuteur soudain pivote d’un quart, braqué vers le fond de la pièce. Akio n’a rien perçu de l’éclat métallique que l’autre a cru saisir, ce qui l’a détourné du meuble ; pourtant, il est capable de sentir la brusque tension qui rend tout à coup la pièce suffocante.
Asari Fusae
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptyDim 21 Jan - 13:42
Restée dans la pénombre ambiante, Fusae, qui perçoit les individus à la faveur de l'orage, écoute la conversation d'une mine soupçonneuse. L'un prétend être Nakagomi Ritsu, un domestique de la maison Kotohara, l'autre ne se dévoile pas encore. Pourquoi sont-t-ils tous deux entrés par la petite porte ? Elle approche discrètement de la porte coulissante, le seul obstacle qui reste entre elle et ces messieurs louches. Un nouvel éclair tombe pendant qu'elle porte sa main libre pour faire glisser le plus tranquillement possible la porte coulissante.

Le domestique lui offre une distraction bienvenue, le son de sa voix couvrant le chuintement éventuel de la porte. La rapide confirmation qu'il est l'officier administratif Hattori se solde par un échange de regards entre les deux individus. Une confrontation intéréssante. Fusae apprécie la fente qu'elle a ouverte, estime qu'elle est suffisamment large pour lui permettre de se glisser rapidement dans la pièce. Elle apprête son poignard calculant le timing de son attaque.

Voyant que le supposé responsable administratif se dirige vers les armoires, Fusae sait qu'elle n'aura pas meilleure occasion de l'acculer et de le piquer. Encore et encore jusqu'à qu"il soit hors d'état de nuire. Elle bondit tel un chat léopard, l'éclat de sa lame attirant l'attention du soldat réformé. Ce dernier se retourne et fait face à un agresseur déterminé à le piquer.  Hattori réagit aussitôt en portant ses bras et ses mains pour se protéger de l'inévitable coupure.

Malhereusement, il est dos aux armoires et n'a aucun espace pour mettre de la distance. Fusae s'adapte à son réflexe, pointe la lame plus bas sachant par expérience qu'il accumulera les blessures en cherchant à se préserver des coups aux organes. La pirate porte sa main libre sur les vêtements de sa victime pour limiter ses possibilités de mouvements. Hattori comprend comprend très vite qu'il est dans une situation de danger mortel. Il est acculé contre des armoires, face à un couteau et à une main qui cherche à le saisir.

"Ha ! Non !"
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptyMar 23 Jan - 12:45
Il ne s’écoule même pas une seconde entre cette soudaine suspension dans la posture de Hattori et le bond félin qui s’ensuit, cette silhouette surgie de l’ombre pour l’acculer aux armoires. La liasse du registre lui glisse des mains et se disperse au sol dans son réflexe pour se protéger —pâles éclaboussures des papier sur le bleu nuit du parquet — et Akio n’a que le temps d’une inspiration pour réagir. Filer sans demander son reste ? Ramasser les feuilles à l’aveuglette et filer avec sans demander son reste ? Ou intervenir dans cette collision alors qu’il n’a aucune idée de qui est qui ni de pourquoi. Mais le 1 % restant s’est apparemment transformé en récurrence, de quoi lui faire regretter de n’avoir pas joué aux dés aujourd’hui, vu la chance qui lui tombe dessus. Enfin, la malchance, plutôt.
« A-arrêtez..! »
Encore dans son rôle d’innocent impotent, c’est la chose la plus idiote — et donc plausible — qui lui vient à l’esprit de jacter afin de préserver sa couverture de domestique, puisque courir vers la porte alors qu’il y a un assassin dans la salle s’apparente davantage à un suicide désiré. Vrai, un coup de poignard dans le dos est si vite arrivé et quitte à être pris pour cible à son tour, il peut mieux espérer se défendre en se tenant face à son agresseur qu’en le fuyant. Par ailleurs, son cri n’est d’aucun effet car ni l’un ni l’autre des deux opposants ne se détourne, trop accrochés qu’ils sont ; Hattori cherche en revanche à riposter, à saisir d’une part la main armée de son assaillant afin d’en restreindre l’avancée, quitte à s’y couper. Il compte sans doute sur sa force brute pour le maîtriser ou, à défaut, sur sa seconde main qu’il lance en avant pour attraper le visage de l’agresseur et le repousser, selon des gestes d’auto-défense qu’Akio ne peut associer à l’idée d’un simple administrateur. Cet homme-là n’est pas ce qu’il prétend être, pas s’il est capable de montrer de pareils réflexes. Et pour l’espion, cette information est tout aussi dangereuse que la situation présente. Car s’il n’avait pas affaire à Hattori, pourquoi une troisième personne chercherait à attenter à la vie de celui-ci ?

C’est à ce moment-là qu’un craquement de bois venu de l’étage fracture le silence belliqueux. En haut des escaliers menant au logement de fonction de l’officier, le halo de lumière d’une lanterne frôle les murs autour du palier sans encore dévoiler la forme de son porteur. Shimada retient son souffle. Il s’agit à l’évidence de la lueur aperçue un moment plus tôt, tandis qu’il inspectait l’extérieur de l’office : il y avait donc bien une personne là-haut — le véritable Hattori, s’il devait parier sur son identité.
Encore un qui aurait mieux fait de rester caché.
Asari Fusae
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptyMar 23 Jan - 18:44
Très occupé, en effet. Hattori comme Fusae sont pleinement concentrés dans leur accrochage aux allures de danses mortelles. Il regarde les gestes de la pirate avec l'oeil aiguisé d'un combattant aguerri. Et ses décisions prises sur l'instant sont loins d'être celles d'un citoyens ordinaire tant on y retrouve un sang-froid tout militaire dans chacune d'entre elle. Il y a de l'entraînement derrière. Pour Fusae, ses techniques semblent plus brutes, plus habituée au combat de rues pouvant survenir à n'importe quel instant.

Inconscients du cri de Akio et de l'arrivée du troisième larron, l'un essaie de renverser la position de victime et de bourreau, l'autre s'active à le piquer cruellement. Hattori avance son autre main vers le visage de la pirate. N'étant pas née de la dernière pluie, la pirate lui décroche un coup de genou dans les parties génitales.

"Ouh !", s'exclame le supposé Hattori, qui tente par réflexe de les protéger en les éloigner.

Malheureusement, il se cogne dos contre les armoires ce qui lui rappelle combien il a désespéremment besoin de davantage de possibilités de manoeuvre dans l'espace. Se reprenant très vite, Hattori repart de plus belle sans réaliser, sous l'effet de l'adrénaline et de son attention sur le poignet de la main armée de Fusae qu'il retient, qu'une manche dépasse de son ventre.

