Le sac à Malice [PV Merle]

Depuis la discussion entre le second kymarais et le capitaine Tolençais à propos de la Bibliothèque d'Alexandria, l'équipage, à commencer par Fusae, s'est mis en tête voler cette illustre institution. Sa noble mission de collecter le savoir de l'humanité n'étant pas une justification suffisante pour qu'ils s'abstiennent de s'y intéresser de près. Il aurait fallu des caravelles lourdement armées des Cinq Cités pour les en dissuader. Pour reprendre les mots d'Omiro Kyriakos, Second qui sait tout, l'immense réserve documentaire de la Bibliothèque d'Alexandria regorge de secrets. Qui sait si entre les pages d'un ouvrages ou les replis d'une carte ancienne ne se cache pas un trésor qui n'attend qu'eux pour se servir ?

Dans l'immédiat, Fusae a vu l'intérêt de soulager la bibliothèque de quelques uns de ses manuscrits. La manière dont ils sont gardés lui a indiqué qu'ils pourraient avoir de la valeur pour les collectionneurs. Quel noble ne serait pas intéressé par l'opportunité d'étoffer leur bibliothèque personnelle ? La ryoshimaise de naissance ne compte pas écouler elle-même cette marchandise et réfléchit au mode opératoire pour ce nouveau marché complémentaire à son objectif initial, les cartes anciennes. Il lui fallait être prudente parce qu'une fois prise la main dans le sac, il n'y aurait pas de retour en arrière. L'équipage de la Nef des Fous, loin de la décourager dans son entreprise, lui ont trouvés quelqu'un qui saurait lui apprendre à les voler. Les faire disparaître.

Elle adorait cette bande de cinglé qui ne reculent devant rien pour les mauvais coups et pour découvrir des nouveaux blocs sur un coup de tête. Sauf la prudence élémentaire qui consiste à éviter ce qui pourrait se solder par un séjour à Kharzem. Le bloc-prison dont la légende noire s'écrit depuis 65 ans. Ses acolytes avaient arrangés un rendez-vous dans un endroit discret qui ne fait pas partie des habitudes des bibliothécaires. Un tripot bondés de parieurs et de joueurs. Parfait pour noyer des discussions malhonnêtes dans le brouhaha ambiant. Connaissant ce genre de lieu, elle avait pris ses précautions et emporté deux poignards faciles à dissimuler.

En entrant dans le fameux tripot, l'odeur d'alcool et de fumée âcre lui prend la gorge. Il lui rappelle ceux de Guadira. Elle est venue pour une affaire. Pas pour s'amuser. Elle savait qu'elle devait trouver quelqu'un avec un nom d'oiseau et un physique correspondant à celui qu'on lui a décrit. Une brune. Trois fois brune. Ce n'est pas grand chose mais le loustic lui a assuré que ce serait suffisant.

Mamie Malice peut être sacrément gonflée quand-même. Non parce que techniquement je ne travaille plus pour elle, je me suis mise à mon compte. Mais c'est vrai que notre monde est assez petit, et l'offre était alléchante. Un bon prix, sur lequel la vieille n'a pris qu'une commission "modique" pour que j'enseigne un poil les ficelles à une gamine. Et puis je n'ai pas l'intention de sortir des petits papiers de Mamie, lui rendre service est donc assez non négociable. Surtout avec de la monnaie sonnante et trébuchante.

C'est Reynard qui m'a contacté. J'aime bien Reynard, c'est pas un type bien mais ce qu'il y a de plus proche de ça dans notre domaine de travail. Bien sûr tout ça ne m'a pas empêché de négocier ma part à la hausse, pas que Mamie ait pas prévu le coup mais bon ça fait partie du jeu. On l'a ensuite topé avec Reynard, qui était là en procuration de Mamie Malice dans le fond. Et voilà, c'était parti.

Reynard m'a donné le lieu et l'heure du rendez, et qui chercher aussi. Une gamine ryoshimaise un peu plus jeune que moi. Je devrais pas avoir trop de problème à la repérer dans le bouge. Je m'arrange pour y être en premier, une lame dans ma botte l'autre dans les plis de ma ceinture de tissu. On est jamais trop prudente et je veux être un peu familière avec les lieux avant d'aborder les choses sérieuses. Je fais confiance au jugement de Mamie Malice dan le choix de ses client.es et associé.es, mais tout le monde est pourri chez nous. La vraie surprise serait de ne jamais se prendre un coup de couteau dans le dos.

L'endroit pue la bière de piètre qualité qui frôle le rance par moment et empeste la fumée d'un tabac grossier et peu onéreux. Le genre qui est plus proche du foin séché que d'autre chose. Rien qui ne dénote de l'habituel en somme. Personne ne fait attention à moi quand j'entre, parfait. Je me glisse dans un coin, me fond dans la foule qui observe les paris et les jeux. Une souris occasionnelle parmi tant d'autres, on est pas sûr qu'elle soit là pour le travail ou non. Peut-être qu'elle attend juste une occasion pour se faire quelques sous en plus de son travail de jour.

J'attend, et celle que je guette ne tarde pas à arriver. Elle correspond à la description que m'en a fait Reynard. Bien, il est l'heure d'entrer dans la danse. Je m'approche d'elle et la saisit par le bras, collant bien ma poitrine contre rendant mon décolleté immanquable. Ainsi que la broche en laiton qui le décore, épinglée sur le tissu coloré, un oiseau entre le merle et la pie, les finitions sont trop grossières pour qu'on puisse le dire avec certitude. Je lui souris, quelque chose de charmeur et doux, comme on s'y attend de la part d'une fille dans la situation de ma souris.

-Coucou, ma jolie, tu cherches un peu de compagnie ce soir ? Pas la peine d'être timide ma toute-belle, ça se voit que tu cherches quelqu'un, comme dans un livre ouvert.

Fusae examinait le tripot dans lequel elle venait de pénétrer. Elle pouvait reconnaître quelques membres de l'équipage de la Nef des Fous. Qu'ils soient présents pour veiller au bon déroulement de la rencontre ou pour leur petites affaires, l'apprentie bibliothécaire savait qu'elle pouvait compter sur eux en plus de ses poignards bien cachés et facile d'accès.

Elle se retrouva très vite dans une situation fréquente sur Guarida, une femme brune qui l'aborde ostensiblement pour la compagnie. Heureusement qu'elle portait bien la broche d'oiseau, signe de reconnaissance convenu sinon Fusae se serait contenté de la compagnie pour la soirée.

"Coucou, ma jolie, tu cherches un peu de compagnie ce soir ? Pas la peine d'être timide ma toute-belle, ça se voit que tu cherches quelqu'un, comme dans un livre ouvert."

L'apprentie bibliothécaire se tourne vers son interlocutrice, de fort belle compagnie, pour lui susurrer en jouant lascivement avec une mèche brune de ses cheveux. Elle tendit l'autre bras comme pour se proposer de l'emmener à une table à peu près libre. Une qui promettait que leurs propos seraient bien noyés dans l'atmosphère ambiante de jeux et d'éclats de voix.

"Naturellement, ma belle. Ta compagnie est la bienvenue le temps de quelques chopes de rhum et bien plus si tu le désires. Allons-nous asseoir et profitons de la soirée pour faire connaissance."

Parfait, elle suit le mouvement. Très bien, en plus elle n'est pas trop laide, ça rend les choses agréables.

-Mais tout ce que tu veux, je ne peux rien refuser à un joli minois comme le tien.

Je lui susurre à l'oreille avant de la laisser m'entraîner vers une table à peu près tranquille. Une fois que nous sommes assises dans une intimité toute relative, mais nos corps toujours collés. Je lui chuchote à l'oreille, comme si je glissais des mots doux et creux à une future cliente. Continuer de donner le change pour les yeux autours.

-Alors comme ça, on a besoin de conseils pour faire prendre l'air à de vieux livres poussiéreux ?

Jouant le rôle d'une cliente qui profite des services de sa partenaire, Fusae semble se réjouir de la situation. Elle est à l'aise dans ce jeu de séduction qui n'est sans doute pas sa première fois. Malgré l'intimité relative dont elles bénéficient, personne ne fait attention à elles, les considérant comme un élément du décor mal famé du tripot.

"Oui, ma belle."

Des livres poussiéreux, qui s'avèrent être une mine d'or vendu au bon collectionneur. Elle ne pipe pas mot de plus qu'elle ne doit savoir. Son poste d'apprentie à la bibliothèque d'Alexandrie passe sous silence. La seule chose qui se fait plus fort que le bruit ambiant sont les éclats de voix d'une table. Ils viennent de déterminer le vainqueur et les perdants.

On ne tourne pas autour du pot. C'est très bien. Personne ne fait attention à nous, nous sommes un banal élément de décors dans ce trou.