La pirate a profité de cette éphémère fenêtre d'action pour utiliser son deuxième surin caché dans ses vêtements. Le faux Hattori ne le réalise pas encore. Il sent juste que ses forces l'abandonnent petit à petit, signe que ses blessures précédentes commencent à diminuer son énergie. Fusae sent ce moment, là où sa proie redoublera de fureur ou s'effondrera. Ses actions jusqu'alors lui fait dire qu'il préférera se battre comme un vent fou furieux pour sauver sa vie plutôt qu'abandonner.
Shimada Akio
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptyJeu 25 Jan - 19:56
Un effluve rance, poisseux, se répand dans la pièce. Le nez de Shimada ne le trompe pas, ses tympans non plus — les brefs bruits humides qu’il perçoit au cours de la lutte sont ceux de la chair qui se perfore sous la lame, une fois, deux fois, trois fois. S’il n’anticipe pas, il n’y coupera pas non plus. Au-delà de la menace, pourtant, c’est l’étonnante intrication de cette situation qui lui occupe l’esprit et bouscule ses pensées, car il y a deux inconnues de trop dans cette équation et, pour l’instant, aucune résolution à l’horizon. Sauf cette lueur qui pointe à l’étage, de plus en plus grosse quoique lente dans son approche, comme inquiète. Puis une jambe qui se pose sur la première marche visible, un pied maigrelet dans une pantoufle pointant de sous un hakama sombre, quasiment ton sur ton avec l’obscurité. Du propriétaire l’espion n’en découvre pas davantage, car le faux Hattori s’écrie, la voix gargouillante de douleur et de panique :
« F-fuyez..!! Ne d-...endez pas ! »
Nouvelle donnée mathématique à inscrire sur le tableau noir : le quatrième individu n’est pas la cible du deuxième. Celui-ci aurait plutôt intérêt à ce que celui-là reste en vie. Faudrait-il en déduire, selon le principe que tout ennemi d’ennemi est un allié potentiel, et inversement, que la personne aux poignards cherche aussi à en attenter au vrai Hattori ? Une telle conjecture ne ferait pas la chance d’Akio, pour qui une scène de crime est plus souvent une épine dans le pied qu’une promenade de santé. Et surtout pas pour la victime. Or, en l’occurrence, il n’a pas trop le choix ; si l’administrateur découvre le carnage qui s’est produit dans son office, il ira ou bien rejoindre sans délai son imitateur au rang des regrettés travailleurs ou bien tentera de rameuter tout le quartier — avant de rejoindre sans délai son imitateur.

La lumière, figée par la clameur, hésite à peine quand Shimada bondit à son tour vers les escaliers, négligeant pour un instant les deux combattants collés aux armoires. Du haut des marches, elle aperçoit le mouvement qui se rapproche, comprend le danger, recule avec une plainte aiguë, un poil rouillée, comme un essieu qui grince. Terroriser ses cibles n’est pas dans les habitudes du peintre, qui avec son minois androgyne parie davantage sur la communication et non l’intimidation pour mener ses plans à bien ; qu’on le fuie par peur a donc de quoi le surprendre, et tandis qu’il s’élance à la poursuite du fonctionnaire il lui faut retenir un réflexe tout idiot de vouloir le rassurer sur ses intentions. Je ne vous veux aucun mal. Ne vous inquiétez, il ne vous arrivera rien. Des mensonges qu’il ne prononcera pas, non par sursaut de sincérité, mais parce que l’autre ne les croirait pas. Ne les écouterait sûrement guère plus, en proie qu’il est à la terreur.
Grimpant les marches à toute allure, Akio distingue le nuage numineux s’échapper au fond de l’unique couloir sans issue et se précipite, incapable de prédire si l’homme aura assez de courage pour tenter de sauter par la fenêtre ou s’il est parti chercher une arme pour se défendre, auquel cas la partie risque de se terminer encore plus mal qu’escompté.
Non.
Apparemment il arrête sa course ici, trop apeuré pour risquer de se casser les jambes en atterrissant, trop docile pour manier autre chose qu’un mètre et des feuillets de registres. Accroupi dans un coin, les deux bras levés pour protéger son visage, il tremble dans l’éclat jaune de sa lampe, implorant qu’on ne l’approche pas, qu’il ne possède rien de valeur, qu’il n’est qu’un gratte-papier sans intérêt. Vision pathétique d’un homme ordinaire qui n’a rien demandé à personne et prie pour que cette soirée qui se voulait tout aussi ordinaire ne soit pas sa dernière. Shimada fait un pas. Nouvelle plainte. Il n’a pas le temps de compatir. Pas le goût non plus. Encore un pas. On lui jette la lanterne dessus, en dernier espoir pour le faire battre en retraite, et lui s’avance d’un bond pour la rattraper des deux mains, craignant qu’une modeste flammèche n’embrase le papier des shōji. La soulève devant son visage — souffle dessus, comme pour signifier la fin de la veillée.

Ténèbres.
Craquement de bois.
Suppliques.
Akio déteste cet aspect-là de son travail mais, parfois, il y est obligé.
Et un jour, en vengeance, c’est la nuit à son tour qui s’abattra sur lui.
Asari Fusae
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptyVen 26 Jan - 12:30
Le malheureux Hattori, poignardé à plusieurs reprises, supplie une nouvelle personne, probablement le véritable Hattori de fuir. Les bruits de pas sur le plancher signale que le domestique s'est lancé à sa rencontre. Est-ce qu'il prend la fuite lui aussi ? Merde. Merde. C'est franchement un foutoir que son capitaine et second ne seront pas ravis d'entendre. Le mieux qu'elle puisse faire désormais est de tirer du Hattori mourant et des registres le plus d'informations possibles.

Fusae se calme, souffle pour chasser l'adrénaline injecté dans ses veines qui lui a servi à vaincre l'homme à l'allure de soldat. Désormais réduit à l'état d'un homme qui sait la faux de la mort approchante, il continue de défier du regard son assaillante. Visiblement, cet homme a une cause en laquelle il croit et pour laquelle il renoncerait à la vie sans hésiter. La pirate est dégoûtée par ce manque d'instinct de conservation typique des soldats.

"Hattori-san, je ne t'apprends rien en te disant que tu vas mourir. Une mort lente ou une mort rapide."


"À condition que tu ne me dises ce que je veux savoir."


"Tu as le choix Hattori-san."

Elle a entre ses mains le pouvoir d'abréger ses souffrances. La manière la plus simple de lui arracher des informations, des vérités.

"Mon nom n'est pas Hattori ; je suis Eiji Fumio, soldat de l'armée des Cinq Cités. Je travaille sur couverture dans les ports. Mon rôle est de localiser les équipages pirates et contrebandiers. Je vous en prie, épargnez Hattori-san, il n'a rien à voir avec tout ça. Tout peut s'arrêter avec ma mort."

"Que venais-tu faire ici Eiji-san ?"
Shimada Akio
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptyVen 26 Jan - 20:53
Ses bras tremblent d’avoir autant forcé. Le corps inerte de Hattori pèse sur sa poitrine, l’écrase presque après que son poids les a entraînés tous deux au sol — faute d’avoir eu l’envie de l’y laisser tomber comme une masse morte. Une part de lui aimerait reposer là, ne pas se forcer à redescendre pour affronter ce qui l’attend. L’autre part s’écœure de ce qu’il vient de faire et n’aspire qu’à disparaître, quitte à emprunter la fenêtre. De toute manière, il n’a guère le choix, ne peut être trouvé ici, comme ça, que ce soit par ce meurtrier en bas ou n’importe qui d’autre, il n’est pas en sécurité. Machinalement, il place deux doigts sur le cou de l’administrateur, cherche la pulsation de cette jugulaire qu’il est allé presser de longues secondes pendant que sa victime, entre horreur et résignation, lui broyait l’avant-bras en geignant. Dans sa cruauté, Akio se considère chanceux ; l’homme n’était ni porté sur la musculation ni enclin à résister comme un démon. En tout et pour tout, il n’a pas fallu plus d’une minute pour le neutraliser, une durée qu’il n’aurait pu excéder au risque de perdre lui-même toute capacité à combattre. D’ailleurs, s’il doit se préparer à un second affrontement avec le survivant du rez-de-chaussée, il devine que c’est la défaite assurée et la perspective de rendre l’âme pour cause de seppuku involontaire ne constitue pas franchement une raison de se réjouir.
À contre-cœur, il se résout néanmoins à repousser le corps du fonctionnaire puis à se remettre debout, la vision assez accoutumée à la pénombre pour lui permettre de se rapprocher de l’escalier sans trop de difficulté. Pris par sa propre lutte avec Hattori, il n’a pas réussi à saisir distinctement la conversation en provenance de l’étage inférieur mais son attention a capté une voix jeune, agenrée, qu’il ne croit pas le moins du monde appartenir à un simple gamin des rues en quête d’un larcin ni à un chasseur de têtes chevronné. Quoi, alors ? Et quelle erreur lui-même aurait-il pu avoir commise pour qu’on veuille lui jeter un tel ocelot dans les pattes ?