-Il y a plusieurs écoles sur la question. Je dirais que la méthode à appliquer dépend de la cible de l'emprunt, et des circonstances qui l'entourent. Est-ce que l'inventaire est récent ? Est-il accessible au public ou bien faut-il le chercher en réserve ? A quel point ses gardiens sont-ils vigilants ? Toute cette pluie de petits détails.

J'enroule une mèche de ses cheveux noirs autour de mes doigts.

-Il va me falloir quelques précisions sur ta situation ma douceur. Surtout si tu veux des conseils adaptés.

Les différentes écoles semblent avoir leur avis sur la question. Au moins, la méthode pragmatique consiste à s'adapter aux circonstances de l'objet qu'elle désire dérober. Fusae a dans l'idée de commencer par soulager la bibliothèque d'Alexandrie de quelques un de ses ouvrages. Décrire son fonctionnement dans le moindre détail lui apparaît la meilleure manière d'en identifier les faiblesses de sécurité.

"La bibliothèque d'Alexandrie, mon sucre d'orge."

La cible, d'abord. Une institution historique fondée par un philosophe kymarais dans sa quête du sauvetage des connaissances humaines amassées avant la Dislocation. Par quoi commencer ?

"Quel type d'ouvrages devrais-je idéalement emprunter dans leur espace public ?"

Alexandria, rien que ça. Je retiens un petit sifflement admiratif, c'est un gros morceau. Après cela fait sens, c'est certainement l'endroit qui rassemble le plus d'ouvrages dans tout Terreciel.

J'en passe sur le petit nom mielleux qu'elle vient de me donner. En fait je peux même suivre, tiens. Ce pourrait être amusant.

-Très ambitieux de ta part, mon chou à la crème, je ronronne contre son oreille avant de passer mes bras autour de son joli cou.

Il devrait y avoir conflit d'intérêt, la bibliothèque fait partie de mes client.es les plus important.es après tout. J'ai déjà volé nombre d'ouvrages et d'informations pour cette vénérable institution qui sous ses airs de ne pas y toucher voit quand même de sacrés trucs se dérouler entre ses rayonnages.

Il devrait, au moins un sursaut de loyauté. Une indignation passagère, du moins feinte. Mais rien. C'est le jeu, ma bonne Lucette. Et puis de toute façon ce sont des ouvrages que l'on me demandera peut-être de récupérer ensuite. Payée pour voler dans tous les sens, voilà qui me plaît bien. Un beau business plan qui se dessine.

-Je doute que tu trouves des choses vraiment intéressantes dans ce qui est facilement récupérable. Après tu as toujours des cas qui sont prêts à payer pour des choses assez précises. Mais ça, il faut avoir le réseau pour évaluer si ça vaut le coup ou non. Ce qui est intéressant, ma jolie friandise, se trouve dans les réserves. Bien loin des doigts chapardeurs. En général plus l'ouvrage est vieux, mieux c'est. Si tu tombes sur un ouvrage imprimé pré-Dislocation, ou bien dans les 50 premières années après, là tu touches le pactole.

A supposer que l'exemplaire soit crédible, à défaut d'être vrai. Mais ça c'est une autre histoire, la production de faux.

Oh le petit jeu des noms mignons à se donner ! Fusae trouve ça rigolo ! Elle n'a qu'à enchérir sans en redonner un. Ce serait admettre une forme de défaite ! Sans ambition, pas de trésor de taille ! Toutefois, les risques doivent savamment calculés pour ne pas finir à Kharzem. Jouer au jeu du chat et de la souris avec les gardiens de la vénérable bibliothèque d'Alexandrie semble amusant en attedant de dérober les véritables trésors qui gisent dans leurs réserves.

Malheureusement, elle n'a pas le réseau nécessaire pour trouver la demande d'ouvrages spécifiques et peu regardant sur l'origine du livre.

"Comment puis-je trouver ce marché d'amateurs de livres peu regardants sur le moyen de leur acquisition ma crécerelle ?"

Fusae réfléchit à ce qu'elle vient de lui dire. Les ouvrages d'avant Dislocation et dans les premières années après cet évènement, hein ? Ils sont souvent sous clés dans les réserves. Et les cartes l'intéressent particulièrement pour son équipage de la Nef des Fous. Ils sauraient en faire bon usage si elle trouve le trésor adéquat. Peut-être ont-ils des cartes codés laissées par des pirates légendaires ?

"Des doigts chapardeurs plus près que tu ne l'imagines ma petite loutre. Une clé empruntée et le tour est joué."