Pas à pas, il a le temps de se poster en haut des marches avant d’entendre le faux Hattori — Eiji san, de ce qu’il a compris à l’instant — tousser avec peine. Cette respiration erratique laisse peu de place à l’interprétation ; emportera-t-il ses objectifs dans sa tombe, en espion respectable, ou finira-t-il plutôt en soldat fier, prêt à partir avec le plus d’ennemis possible ?
« Et en quoi cela t’importe, petit ? Tu m’aurais épargné... si tu avais su..? Ha ! »
Son rire n’en a même plus la force. Même sans distinguer son visage dans l’obscurité, Akio peut imaginer son amertume. Il descend d’une marche, vient attraper son épingle à cheveux pour la glisser contre l’intérieur de son poignet. Sa seule et unique arme. Pas que cela vaille grand-chose contre des couteaux, quoiqu’elle a déjà fait ses preuves contre des globes oculaires. Son chignon se dissout en une rivière opaque alors que Eiji reprend, sur la fin :
« Le type que je pistais... il te laissera pas repartir. L-lui fais pas confiance... ‘est d-... la pire espèce... Tue-le avant qu-... te tue... »

Le.
Fils.
De.
Sa mère.


Le coup du mensonge ? Bah, Akio ne lui en voudrait pas, c’est de bonne guerre. Eiji l’a mauvaise, chacun son tour, les voilà quittes. Mais induire cette menace pour inciter son propre meurtrier à se débarrasser de sa cible première ? Ça. Ça c’est moche. Et franchement perfide.
Surtout quand c’est lui, la cible première.
Asari Fusae
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptySam 27 Jan - 17:34
En réponse à sa question, le soldat mourant commence par cracher ce qui ressemble fortement à un refus.

« Et en quoi cela t’importe, petit ? Tu m’aurais épargné... si tu avais su..? Ha ! »

Cependant, il change d’avis en voyant que Fusae s’apprête à empirer ses derniers instants.

« Le type que je pistais... il te laissera pas repartir. L-lui fais pas confiance... ‘est d-... la pire espèce... Tue-le avant qu-... te tue... »


Bien, elle n’a plus rien à tirer de lui. La pirate n’a plus qu’à réfléchir  à ces informations douteuses et à peser le pour et le contre. Dans tous les cas, le risque existait que l’autre larron aille la dénoncer à la milice ou autre force armée légitime présente dans la cité.  Fusae plaque sa main sur la bouche d’Eiji tandis qu’elle récupère la lame qui a servi à le blesser mortellement.

« Je vous remercie Eiji-san. Fais de beaux rêves. »

Des mots prononcés d’une voix douce et égale alors que la main meurtrière lui tranche la gorge sans plus de fioritures. En silence. Fusae essuie la lame ensanglanté sur les vêtements du soldat puis commence à le fouiller pour tirer un maximum du cadavre. Argent, objets précieux, papiers, tout est fait rapidement pour ne pas perdre du terme. Elle découvre ainsi un tatouage  d’araignée sur une toile ; un symbole qui fait froid dans le dos. Le mort n’est pas juste un simple soldat, il travaillait pour le compte d’un puissant à la Cour de Ryoshima. Même une pirate de passage comme elle a déjà entendu les rumeurs.

La deuxième chose significative qu’elle trouve est un papier tâché de sang non signé. Elle le lit à voix haute, par manque d’habitude de la lecture en silence.

« J’envoie Hana récupérer la preuve du trafic des Kotohara. »

« Hana-san donc. »

Elle réalise qu’il s’est sauvé par la porte coulissante pendant qu’ils se battaient un peu plus tôt. Sa présence étant d’une nature également douteuse combien sont les chances qu’il aille raconter à la milice qu’il y a un assassin dans la demeure du responsable administratif portuaire ? Fusae a-t-elle le temps de s’éterniser, de faire ce pour quoi elle est venue ?

Très bonne question. Son oeil est attiré par un registre qui a étrangement bougé pendant que Eiji-san s’est effondré contre l’armoire. Elle l’attrape et constate qu’il est plus léger qu’il en a l’air. On dirait que Hattori garde des petits secrets lui aussi.

« Pour ce regard là
J'ai jeté mon cœur
Dans l’abîme »

Des haïkus d’amour.  Hattori-san semble soupirer auprès d’une femme, Chihiro Harumi. Quel est donc le secret d’un homme ordinaire ? Soudain, une lanterne se réverbère à la fenêtre. Un patrouilleur enveloppé dans une toile cirée s’est approché de la bâtisse. Fusae hésite. Les chances augmentent dangereusement de se faire prendre et d’être dénoncée par l’autre homme. Elle se tait, reste baissée pour ne pas être une silhouette noire qui se découpe sur la lumière de la lampe solaire du milicien.

Ce dernier toque gentiment à la porte d’entrée officielle de la bâtisse. Ce qui est un bon point en faveur d’un comportement ne soupçonnant rien du drame qui vient de se dérouler.

« C’est moi, Chihiro Mitsuaki, Hattori-san. Tout va bien chez toi ? »

Oh merde. Un parent de la femme dont parle les poèmes d'amour de Hattori ?
Shimada Akio
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptyLun 29 Jan - 17:55
Un moment encore, Akio patiente avant de redescendre les escaliers. Puisque l’assassin ne lui fait pas face, il en déduit qu’il n’a pas été vu, mais le temps qu’il atteigne le rez-de-chaussée aura certainement raison de son invisibilité et, sans connaissance des intentions de ce type, il serait trop dangereux de s’avancer ainsi à portée. Alors il attend. La respiration sous contrôle. Le rythme cardiaque au repos. Prête l’oreille à ces mille petits bruits évocateurs de la précision avec laquelle l’autre termine le travail, manipule la dépouille, fourraille dans ses vêtements. Lui ne veut pas croire qu’Eiji fût la véritable cible et que, une fois décédé, le danger serait écarté. Non. Tout dans ce qu’il perçoit de la scène laisse entendre que l’objectif était ailleurs, mais pas non plus un second assassinat. En vérité, Shimada est prêt à parier que, si Eiji n’avait pas été là pour servir de martyr à sa place, c’est lui qui serait allongé au sol dans le gargouillis chaud de sa gorge qui déborde. Merci donc pour cet involontaire sacrifice. Il ira brûler un bâtonnet d’encens au temple, pour la peine.

Un pied sur la marche inférieure.
J’envoie Hana récupérer la preuve du trafic des Kotohara. Grimace. Cette simple phrase explique la présence de ce pisteur dans son sillage — il a dû intercepter ce message transmis par Zane à l’un de ses hommes sur le port, afin qu’ils prêtent main-forte au peintre si jamais il avait besoin d’un abri ou d’un relai la nuit même. Mais qui ? Yasu, qui travaille comme assistant avitailleur ? Pontocho, aussi surnommé l’écumeur de tavernes, toujours à crécher à droite à gauche dans les ateliers chaque fois qu’une paire de bras supplémentaire est la bienvenue ? Le jeune Kenta, fils cadet d’un ancien armateur qui s’était racheté une conduite après ses jeunes années de piraterie ? Ou d’autres, dont Akio ne connaît ni les noms ni les visages ? Dans les faits, il lui est impossible de savoir si le destinataire de ce message a été appréhendé ou non, et le cas échéant, dans quelle condition se trouve-t-il actuellement. Néanmoins, cela n’inquiète pas le peintre outre-mesure : chacun son rôle, chacun ses secrets. Chacun sa mort. Il fera juste attention, en ressortant de cette bâtisse, à ne pas être suivi de trop près par quiconque.

L’autre pied sur la marche inférieure.
Froissement de feuilles. Trois vers envolés. Pourquoi ranger des poèmes d’amour dans l’étagère qui lui sert à compiler ses registres de fret ? Pour un administrateur rigide, cet Hattori n’a pas peur que l’on tombe sur ses épanchements littéraires... Comme quoi, on peut faire le métier le plus bureaucratique du monde, cela n’empêche en rien le cœur de se consumer ardemment.

Un pied sur la marche inférieure.
Lumière — le myocarde qui rate un battement, le souffle qui s’interrompt — tout le corps à l’arrêt. Puis les frappes sur la porte. L’appel, coutumier. Shimada ravale un soupir. Ce n’est pas souvent qu’une mission lui donne autant de fil à retordre, comme si le sol naguère solide s’était transformé en un bourbier inextricable, où chaque nouveau pas pour s’en sortir rencontre une nouvelle fente boueuse prête à l’engloutir. À croire qu’ils se sont tous passés le mot, ce soir. Et l’autre souris en bas qui ne bouge plus, tapie dans l’ombre, de quoi laisser le champ libre à Akio pour s’évader discrètement par l’arrière, puis akami et à jamais !
Il y a un monde où il l’aurait fait. Se couler en silence au bas de l’escaliers, longer la paroi jusqu’à l’arrière-salle, récupérer ses geta, son ombrelle, se faufiler par la porte de derrière et laisser l’orage l’avaler dans le crépuscule. Il y a un monde.
Mais pas celui-ci.
S’il joue les fuyards, il est à parier que le gamin crierait au meurtre pour dévier l’attention et précipiter tous les soudards du coin à ses trousses, provoquant un désordre qu’il préférerait s’épargner. Dans le pire des cas, cela entraînera l’apparition d’un autre macchabée sur le plancher. Par conséquent, il n’a pas le choix. Les nouveaux coups sur la porte attestent que le Chihiro campé derrière n’est pas prêt de repartir sans une réponse, ou tout du moins une inspection en règle des environs, et s’il lui prend la lubie de coller son œil à la vitre, avec sa lampe à côté, c’est fin de partie pour les deux belettes à l’intérieur.
« Hattori-san ? J’ai vu la lumière à l’étage... Réponds ! »
Les gens qui insistent sont d’une lourdeur...

L’autre pied sur la marche inférieure.
Et toutes celles qui suivent, en cadence, sans plus de discrétion.

Aussitôt a-t-il mis les voûtes sur le parquet qu’il retire ses chaussettes d’un geste vif, les fourre en vrac dans sa manche, défait sa ceinture tout en marchant pour ensuite retirer le kosode gris qui dissimulait la seconde couche de tissu, plus claire, et le replie par-dessus son bras, à l’instant où il arrive au niveau du raton laveur et de son cadavre, assez près pour qu’il l’entende, assez loin pour s’éviter un assaut inopportun.
« Ne bouge surtout pas tant que je n’ai pas refermé cette porte ou c’est fini pour nous », chuchote-t-il entre ses dents, aussi sèchement qu’il le peut. Parce que l’efficacité de son plan tient en partie à cette exigence — s’il ne la respecte pas, ce sera chacun pour soi, Kami pour tous. D’ailleurs, il n’attend pas sa réponse qu’il est déjà reparti.
« Ay, ay, j’arrive ! »
Sur sa langue, soudain, l’accent rustique des montagnes du Nord. Pour réussir, l’illusion doit prendre forme en un claquement de doigts : jeter son habit sur une caisse dans l’angle mort du seuil ; se plier en deux vers l’avant ; passer les doigts dans ses cheveux depuis la base de la nuque jusqu’au sommet du crâne ; se redresser tout aussi promptement, décoiffé comme au saut du lit ; ouvrir son habit puis en tenir resserré le col au niveau du sternum, juste assez pour sauver sa pudeur, mais trop lâche déjà pour ne pas laisser éclore ses clavicules. Il ne lui manquerait qu’une touche de maquillage pour être réellement méconnaissable — il fera l’impasse cette fois.
Avant d’ouvrir diligemment l’entrée.
« Toutes mes aixcuses pour l’attente..! Qu’y a-t-il ? »
Devant lui, l’allégorie de la stupeur. Ébloui une seconde par l’éclat de la lampe, Akio lève une main en écran sur son visage depuis l’embrasure de la porte, puis se glisse dans l’interstice pour en condamner la vue. Déjà les premières gouttes lui éclaboussent les pieds par ricochet, mais toute son attention est concentrée sur l’homme au large chapeau de paille qui se tient face à lui, sans doute éberlué par l’indécence de cette vision.
« ... m-mais qui êtes-vous ? Où est Hattori san ?!
À l’étâge, sur son fouton. Mais si vous voulez lui pârler, je crains qu’il vous faille revénir demain...
Qu’est-ce que vous lui avez fait !? »
L’épaule appuyée sur le chambranle, indifférent à la fente de coton qui s’ouvre sur sa cuisse nue, Shimada griffe une mèche brune sur toute sa longueur jusqu’à coincer son index sur un petit nœud au milieu. Moue immature. Mitsuaki est un homme de dégoût, mais visiblement pas un homme d’action. Enfin, pas en présence d’obscénité, du moins.
« Moï ? Lâ même chose que d’hâbitude. Quoïqu’il était très fâtigué, ce soir, hu, il n’â pas tenou longtemps et mainténant il dort. Une vraie souche ! Aaah, c’est bien dommâge... » Son regard s’attarde sur le patrouilleur, cascade jusque sous l’obi, remonte dans un papillonnement de cils. « Sinoun, vous entrez et je vous montre..? Charpenté comme vous l’êtes. Pis si vous connayssez Hattori sama, ce sera prix d’âmi. »
Jamais de toute sa courte vie Akio n’avait-il soulevé plus d’écœurement sur un faciès, quel qu’il soit. Avec une sous-couche d’incrédulité bien sûr et, encore en-dessous, tout au fond glissé dans les plis du front, comme un bris d’aigreur. Si vivace que, de crainte de voir Chihiro prêt à forcer le passage pour un relent d’amertume mal géré, l’espion prend l’initiative et lance son poignet avec mutinerie, comme pour essayer d’attraper la manche de son kimono ; farouchement, Mitsuaki bondit en arrière avec plus de férocité que si on lui avait jeté un serpent au visage.
« Je ne vous permets pas : je suis un homme marié ! »
La nouvelle moue sur la lippe de Shimada ne voit pas où se trouve l’incompatibilité.
« ... et mes valeurs sont respectables ! »
Oui, bon, là, d’accord. Un point pour le mari.
« Ohlà, quelle chânce a votre épouse. Mais Hattori sama n’en a pas, loui, et sa solitude est comme une blessoure... Il voulait pas que ça se sâche... et serait payné que vous le rejetiez pour ça.
Il ne m’en a jamais parlé, se reprend brusquement le patrouilleur, qui semble entendre l’argument par-delà sa répugnance. Il ne me l’a jamais dit. Nous sommes pourtant proches, moi, ma femme et lui. »
Un silence retombe, gâché par le crépitement de l’averse qui n’en finit pas de pleurer. L’esprit d’Akio s’échauffe autant que ses pieds refroidissent. Il n’a pas envie de rentrer dans cette discussion, de broder encore et encore ce mensonge jusqu’à saturation. Barre-toi, maintenant. Barre-toi. Sauf que Chihiro persiste.
« Depuis quand..? »
La question saisit le faux prostitué au dépourvu. Ou plutôt, l’accent qui y perce, comme une bulle transparente à la surface d’un lac turbide. Il dodeline, imitant un fugace oubli.
« Depuis... eh... Äoût de l’an d’âvant. »
Mitsuaki en retour écarquille les yeux. Les plisse. Les rouages doivent tourner à toute vitesse sous le cercle de paille — le monde entier les écoute racler. Pitié, barre-toi... Ta femme t’attend, ne lui ramène pas ton absence. Et que lui ne se ramène pas un rhume en sus.