Comme pour prouver son propos, elle promène ses doigts sur le corps de son interlocutrice.

"Un conseil pour les réserves ?"

Je souris, comme si j'allais donner toutes les ficelles du métier pour si peu. Je suis payée, mais clairement pas assez pour servir toutes les astuces sur un plateau d'argent. Aussi mignonne soit-elle, sa jolie bouille ne vaut pas autant.

-Oh mais mon caneton, ça c'est mon domaine, je ronronne à son oreille. Laisse-moi prendre les commandes des vieux barbons et assurer la livraison. Tu verras, mes services valent nettement leurs prix.

Oh oh oh. Cette conversation me plaît de plus en plus. Et pas, uniquement, parceque je la passe quasiment sur les genoux d'une charmante jeune femme.

-Des doigts chapardeurs ? j'ose espérer qu'ils soient agiles et experts. La clef doit être empruntée, c'est vrai, mais elle doit surtout ne pas manquer. Je verrai pour en faire un double à ta place, un peu de cire, un serrurier un peu débrouillard et pas bavard et le tour est joué.

Je ronronne sous la délicate caresse de ses doigts, en ce qui me concerne elle peut continuer autant qu'elle veut. Cela nous permet même de donner un tableau de plus en plus vivant et réaliste au monde autour. Je me presse toujours plus contre elle, mon décolleté bien mis en avant et impossible à ignore, je finis par finalement venir complètement prendre place sur ses genoux, mes bras passés autour de son cou.

-Mon petit ragondin des bois, j'en ai à revendre. Pour le prix qu'on m'a payé je te dirai de commencer à prendre des ouvrages dans des sections qui ont connues un inventaire relativement récemment. Moins de chance que ton "emprunt" soit découvert trop rapidement comme ça. Après, l'idéal c'est de leur laisser croire que rien ne manque. Une bonne imitation, ça fait des merveilles. Tout le monde est content au final.

Ce qui lui semble un très bon arrangement qui limite les risques de se faire prendre en étant un visage connu des commanditaires. Les intermédiaires sont les meilleures choses qui soient arrivées aux milieux du crime. La mitigation des risques. À l'inverse un intermédiaire pris, peut parler et permettre un immense coup de filet des forces de l'ordre.

Fusae n'est pas assez bête pour penser qu'une clé manquante ne resterait pas inaperçue longtemps. Avec de la cire, elle saura se débrouiller pour faire une empreinte et ensuite la porter à un serrurier qui ne piperait mot de la transaction. Visiblement, sa partenaire de crime souhaite jouer encore plus le jeu pour se fondre dans le décor ambiant. Ce n'est pas pour lui déplaire. Au contraire.

"Il va falloir  que je me renseigne sur les serruriers ma douce. Je ne voudrais pas refiler la clé aux serruriers officiels de la Bibliothèque."

La suggestion sur les inventaires l'amènerait à les lire pour s'assurer qu'ils soient récents. Son travail d'apprentie justifierait aisément qu'elle les compulse pour les connaître et être ainsi plus efficace dans ses tâches de bibliothécaire. Se plaindre du travail et du bizutage ne les feront pas disparaître.

"Un supplément pour les informations sur les serruriers, mon raton laveur adoré ?"

La pirate tire discrètement une bourse prévue spécialement pour une occasion de ce genre. Elle passerait comme la légitime transaction d'une cliente en échange des services. Dans ce tripot, elle espère que rien ne viendra déranger leur échange. Pas avant d'avoir entendu ce qu'il lui est nécessaire de savoir. L'ennui est qu'un tel échange financier attire aussi les convoitises de personnes qui pourraient décider qu'elles étaient des proies. Dommages pour eux, les couteaux cachés seront là pour prouver le contraire.

Oh les mots que j'aime entendre ! C'est comme de la musique à mes oreilles, du miel auditif : «supplément d'honoraire» ! Y a t-il de plus beau son que ça ?

-J'ai mieux à te proposer, ma souris en sucre. 50 par clef, travail impeccable garanti et personne pour te poser de vilaines questions indiscrètes. Tu en dis quoi ?

Bien sûr ça ne vaut pas autant, il faut bien que je prenne une commission dessus. Et puis c'est toujours le principe de la négociation, le prix est volontairement haut, si elle le baisse j'ai une marge de manoeuvre pour garder un confortable pécule par clef reproduite. Et si elle ne négocie pas, plus pour moi. J'en sors gagnante quoi qu'il arrive. Et puis même pour moi ce ne serait pas mal de me constituer un petit trousseau de clefs de réserves d'Alexandria.