« Je... Bien. Passez-lui ce message : j’aurai une discussion avec lui demain midi. Dites-lui... »
Shimada se tient prêt à recueillir l’aveu, aussi futile soit-il pour son affaire. Hattori ne saura rien de tout cela, et le lendemain, quand il se confrontera à son confrère, il tombera des nues. Ils se noieront tous deux dans l’incompréhension, se chercheront des excuses et des poux, feront s’affronter leurs deux versions de la vérité, au mieux le voleur deviendra putain et ils s’entendront, au pire ils camperont sur leurs positions. Ou bien ils trouveront accord sur le fait que le sang répandu dans le bureau est celui de ce même fantôme qui les visita tous les deux. Fin de l’histoire. Et Akio, lui, sera revenu à ses dessins, loin de toutes ces turpitudes.
Finalement, Chihiro baisse son chapeau. Se détourne.
« ... non, rien. Nous verrons cela demain. Faites attention à lui. »
Il s’éloigne, grosse luciole détrempée, tandis que l’espion maintient bas son salut. L’envie d’éternuer couve dans son nez pourtant il la réprime tout en reculant, rabat la porte avec déférence puis, sitôt que le déclic de fermeture retentit, enfin, s’écrase le front dessus au bruit las de ses poumons qui se vident.
Asari Fusae
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptyMar 30 Jan - 12:12
De toutes les scénarios que Fusae vient d'imaginer, elle est à vingt mille lieues de celui-ci. Plutôt que de crier à l'assassin ou de fuir, Hana choisit une solution encore plus folle afin d'éloigner l'homme à la lampe solaire qui vient de toquer à la porte. Il lui commande de ne pas bouger prenant l'énorme risque que ledit raton laveur puisse le tuer au passage. Heureusement que Fusae est tellement surprise qu'elle n'y pense même pas.

Avec ses oreilles, elle profite de l'impressionnante transformation de l'accent de Hana. La pirate conclut qu'il y a quelques vérités dans ce qu'Eiji a  dit avant qu'elle ne l'achève. Il est dangereux s'il est capable de jouer une telle comédie. Jouer les courtisans mâles. L'échange est impressionnant. Hana joue sur le dégoût du patrouilleur marié pour les prostitués mâles pour l'éloigner. Chihiro semble un homme attaché à ses valeurs et à la loyauté maritale envers son épouse.

Apporter une explication logique et légitimant sa présence de courtisans, ici ?  C'est du joli.  Chihiro abandonne la partie en demandant à faire passer un mot à Hattori. Une discussion le lendemain. Fusae regrette de ne pas pouvoir être une souris pour pouvoir entendre ce qu'ils auraient à dire. La pirate, rassurée par l'éloignement de la lumière, prive le cadavre de Eiji de sa bourse, compte les couronnes des cinq cités à l'intérieur. Une fois qu'il ne restât plus que la faible luminosité lunaire couplée aux quelques éclairs qui éclatent ponctuellement, elle quitte la pièce avec l'applomb du malhonnête personnage qui n'a aucun remords. Hana mérite d'être salué pour sa performance.

"Hana-sama, voici pour votre excellente performance."

Elle lance la bourse d'Eiji à travers la pièce, en direction de la porte d'entrée. Éloigner la menace du patrouilleur en jouant le courtisans mâle était un coup de maître. L'avarice de ses mots et le choix parcimonieux du sama témoigne de ses impressions. Ce serait dommage de tuer un tel homme. Contrairement au soldat des cinq cités qui aurait été un problème pour les affaires douteuses de tous le monde.

"Il reste le cadavre de Eiji-san à nous débarrasser. Il a une marque d'araignée tissant sa toile sur le corps."

Normalement, s'il est dans le milieu, il sait ce que cette marque veut dire. Un mystérieux puissant de la cour Ryoshimaise. Et pourquoi ils ont tous les deux intérêts à ce que le corps disparaisse. D'autres pisteurs pourraient venir s'il vient à être retrouvé.
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptyMar 30 Jan - 21:05
L’assassin pourrait l’attaquer dans le dos qu’Akio n’aurait pas le temps de se dégager. Il le sait. Collé contre le battant de la porte, sa pique à cheveux au fond de la manche de son second habit, il est à sa merci, tellement vulnérable que, s’il se retrouvait en effet avec un poignard dans les reins, il ne s’en étonnerait même pas. Ce qui le surprend, en revanche, ce sont les tintements qu’il perçoit provenant de la dépouille. Qu’est-ce que l’autre fiche encore dans la pénombre ? N’a-t-il pas terminé son pillage depuis le temps ?
Un coup de tonnerre repousse l’espion dans un sursaut, l’oblige à retrouver son équilibre et sa contenance. Lui qui abhorre les nuits d’orage, celle-ci ne l’aidera en rien à soulager son déplaisir, c’est certain. Encore moins en entendant le meurtrier se déplacer derrière lui et l’interpeler ; un frisson l’ébranle, sans qu’il sache si ce sont ses pieds froids ou son angoisse qui le secoue ainsi. Les deux, peut-être.
Le compliment se brise dans le bruit de la bourse qu’il laisse tomber au sol, à même pas un mètre de lui. Pas qu’il ne l’ait pas vue — il a juste pensé à tout autre chose de bien plus répugnant, une oreille, une langue, des doigts. Le genre de trophée au goût de menace qu’apprécient exhiber certains coupe-gorges professionnels. Et dans le doute, a préféré ne pas y tendre la main. Mais non. Ce gamin n’est donc pas ici pour l’argent non plus, songe-t-il tout en se baissant pour ramasser le pochon, alors quoi ? Il n’a cependant pas relevé les épaules qu’une nouvelle information tombe, ce même type de renseignement dont, en temps normal, il remplit sa double-vie.

Une morsure d’araignée.
C’est avec cette périphrase qu’Akio entendit la toute première fois parler de cette marque et de ses origines. Dix-sept ans, pas de tilleuls sur la promenade mais de hauts cyprès bordant un cimetière sauvage, avec un soleil d’été qui brûlait les calottes de quiconque s’attardait sous ses jupes. Zane et lui se reposaient au bord d’une rivière, trempant leurs habits à même l’onde afin de se rafraîchir. À cette époque l’adolescent n’avait encore jamais vu son maître dévêtu, rien que les bras ou les mollets quand il fallait traverser des gués un peu profonds, pas du tout le tronc ni le haut des jambes, sauf que cette fois il faisait trop chaud, porter un kosode complet donnait l’impression de se liquéfier de sueur, alors le vieux criminel avait ouvert le col béant puis laissé pendre les manches contre ses hanches, relevant la cicatrice large comme une paume d’homme qui ornait son pectoral droit. L’empreinte était ancienne, grisâtre et, au vu de ses contours difformes, comme creusée dans la chair avec les dents. Ce n’était pas une blessure par perforation — auquel cas le mentor ne serait plus de ce monde — mais plutôt une brûlure, comme si l’on avait appliqué un fer ardent pour enfoncer quelque chose. Ou l’effacer.
Une morsure d’araignée.
Voilà ce que le maître avait répondu à son disciple, selon la sacro-sainte règle qui les reliait de ne pas évoquer intimement leur passé respectif. Pourtant, quand un an plus tard le premier commença à enseigner au second les noms des clans en place à la Cour impériale et qu’il mentionna la lignée des Dokuzawa, Akio n’eut qu’à plonger son regard dans celui de Zane pour y retrouver, silencieuse, invisible, l’inoubliable arachnée sur son fil. Ceux-là, tiens-t’en le plus loin possible. Ne cherche même pas à les infiltrer ou leurs sbires te passeront à la question d’une manière que le plus violent geôlier de Kharzem n’oserait pas cautionner. S’ils te pistent, débarrasse-t-en le plus vite possible. Le seul avantage dont tu disposes face à eux, c’est qu’ils agissent en solitaire tant qu’ils ne se sont pas assurés du problème que tu représentes. Donc arrange-toi pour ne jamais être un problème... ou les faire disparaître avant d’en devenir un. Mais ça, je n’ai plus besoin de te le répéter.
Dokuzawa. Transcrit avec l’idéogramme du poison et du marécage. On n’aurait pu faire plus éloquent.

Un jour ou l’autre, cette mise en garde se révèlerait utile, à l’instar des innombrables semonces et conseils que lui avait prodigué son maître durant toutes ces années. Et voilà que ce jour était un soir, et ce soir est maintenant. En fin de compte, cet assassin lui a peut-être sauvé la vie, et non pas Eiji. Horreur et damnation.
« Très bien. Il faut le jeter... Le bord du Bloc est à vingt mètres en aval, par la gauche. »
Son ton est de glace et il ne sent plus ses phalanges quand il agrippe son vêtement pour se rhabiller prestement, les veines tout à coup envahies par une abjecte sensation. Qui ne sera plus qu’un mauvais souvenir dès lors que ce cadavre aura été basculé dans le vide, espère-t-il.
« Il sera trop lourd pour qu’on le traîne, même à deux... », ajoute-t-il tandis qu’il se rapproche de quelques pas vers son complice momentané, tout en nouant son obi. Puis s’interrompt, sceptique. « ...pourquoi es-tu encore là, d’ailleurs ? Tu n’as pas trouvé ce que tu voulais, avec tout ça ? »
Asari Fusae
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Imperméable aux sensation glacées que ressent Hana et aux souvenirs mélancolique de son mentor, Fusae le jauge du regard attendant qu’il réagisse à son compliment. Elle n’envisage plus de le tuer à cet instant. Sauf s’il cherche à la poignarder dans le dos.

« Nous avons besoin d’un sac de jute ou un tonneau pour que le corps ne puisse être vu. »

La pirate ne peut qu’approuver le réflexe du port du bloc. Le jeter. Elle apprécie ce bon enchaînement des pensées. Ils allaient bien travailler ensemble ! Pourquoi est-elle encore là ?

«  Je n’ai pas encore trouvée notre proie dans les registres sur les marchandises. »

Le notre fait évidemment référence à l’organisation - l’équipage de la Nef des Fous. Les poèmes d’amour qu’elle a trouvé par accident ont été une distraction. Faire chanter Hattori à ce sujet semble malvenu d’autant plus qu’Hana vient de jouer les consorts mâle.

« Il faudra payer si tu veux les poèmes d’Hattori. »
Shimada Akio
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Akio se sait las.
Tout, tout ce soir pèse sur son sentiment ; l’orage qui le harcèle, la masse informe, encore tiède, du cadavre d’Eiji, la rémanence des ongles de Hattori sur son bras, la silhouette aiguë qui lui parle dans les ombres. La simple idée de devoir traîner soixante-dix à quatre-vingt kilos de chair et d’os sur vingt mètres le décourage. Il voudrait rentrer, se brosser les cheveux, se coucher et oublier cette histoire, cette déconvenue. Ce ratage en règle. Mais il y a encore ce gamin sur son chemin et, quelque part il en est certain, une araignée au plafond. Alors il se force, avive le soufflet près du fourneau de son esprit, jette une pelletée de charbon au fond de son crâne, de quoi se tenir aux aguets jusque chez lui.
Notre proie. Que l’assassin ait lâché l’adjectif à dessein ou non, l’espion en comprend que, primo, celui-ci n’agit pas en solitaire et, deuxio, que le meurtre n’était en effet qu’un supplément sur l’ardoise. De quoi relativement le rassurer sur sa propre survie, quand bien même il en déduit que l’autre n’hésitera pas à lui trancher la carotide s’il se montre un peu trop envahissant. Loin de lui cette intention.
« Garde-les si tu le souhaites, je n’ai que faire de ces poèmes... »
Savoir qu’ils existent est suffisant. Il n’aura qu’à ressortir... voyons, qu’est-ce que cela dit déjà ? — Pour ce regard-là / J’ai jeté mon cœur / Dans l’abîme — et Hattori s’étranglera à moitié par-dessus son comptoir, il pourrait parier. Un seul haïku et l’officier se décomposera comme s’il avait vu une yuurei. Puis, si ce type croit que le peintre paierait de sa poche, ou de celle d’Eiji en l’occurrence, pour une passion adultère, c’est qu’il ignore bien des choses à son sujet.

« Tu n’as qu’à continuer de chercher pendant que je prépare ce qu’il nous faut, alors. »
Une à une, il ramasse les feuilles éparpillées du précédent dossier, celles qui ont glissé des mains du désormais défunt. Petit miracle qu’au toucher, aucune ne semble avoir trempé dans le sang. Les levant dans un rai de gris plus clair, Akio les remet dans l’ordre puis sort celle qu’il avait dissimulée dans sa manche. Il ne peut plus la conserver afin de la copier, comme initialement prévu, car il est plus que probable qu’en bon maniaque, dès son réveil, Hattori s’empressera de vérifier que tout est à sa place et qu’il ne lui manque rien. Et il saura pour sûr que cette feuille a disparu. Alors une nouvelle fois, l’espion doit en référer à sa mémoire en vue d’effacer son objectif — enregistrer le morceau de liste qui l’intéresse, noter le palanquin, le coffre d’ébène, le nombre de bols et de mètres de soie fine, pis tout le reste pour en informer Zane — et remettre le registre complet à sa place, sur l’étagère.

Puis il s’en va fouiller le reste du rez-de-chaussée à la recherche d’une toile de jute et d’un tonneau.
Palanquin, coffre d’ébène, porte-kimono, deux théières et huit tasses, six assiettes de porcelaine...
Asari Fusae
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptySam 3 Fév - 17:35
Il semblerait qu'il ne soit pas intéressé par ces poèmes ; Hana lui suggère même de les garder. Peut-être devrait-t-elle le prendre au mot. Fusae, ce fameux raton-laveur dans l'obscurité, retourne fouiller les registres des marchandises afin de trouver les informations qu'elle est venue chercher. Elle n'est même pas gênée d'avoir le corps de Eiji en ligne de mire pendant ses recherches. Il peut bien rester là où il est. La pirate ne souhaite pas étaler d'autres traces de son existence sur le sol ou les meubles en le déplaçant.

De temps à autres, elle lit à voix haute ce que Hattori a soigneusement marqué d'une calligraphie d'administrateur. Aussi, les oreilles de Hana profitent des proies potentielles de l'organisation de Fusae. Est-ce qu'elle n'essaierait pas de noyer le poisson en énumérant plus de choix possibles ? Est-ce que son choix véritable est dans ce qu'elle ne lit pas à voix haute ?
Shimada Akio
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptyDim 4 Fév - 17:31
TW atteinte à l’intégrité physique d’une dépouille (oui, c’est précis, mais je préfère prévenir en raison des sensibilités) :
Asari Fusae
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptyLun 5 Fév - 11:31
Après un long moment à réciter à voix haute les notes sèches et arides d’Hattori-san, Fusae finit par trouver une proie de taille. Elle présente un risque limité de résistance tout en offrant la promesse d’un bon butin. La parfaite caravelle sur laquelle exercer la piraterie. Refermant le registre des frets qui compile les marchandises embarquées récemment, Fusae le remet à sa place.