-Et je ne saurai pas contre le fait que tu m'offres le repas, ma belle. Juste parce que tu as des jolis yeux et que j'aime bien me faire gâter de temps en temps.

Une réflexion rapide s’engage dans l’esprit de la pirate désormais apprentie bibliothécaire. Une opération de change monétaire. 50 pièces de bronze. L’équivalent de deux pièces d’or et deux d’argent au total. C’est énorme pour faire un double d’une serrure de réserve de la bibliothèque. Fusae est consciente que la valeur finale diffèrera en fonction du type de monnaie utilisée. La Couronne des Cinq Cités ou une monnaie propre à une cité libre ou Alexandria.

« 25. Je prends des risques à les chiper aussi mon petit castor. Et tu peux en faire d’autres pour toi. »

Pas stupide pour un sou, elle pointe le fait qu’elle-même prend des risques et qu’elle pourrait s’en faire plus au passage en se faisant d’autres doubles. L’ennui c’est que si d’autres personnes ont les mêmes et qu’elles se font pincer avec, ces serrures risquent fort d’être changées.

« Et un repas pour ma libellule et moi. »

Elle lève la main pour réclamer ledit repas en regardant dans les prunelles des yeux de Merle.

« Te voilà gâtée. »

C'est qu'elle me coupe directement mon offre de moitié ! Ah ça, non ! Pas question que j'accepte aussi facilement une baisse du genre ! D'accord, ma première offre n'avait rien de raisonnable et elle aurait été bien sotte de l'accepter sans discuter. Mais c'est pour le principe !

-35, mon lémurien des îles. Je garantis que personne ne remontera jusqu'à toi, et il faut bien que je prenne ma part dans l'histoire. Mes services ne sont pas gratuits, mais je t'assure qu'ils en valent chaque petite pièce.

J'enroule ses longues mèches noires autour de mes doigts, toujours plus pressée contre elle. Un léger mouvement de jambe me permet de découvrir mes mollets et un peu de mes cuisses.

Elle a bien compris que je comptais me faire un double pour mon propre profit, elle est loin d'être idiote. Ce n'est pas pour me déplaire, il vaut mieux avoir un peu de cervelle quand on trempe dans ce genre d'affaires.

-Je constate, je ronronne presque. Je saurai rendre la faveur.

Ou pas. Les promesses n'ont que peu de poids.

Fusae réfléchit à la contre-offre de Merle. Est-ce qu'elle a encore une marge de négociation ? Est-ce que les garanties qu'on vient de lui donner lui suffisent ? La pirate reconvertie en apprentie bibliothécaire décide que oui. Tout à fait. Pour clôturer la transaction, elle ne se prive pas de voler un baiser à sa compagne pour elle-même, pour le rôle qu'elle joue actuellement et pour la galerie.

"Marché conclu, ma louve."

Fusae ajoute quelques mots ensuite, à propos du baiser. Sans directement l'évoquer. Le repas commandé semble arriver. En dépit de l'apparence du tripot, le délai de service apparaît décent.

"Considère que la faveur est close à moins que tu ne désires davantage. Profitons de notre repas, veux-tu ?"

Et voilà, l'affaire est conclue. A la place d'un toppe-la c'est un baiser qui scelle l'accord. Je ne m'en plains pas au vu de mon associée actuelle. Et certainement pas avec une affaire si rondement menée. Je répond à son baiser, autant pour le plaisir que pour la forme et le spectacle. Sa bouche est douce contre la mienne, on en oublierait presque les crocs acérées que je devine derrière/

Je veux toujours plus. On n'exercerait pas dans nos domaines si l'on se satisfaisait de ce qui nous était donné. Mon appétit n'est pas raisonnable ni sage, et c'est tant mieux. Autrement je n'aurais rien. Mais je lui souris plutôt que de lui répondre quelque chose de cet ordre.

-Tout à fait satisfaite pour le moment, ma belle. C'est un souper bien mérité que nous avons là.

Peut-être irons nous plus loin ce soir. Mais pour le moment je ne crache pas sur le repas chaud et gratuit que je viens de gagner en bonus. J'espère qu'elle ne va pas se faire prendre avant d'avoir eu l'occasion de m'en offrir d'autres.

"Mangeons à notre succès futur et que les déesses nous soient favorables !", réplique Fusae en voyant le repas commandé être servi par le tripot.