Entretemps, Hana-san a bien travaillé de son côté. Il a trouvé un tonneau qu’il a vidé de son contenu. Des sacs de jute et des rouleaux de papier. Se livrant ensuite à de délicates opérations sur le machabée afin qu’il puisse entrer dans le tonneau, Hana finit, non sans peine, par le faire tenir dedans. En effet, la différence entre la carrure militaire de Eiji-san et l’étroitesse n’a pas rendu la tâche simple pour Hana-san.

« Oui Hana-san. »

Il réclame de l’aide à la pirate qui ne se fait pas répéter la demande. Fusae vient prestement l’aider à accomplir la dernière étape. Passer un sac de jute par dessus la tête de la dépouille puis en fait de même avec le tonneau. Une solution temporaire jusqu’à que le tonneau atteigne sa destination finale. La jetée du port.

Sa longue habitude établie des corvées de bord lui permet de s’appliquer en silence sur sa tâche. Faire rouler le tonneau est la solution qu’elle aurait adoptée naturellement. Malgré son poids évident, la pirate le fait basculer avec l’aide Hana-san. Il ne reste plus qu’à le diriger vers la sortie de la bâtisse.

Roule tonneau, roule petit tonneau !
Shimada Akio
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptyDim 11 Fév - 15:33
Contre toute attente — ou plutôt, en dépit de —, le gamin répond par la positive à la demande d’aide, y saupoudrant de la politesse qu’Akio ne pensait pas trouver chez un partisan de la piraterie. Enfin, un prétendu partisan, puisque lui-même ne sait pas encore ce qu’il en est et n’en saura probablement rien d’ici leur séparation. Pour le meilleur, peut-être. Le simple fait qu’il soit appelé « Hana » l’arrange bien, de surcroît, l’assassin ne paraissant guère intéressé par sa véritable identité.
Ensemble, méticuleusement, ils font basculer le tonneau rempli puis, après pris soin de refermer l’ouverture du sac de jute afin de ne pas laisser apparents les pieds et postérieur d’Eiji, ils commencent à le faire rouler jusqu’à l’arrière du bâtiment, vers la porte qu’ils avaient tous trois empruntée à l’arrivée. L’opération est aussi fastidieuse qu’elle en a l’air, car malgré la commodité du contenant la dépouille demeure lourde à manipuler et, désormais assez proche de son éphémère complice pour en détailler la carrure, Shimada se rend compte que celui-ci n’est pas beaucoup plus épais que lui-même. Par ailleurs, il espère que leur tâche du moment le dissuadera de lui planter une dague dans le flanc à mi-parcours, même s’il ne peut que prier les dieux de la miséricorde pour cela.

Parvenus sur le seuil, l’espion récupère ses sandales ainsi que celles d’Eiji, sans oublier son ombrelle, et fait signe à son acolyte d’attendre le temps qu’il glisse une tête par l’interstice de la porte. Celle-ci donnant sur une clôture à moitié détruite, il n’y a pas grand-chose à en redouter, mais il est toujours préférable de s’assurer que la voie est libre des deux côtés avant de s’aventurer dans la nuit, sachant que des patrouilleurs quadrillent la zone. Par chance, les hommes pris à transporter des barils divers sont légion dans les parages ; ils ne devraient donc pas tomber sur un curieux — auquel cas il faudra ruser, encore et toujours.
« Personne..., nous pouvons y aller. Écoute bien : passée la première rangée de baraquement, il y a un espace à découvert qui nous sépare du bord. Si l’on se fait accoster là, l’essentiel est de se débarrasser du corps : c’est la seule preuve dont ils disposeraient pour nous inculper. Quoi qu’il arrive, on balance ce tonneau avant tout, compris ? »
À ce stade, cela relève de l’évidence, cependant il est courant que les choses de ce genre soient oubliées dans l’urgence alors mieux vaut les rappeler. Et puis, le petit n’a pas l’air stupide non plus, juste... un peu impulsif dans ses réactions.

Il n’y a plus qu’à, maintenant.
Asari Fusae
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptyJeu 15 Fév - 13:05
Pas simple de manipuler un tonneau malgré la commodité que représente la possibilité de le faire roule. Fusae se concentre sur la tâche présente, ne prêtant à son acolyte de fortune que l'attention nécessaire pour accompagner le mouvement du tonneau. L'idée de le poignarder est encore éloignée de son esprit.

Les inégalités du pavé et du sol à mesure sont rudes à prendre. Que fait l'Empereur ? Il se drape dans sa divinité éthérée ! Il se noie dans le faste et le luxe pendant que les petites gens malhonnêtes s'échinent à sauver leur misérable vie !

Il pourrait prendre une décision qui leur facilite la vie pour une fois ! Rien qu'une fois et Fusae pourrait bien sauter de joie intérieurement. Une fierté nationale mal placée pour la pire des criminelles : une p i r a t e.

Son complice s'assure que la voie est libre. Hana-san tâche une vérité absolue. La disparition de ce tonneau est leur priorité absolue. La seule chose qu'on leur reprocherait en l'absence du corps est d'avoir perdu un tonneau parfaitement réutilisable. Les accidents arrivent malheureusement de temps en temps dans ce genre de manoeuvre.

"Compris, Hana-san. Ce sera fait."

Toujours personne. Ils avalent les mètres  qui les séparent du but fatidique. Une voix les interpellent. Fusae rate un pas,  tombe et le tonneau dévale de lui-même vers le vide. Il disparait à travers les nuages gris et l'obscurité ambiante.

"Non !", se désole Fusae pour jouer la petite gens qui vient de commettre une maladresse. Le genre qui ne lui facilitera pas la vie.

"Non !"

Pour couronner le tout, elle n'est pas sûre que sa cheville est restée indemne. Une peur ou plus mauvais pressentiment ?

"Nooooon !"


"On a perdu le tonneauuuu !"
Shimada Akio
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptySam 24 Fév - 9:46
Pendant un temps, long comme l’Ennui, ils poussent ce tonneau sous les cahots de la pluie qui leur trempe la peau jusqu’aux os. Puisqu’il ne peut correctement utiliser son ombrelle durant l’opération, calée qu’elle est sous son aisselle, Akio peut sentir presque goutte à goutte l’humidité s’infiltrer dans ses vêtements, rigoler dans les reliefs de ses articulations et échouer, quelque part en tache de froid, çà et là à l’intérieur de son corps. Demain il sera malade, il le devine. Et cela n’est que la énième raison pour laquelle, vraiment, cette soirée est à jeter dans le puits des pires ratages de son existence. Ce qui, en outre, le rassure sur le fait qu’il n’en a pas vécu tant que ça pour être en mesure de continuer à marcher sur ses deux pieds et de compter toutes ses dents moins une.
Le bord du Bloc est en vue — si tant est que l’on puisse s’en référer à ses yeux à travers cette purée de miso que draguent les bourrasques du rivage — mais eux aussi, à en juger par la clameur qu’ils perçoivent à l’unisson, une dizaine de mètres sur la gauche. Le sang de Shimada se vitrifie. Pas encore ?! songe-t-il alors que son acolyte, dans la panique, trébuche et envoie leur crime roulebouler dans les ténèbres. Dans le crâne de l’espion, la désolation le dispute au soulagement ; leur calvaire prend fin ici, avec la disparition de leur erreur, cependant la réjouissance n’est pas à l’ordre de l’instant puisque le gosse — son timbre est bien plus aigu lorsqu’il crie, s’il ne s’abuse ? — a décidé d’alerter la moitié du pâté de machiya en chouinant son désespoir à tue-tête. Il n’y a pas que la tête qu’Akio a envie de tuer, pour le coup. Et cela n’est que la énième raison pour laquelle, vraiment, les gamins sont à jeter. À quoi joue-t-il, alors même qu’ils ignorent si le nimbe de la lanterne non loin s’adresse à eux ? Ne s’est-il pas rendu compte qu’ils n’étaient pas encore hors de suspicion ?

« La ferme..! » grince le peintre en l’attrapant par l’arrière du col afin de l’arracher à la terre humide des pavés et le laisser se remettre debout. « Tu l’as perdu alors tu la fermes. »
Sa voix a beau demeurer basse et maîtrisée, elle racle d’agacement comme la tension sur ses nerfs. D’autant plus qu’à la première lueur s’ajoute une seconde lumière, boule de brume jaunie pataugeant dans une compote de phrases aux accents surpris. Les deux silhouettes s’interpelaient donc entre elles, et dans le mouvement qui suit leurs retrouvailles, il est aisé de comprendre leur intention.
Le poing toujours refermé sur l’habit de son complice, mais soudain tassé sur lui-même afin de se faire plus petit, Akio le tire dans le sillage du tonneau, hors du chemin principal, jusqu’à ce qu’ils se cachent derrière l’amas de caisses jouxtant un atelier quelques pas plus loin. Si les patrouilleurs viennent dans leur direction, ils peuvent encore espérer leur échapper en demeurant invisibles dans le décor, car dans ce genre de cas, le brouillard et l’averse sont une plaie autant qu’une bénédiction. Et puisque désormais Eiji s’est transformé en oiseau, Shimada profite aussi de cet écart pour faire s’envoler sa paire de geta avec, droit vers le vide ; là où il part il n’en aura pas besoin, mais quand même.
Asari Fusae
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptyDim 3 Mar - 12:13
Attrapée par le col et traînée sans ménagement par un Hana qui lui intime l'ordre de la fermer, Fusae n'a pas le temps de vérifier l'état de sa cheville. Est-ce qu'elle se l'est foulée ? Cassée ? Elle l'ignore. En tout cas, la pirate a la certitude de s'être fait mal en ratant ce pas.

Hana-san ne lui laisse pas d'autre choix que de claudiquer jusqu'à la cachette de fortune, un amas de caisse. Aïe ! Aïe ! Sa cheville lui envoie des échos de douleurs. Difficile de s'appuyer normalement sur cette dernière. Si seulement la pirate avait eu le temps d'ausculter sa cheville ! Bien que cette maltraitance soit liée à la première lanterne et à la seconde qui vient d'apparaître, attirée par le bruit, elle pense à ses poignards.

Hana-san n'imagine pas qu'elle envisage de les lui enfoncer entre les côtes. Un seul suffit vu leur proximité actuelle. Ce rappel létal attends qu'ils soient derrière l'amas de caisses. Une pointe métallique vient s'appuyer entre les côtes de Hana-san. Pas suffisante pour percer le vêtement et la peau. Cette pression  est cependant suffisante pour faire passer le message silencieux sans que les porteurs de lanterne soient alertés par des d'autres paroles.

L'un d'eux s'approche de l'origine du bruit et avance son bras pour éclairer les ténèbres et la brume. Il aurait pourtant juré avoir entendu une voix humaine ! Est-ce une mélopée chantée par le vent battant la roche ? La terre ? Les bords des blocs sont propices à bien d'étranges phénomènes.

"Il n'y a rien. J'aurais juré avoir entendu une voix humaine."

"AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHH ! J'ai vu des yeuuuuuuuuuux ! Des yeux luisants !"

Le patrouilleur près du bord du bloc, donc près des protagonistes caché derrière un amas de caisse, s'élance aussitôt à la rescousse  de son collègue apeuré quelques dizaines de mètres plus loin.  Cette voix humaine qui disparaît  dans la nuit et maintenant des yeux ? Ça commence à faire peur ce bord de bloc.
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.Rien qu'une histoire d'ombres | Ryoshima — septembre 153. [Fusae] EmptySam 9 Mar - 10:18
Dans les quelques mètres anxieux qui les séparent de leur nouvelle cachette, Akio a le temps de remarquer la démarche soudain malhabile de son complice, un soupçon traînante, qui met en ombre un souci supplémentaire. S’il s’est blessé à cause de sa chute, voilà bien leur veine ! Quoique, en fin de compte, l’espion se fiche comme de sa première taloche de l’état dans lequel il quittera l’assassin, d’ici une semée de minutes il espère, car il n’est pas le moins du monde responsable de ce qui adviendra ensuite, et encore moins de sa sûreté. Ce qui le dérange, en revanche, se situe à équidistance entre la pointe de son bassin et le creux de son aisselle, à l’endroit exact où vient de se loger une aiguille dont il est aisé de connaître la provenance — une épingle acérée qui lui fait serrer les mâchoires en réprimant un geste d’écart — ce n’est pas le moment de s’agiter ou de laisser échapper la moindre contestation, qu’elle fusse d’une grimace ou d’un soupir. Plus qu’à prier qu’il ne prenne pas l’envie à ce petit fauve d’enfoncer le reste de la lame par simple réflexe, et même cela, Shimada se retient de le faire. Trop las. Beaucoup trop las à l’idée de se vider de son sang ce soir pour un palanquin, un coffre d’ébène, des porte-kimonos, deux théières et huit tasses, six assiettes de porcelaine…
Et le pire, dans tout cela, c’est qu’il a envie d’éternuer.

Les deux lumières vacillantes ressemblent aux soleils noyés dans la brume crépusculaire des moussons du Bloc. Elles bavent sur les murs de bois du quartier, se rapprochent, lèchent de loin les arêtes des caisses derrière lesquelles le binôme s’est réfugié. Il y a dans le nez d’Hana un chat en train de jouer avec une pelote de poussière qu’il aimerait réussir à expulser, en vain. S’arrêter de respirer le démange encore plus alors qu’une première lanterne se distingue de plus en plus à travers la pluie ; à son tour la silhouette de son porteur se découpe à gros traits sur le bord, si proche qu’il lui suffirait de se tourner d’un quart vers la droite pour éclairer les deux criminels à l’instar de chevreuils saisis par un feu de forêt. Akio plaque sa manche de kosode contre ses narines — il va vraiment éternuer.
Puis le hurlement le fait tressaillir, sapant son inconfort dans le même temps. Des yeux ? Pas humains, certainement, peut-être un yuurei en pleine balade vespérale ? Ou un animal ? Quel que soit le coupable, le peintre devra le remercier pour avoir entraîné le patrouilleur loin d’eux et leur avoir permis de respirer ; reste ce détail contre ses côtes, trois fois rien et déjà bien plus mortel que n’importe quelle créature aux orbites brillantes. Blafardes, tel l’éclair qui raye de nouveau le gris d’obscurité. Mais si Shimada frissonne, ce n’est ni de peur face au courroux du ciel ni de froid, seulement de la réminiscence désagréable, poisseuse, que le tonnerre ravive dans un recoin de son crâne.

Il laisse passer une dizaine de secondes après le départ des patrouilleurs dont la voix se dilue sous la pluie, histoire d’être assuré qu’ils ne rebrousseront pas chemin. Amorce lors un début de mouvement pour se remettre debout, infime et cependant se rappelle de l’arme piquée sur son vêtement :
« Eh, je peux me relever sans que tu m’ouvres le ventre ? »
Il n’y met même plus les formes — n’en a plus l’énergie — et que sa nonchalance lui vaille une entaille ne serait que prévisible ; pour autant, le gamin ne gagnerait rien à le meurtrir ici, sinon à récupérer une moitié de bourse qu’il lui avait pourtant jetée sans regret. Dans la seconde, Akio déplie finalement son ombrelle au-dessus d’eux malgré le fait qu’ils soient déjà trempés, mais il risquerait de plus attirer la curiosité des badauds à rentrer chez lui tête nue avec le parapluie sous le coude qu’à feindre d’en avoir encore l’utilité.
Allez, il est plus que temps de rentrer. Enfin.
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